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Magnificentiores Selectioresque Urbis Venetiarum Prospectus
LA GLOIRE DE VENISE EN RUSSIE AU SIÈCLE DES LUMIÈRES.
EXTRAORDINAIRE EXEMPLAIRE DES VUES DE VENISE DE MARIESCHI RELIÉ EN MAROQUIN AUX ARMES ET CHIFFRES D’IVAN CHOUVALOV.
IL FUT LE GRAND PROTECTEUR DES ARTS DANS LA RUSSIE DES LUMIÈRES, FONDA L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS DE SAINT-PETERSBOURG, ET CORRESPONDIT AVEC HELVETIUS, VOLTAIRE, DIDEROT, ET D’ALEMBERT.
LES LIVRES AUX ARMES D’IVAN CHOUVALOV CONSTITUENT L’UNE DES PLUS PRESTIGIEUSES PROVENANCES BIBLIOPHILIQUES RUSSES.
AVEC LE CACHET DES COLLECTIONS IMPÉRIALES RUSSES EN BAS DE LA PAGE DE TITRE
ÉDITION ORIGINALE
In-folio (455 x 629mm)
TIRAGE : toutes les planches sont en PREMIER ÉTAT, conformément aux quatre états décrits par Dario Succi, c’est-à-dire, avant la numérotation et le nom de l’imprimeur gravés dans la planche. Avec de nombreuses planches dans le tirage précoce repéré par Montecuccoli degli Erri, c’est-à-dire avec les “guide lines” dans l’inscription des légendes
ILLUSTRATION ET COLLATION : portrait de l’auteur dessiné par Anzolo Trevisan et gravé par Carlo Orsolini, placé en frontispice, 21 eaux-fortes dessinées et gravées par Michele Marieschi
RELIURE RUSSE DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, décor doré, chiffre couronné au centre du plat supérieur, armes dorées avec devise au centre du plat inférieur, large décor formé d’une double roulette dorée aux petits fers et de filets dorés en encadrement, quatre fleurons aux angles, chacun réalisé aux petits fers et différent des trois autres, dos à nerfs orné, DOUBLURE ET GARDES DE PAPIER D’AUGSBOURG DOMINOTÉ À MOTIF FLORAL. Les armes du plat inférieur sont composées d’une licorne centrale qu’entoure la devise, en russe, de l’ordre de Saint-Alexandre Nevski et qui signifie : « Pour le Travail et la Patrie ». Cet ordre fut fondé par Catherine Ier de Russie en 1725 et accordé aux grands serviteurs de l’Empire. Ivan Chouvalov en fut décoré en 1751. Étui
PROVENANCE : Ivan Ivanovitch Chouvalov (chiffre « JJJ » et armes au centre des plats) -- “W. Klotschkoff, Saint-Pétersbourg” (étiquette de libraire, vers 1860) -- Constantin Stepanovich Veselovskiy (ex-libris ; 1819-1901 ; brillant économiste et père de la climatologie en Russie) -- cachet impérial, à l’encre noire, de la Bibliothèque de Tsarskoie Selo en bas de la page de titre (aigle bicéphale surmonté de la couronne impériale) -- