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Historia utriusque belli Dacici a Traiano Caesare gesti... ex simulachris quae in columna eiusdem Romae visuntur collecta... ad catholicum Hispaniarum regem Philippum II
LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION GRAVÉE DES CÉLÈBRES BAS-RELIEFS DE LA COLONNE TRAJANE.
AVEC DEUX SUPERBES GRANDES PLANCHES DÉPLIANTES ILLUSTRANT CE GRAND MONUMENT DE L’ANTIQUITÉ, CHEF-D’ŒUVRE DE LA SCULPTURE.
OUVRAGE RARE ET PRÉCIEUX, LORSQUE RELIÉ EN MAROQUIN À L’ÉPOQUE
ÉDITION ORIGINALE
In-folio (310 x 240mm)
Initiales [de 6 lignes] et cul-de-lampe gravés sur bois
Marque typographique à l’ancre aldine imprimée sur la page de titre. L’usage de l’ancre s’explique sans doute par le fait que Francesco Zanetti, originaire de Venise, et Bartolomeo Tosio furent tous deux des disciples de Paolo Manuzio. Celui-ci s’installa à Rome en 1564 pour diriger l'imprimerie pontificale, qui prit le nom de Stamperia del popolo romano. Il fut protégé par le pape Grégoire XIII et mourut en 1574
COLLATION : A-F4 + 4 feuillets (6 planches) + 130 doubles pages ; A3r-F1v paginés 5-42
CONTENU : A1r titre, A2r dédicace au roi d’Espagne, A3r texte Columnae traiani tam intimae quam extimae frontis exactissima orthographia, F2r Index columnae traianicae explicationem (6 pp.)
ILLUSTRATION : 6 planches gravées sur 3 pages dont une double [1 : 2 planches bout à bout dont l’extérieur de la colonne ; 2 : 2 planches bout à bout dont l’une dépliante pour l’intérieur de la colonne ; 3 : 2 planches de coupe de l’intérieur de la colonne imprimées sur double page] ; 130 planches imprimées sur double page numérotées 1-130, EN TOUT 133 PLANCHES DESSINÉES PAR GIROLAMO MUZIANO ET GRAVÉES PAR FRANCESCO VILLAMENA
RELIURE FRANÇAISE VERS 1600 (sans doute provençale). Maroquin rouge, décor doré, grand fleuron central à motif de feuillage, double encadrement de filets avec fleurons aux angles, dos à nerfs avec fleuron, tranches mouchetées de rouge
PROVENANCE : Vincent-François Jouvène, négociant marseillais (ex-libris manuscrit du XVIIe siècle sur la page de titre : Ex Bibliotheca Vincentii fransci Jouvene Massiliensis). Les Jouvène, importante famille du négoce provençal anoblie au début du XVIIIe siècle, donnèrent un échevin à Marseille à la fin du XVIe siècle et un conseiller au Parlement de Provence. Une rue et une place Jouvène appartiennent aujourd’hui encore à l’ancien quartier aristocratique d’Arles
CENSUS : 6 exemplaires aux U.S.A. : Boston Athenaeum, Princeton (veau, vers 1600, anciennement Librairie Sokol, £14.500), George Washington University (reliure moderne), Yale (exemplaire Borghese), Emery Library à Atlanta. USTC et EDIT16 recensent 7 exemplaires en Europe : 3 en France et 4 en Italie. L’exemplaire de la BnF est relié en maroquin rouge de la fin du XVIIe siècle ; il est costaud et peu élégant. L’ouvrage est très rare en vente aux enchères : seulement deux occurrences dont celle-ci. Un exemplaire de cette édition, dépourvu des planches, mais relié en vélin pour la célèbre bibliothèque Pillone a figuré dans la vente Hauck (New York, 27 juin 2006, lot 233). Un exemplaire incomplet d’une planche a été proposé par la librairie Sokol en 1997
Inaugurée en 113 après J.-C., la colonne Trajane, seul élément intact du somptueux Forum de Trajan, est, depuis le XVe siècle, au centre de nombreux débats d’interprétations. Ils tournent autour d’une même question : comment l’art doit-il et peut-il représenter l’histoire et sa violence ? En clair, la question de l’épopée. Mais c’est aussi par le style de leurs sculptures elles-mêmes que ces bas-reliefs créés par le “Maître de la colonne Trajane” exercèrent une influence multiséculaire et déterminante, de Michel-Ange à Rodin.
Cette colonne fut construite pour Trajan par son architecte Apollodore de Damas. Elle est considérée comme l’une des œuvres d’art les mieux préservées des Antiquités grecques et romaines. Malgré son âge presque deux fois millénaire, sa modernité s’affirme aujourd’hui encore puisque sa monumentalité la rend, précisément, incompréhensible. En effet, l’éloignement naturel du spectateur rend impossible la lisibilité de ces deux cents mètres de bas-reliefs qui relatent les deux guerres daciques par deux mille six cents personnages enroulés en vingt-trois spirales hautes de quarante mètres. Comme l’écrivait Louis Marin : “la colonne Trajane se voit (…) mais est-elle véritablement vue ? (…) est-ce que sa visibilité ostentatoire, triomphale, monumentale se double de la lisibilité précise, rigoureuse, des bas-reliefs dont elle est recouverte ?” (L. Marin, op. cit.) À cette question, la réponse est non. Le récit épique des statues, modèle parfait de la représentation de l’histoire, est invisible depuis l’extérieur, et a fortiori depuis l’intérieur de ce sublime escalier hélicoïdal, également gravé dans ce livre.
