[Faire-part de décès]

L’expression “Je cherche l’or du temps” a été inventée par André Breton à l’automne 1924, alors que le Manifeste du surréalisme est sous presse. La formule figure dès le début du nouveau “texte étrange” (Marguerite Bonnet) en cours qui paraîtra quelques mois plus tard, en mars 1925, sous le titre Introduction au discours sur le peu de réalité, dans la revue Commerce. Gallimard le publiera en volume en 1927. Dans le premier paragraphe, Breton affirme la nécessité de croire en une imagination conductrice du rêve, donnant “l’illusion de tenter la grande aventure, de ressembler quelque peu à un chercheur d’or : je cherche l’or du temps”. Cette devise personnelle définit en fait le propre de toute poésie vraie : celle d’extraire l’or – c’est-à-dire l’immuable, l’incorruptible en même temps que la richesse – d’un présent fuyant et d’une époque (sous la double signification du mot “temps”). On retrouve là une nouvelle formulation de la modernité baudelairienne : “la modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable”.

Nadja, dans le roman éponyme (1928) prévenait le narrateur-Breton : “Prends garde : tout s’affaiblit, tout disparaît. De nous, il faut que quelque chose reste… ”

“Je cherche l’or du temps” : cette formule célèbre qu’écrivit André Breton dans un présent éternel, figure quarante-deux ans plus tard sur son faire-part de décès, en lettres capitales, et sera gravée au centre de sa tombe au cimetière des Batignolles.