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BERNARD, Pierre-Joseph

Œuvres ... ornées de gravures d’après les desseins de Prud’hon ; la dernière estampe est gravée par lui-même

Paris, Imprimerie Pierre Didot l’Aîné, 1797

À LA NAISSANCE DU LIVRE DE PEINTRE.

REMARQUABLE ET CÉLÈBRE GRAVURE ORIGINALE DE PIERRE-PAUL PRUD’HON.

SUPERBE RELIURE NÉO-CLASSIQUE SIGNÉE DE FRANÇOIS-AMBROISE MAIRET, LE TRÈS TALENTUEUX RELIEUR DE DIJON

ÉDITION ORIGINALE

Grand in-4 (310 x 231 mm)

TIRAGE unique à 150 exemplaires sur papier vélin fort d’Angoulême avec les figures avant la lettre comme l’indique une note imprimée au verso du faux-titre : “Cette édition, imprimée sur papier-vélin fort d’Angoulême, et qui contient les opéra de l’auteur, a été tirée à 150 exemplaires pour être joints aux épreuves des figures avant la lettre”.

CONTENU : on trouve en tête une notice de huit pages sur la vie de Bernard. Né à Grenoble, surnommé par Voltaire le Gentil-Bernard, ce chantre de l’amour fut encouragé et aidé par Helvétius. “Son goût pour les femmes”, écrit Didot, “a été la source où son génie a puisé… Les femmes qui l'aimaient… ne se montraient jalouses que du plaisir d'avoir comblé de leurs faveurs l'heureux chantre de l'amour. Cette passion de Bernard pour le beau sexe, qu'il avait prolongée beaucoup au-delà du terme qu'y a mis la nature, abrégea ses jours”. L’édition contient le célèbre poème, en trois chants, de Bernard, L’Art d’aimer, que Voltaire, cité par Didot dans sa préface, mettait au-dessus de celui d’Ovide. Viennent ensuite le poème en quatre chants, Phrosine et Mélidor, les Poésies diverses, le ballet Les Surprises de l’amour, en trois actes : “L’enlèvement d’Adonis”, “La lyre enchantée”, “Anacréon”, et enfin la tragédie lyrique en cinq actes, Castor et Pollux, créée par Mademoiselle Arnould le 24 octobre 1737, mis en musique par Jean-Philippe Rameau et considéré comme son chef-d’œuvre

ILLUSTRATION : une EAU-FORTE ORIGINALE DE PIERRE-PAUL PRUD’HON (Phrosine et Mélidor), LA SEULE CRÉÉE PAR PRUD’HON, et trois autres illustrations d’après cet artiste réalisées par Beisson et Copia pour L’Art d’aimer

RELIURE SIGNÉE DE FRANÇOIS-AMBROISE MAIRET. Maroquin rouge à grain long, décor d’encadrements dorés autour des plats, frise latérale formée de deux fers différents, la frise horizontale en un seul fer à neuf personnages, jeux de filets et roulettes à décor de feuilles de vigne, dos long très orné, doublure de moire violette bordée d’un encadrement de maroquin doré, gardes de papier bleu pâle à décor doré, tranches dorées

PROVENANCE : Maurice Péreire -- Pierre Berès (Paris, 25 octobre 2005, n° 154, €16.000 avec les frais) -- Marc Litzler (Paris, 20 février 2019)

Le travail de Pierre-Paul Prud’hon donne à ce livre une puissance originale. La qualité du clair-obscur de Phrosine et Mélidor et son réalisme subtil laissèrent pantois des générations d’artistes. Tout s’enveloppe d’un mystère saisissant et les liens entre la nature et l’amour y trouvent toute leur splendeur.

Ce beau livre, l’une des meilleures productions de Pierre Didot, réalisée avec les magnifiques caractères récemment créés par son frère Firmin Didot, atteste la profonde implication de cet imprimeur dans l’édition. Installé au Louvre même et conseillé par le peintre David, Pierre Didot avait édité avant la Révolution la série des Auteurs classiques français et latins imprimés pour l’éducation du Dauphin, et illustrée principalement par David, Gérard et Girodet. Il avait, dès 1795, donné une édition illustrée in-octavo des Œuvres de Bernard, qui reprenait les figures d’Eisen des éditions de 1772 et 1775. C’est Didot qui, pratiquement contre David, choisit Prud’hon pour illustrer cette édition. Elle témoigne autant de son goût pour le charmant poète, mal connu, du règne de Louis XV que de son admiration pour le peintre à qui il a dédié une Epître à mon ami Prud’hon, Auteur des charmants desseins qui embellissent cette édition des Œuvres de Bernard, se terminant par cet éloge : “Oui, cher Prud’hon, ce seul ouvrage t’assure l’immortalité”.

Aux débuts des années 1780, Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) reçut à Paris une formation de graveur et de peintre chez Pierre-Alexandre Wille. Après avoir été couronné du Prix de Rome de l’Académie des États de Bourgogne, Prud’hon passa les années 1784-1788 en Italie avec son ami sculpteur Pierre Petitot. À son retour en France, les troubles révolutionnaires l’écartèrent de Paris et il se retira en Franche-Comté. En 1796, il devint membre associé de l’Institut de France et disposa alors d’un atelier au Louvre. Vivant Denon reconnut son génie.

La vie artistique des premières années du Consulat est imprégnée par les idéaux de l’Antiquité et de la Renaissance. Dans son style, Prud’hon épouse cette évolution. Son eau-forte originale Phrosine et Mélidor est marquée par cette découverte du néo-classicisme et par l’influence de Léonard de Vinci et du Corrège. Lors de son voyage italien, Prud’hon a longuement étudié la qualité de leur clair-obscur dont il maîtrise à merveille la retranscription gravée. Avec Phrosine et Mélidor et son clair-obscur inquiétant,Prud’hon participe à la naissance du roman gothique.

“Didot, dans son prospectus de 1799, écrivait : “l’estampe joint au piqûant d'une composition originale un faire neuf, hardi, précieux et sentimental”. La mystérieuse et singulière réunion, sous les pâles rayons de la lune, des amants, qu’elle traduit, est célèbre : Delacroix fut impressionné, disant qu’à elle seule elle plaçait Prud’hon auprès du Corrège” (cf. Emile Dacier, Prud’hon et l’art du livre, dans Le Portique, II, 1945, pp. 68-82).

En 1935, Paul Éluard ira même jusqu’à créer un collage en utilisant Phrosine et Mélidor (cf. exemplaire de Facile de la collection Paul Destribats).

La reliure de l’artiste dijonnais François-Ambroise Mairet distingue ce livre des autres exemplaires. La frise de personnages de l’Antiquité, les animaux et les humains vaquant à leurs occupations conviennent à la perfection au chant poétique de Bernard et à son livret de Castor et Pollux.

L’association des arts produite par cette reliure de Mairet, les écrits de Bernard et les gravures de Prud’hon font la rareté et la qualité de cet exemplaire.

BIBLIOGRAPHIE : 

Cohen-de Ricci, Guide de l’amateur, col.133-134 -- Stéphanie Loubère, “’L'Art d'aimer’ au siècle des Lumières”, Oxford, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 2007, p.343