Vers 1500, le pape Alexandre VI (mort en 1503) ou Jules II, commanda au peintre Jacopa Ripanda (mort en 1516) un relevé exhaustif par dessins de la colonne. L’artiste conçut un appareil de visée qui le rendit célèbre. Il acheva son relevé dans des conditions particulièrement périlleuses, puisque suspendu dans un panier. Plus tard dans le siècle, le pape Grégoire XIII (1502-1585) fut élu en une journée par le conclave le plus bref de l’histoire de l’Église (14 mai 1472). Il devait son élection au parti espagnol et donc à Philippe II. L’empereur Trajan était lui-même d’origine espagnole ; Philippe II éprouvait pour lui une réelle fascination. Le pape commanda donc à l’érudit espagnol Alfonso Chacon (1540-1599) un ouvrage qui devait pour la première fois représenter la totalité des bas-reliefs de la colonne. Chacon s’entoura du graveur Francesco Villamena (1566-1625), fameux pour ses gravures de reproduction d'œuvres d'art. Formé par Cornelis Cort, il inspira Jacques Callot autant que Claude Mellan. Il fut, plus tard, l’auteur du frontispice du Saggiatore de Galilée publié à Rome en 1623. Villamena demanda au peintre Girolamo Muziano (1530-1590) de rassembler les dessins de Ripanda. Muziano ajouta ceux d’un célèbre élève de Raphaël, Giulio Romano. Chacon rédigea trois cent vingt légendes, toutes indexées sur les planches par des numéros, qui donnent une clé interprétative de l’œuvre antique. Il dédia son ouvrage à Philippe II qu’il compara directement à Trajan. Le succès fut indéniable. Le texte de Chacon fut d’ailleurs diffusé sans les planches dans une édition séparée. Le livre accompagné de ses planches fut réimprimé en 1585 et 1616. En 1672, Giovanni Pietro Bellori et Pietro Santi Bartoli créèrent une nouvelle édition gravée des bas-reliefs, indépendante cette fois du travail de Villamena. L’édition, publiée par G. de Rossi et préparée par Charles Errard, premier directeur de l’Académie de France à Rome, était dédiée à Louis XIV, nommé maintenant le “Trajan français”.
L’édition originale d’Alfonso Chacon fut en effet l’une des sources du classicisme français. Son influence sur Nicolas Poussin a été longuement travaillée. Comme l'avait démontré Anthony Blunt, Poussin copia ces bas-reliefs dans plusieurs dessins. Une feuille conservée au Musée Condé de Chantilly (INV AI 206, NI 250) représentant des légionnaires romains et des Daces, dérive clairement des planches 77, 87 et 126. Le peintre rassembla de façon très personnelle les attributs de différents personnages dans une composition où dominent les verticales. Poussin trouvait dans le livre de Chacon ces realia qui donnaient matière à son histoire romaine re-présentée. Ces motifs sont directement tirés des gravures de Villamena et plus particulièrement des planches 76, 92, 110 et 117.
Cet exemplaire a été monté sur onglets, dès sa reliure, comme les autres exemplaires que nous avons pu examiner (cf. http://pudl.princeton.edu/boundart.php ?obj=dv13zt97m et le site de la Emory Library à Atlanta). Il s’agissait d’adapter le texte et les planches à un même format. Rencontrer cet ouvrage relié en maroquin à l’époque est très inhabituel. Cette condition rend cet exemplaire, à l’évidence, d’autant plus précieux.
USTC 821795 et EDIT 16 10970 -- pas au Berlin Katalog -- Getty research Institute : l’exemplaire est incomplet du texte de Chacon -- Adams, Catalogue of Books printed on the Continent of Europe (1501-1600) in Cambridge Libraries, C 1627 (qui n’a que trois planches) -- BM STC Italian, 1465-1600, p. 167 -- M. Galinier, La Colonne trajane et les Forums impériaux, Rome, 2007 -- Salomon Reinach, La Colonne trajane, Paris, 1886 -- L. Marin, “Visibilité de l’histoire : à propos des dessins de la colonne Trajanne”, Caesar triomphans, Florence, Institut français, 1984, pp. 33-44 -- sur Poussin, cf. T. Olson, Poussin and France : Painting, Humanism, and the Politics of Style, Yale, 2002, p. XVII ; J.-F. Méjanès, Musée du Louvre, Cabinet des dessins - Inventaire Général des dessins français, Lettre P, Paris, 1997, n° 1698, p. 432 ; P. Rosenberg, L.-A. Prat, Nicolas Poussin, Catalogue raisonné des dessins, Milan, 1994, n° 197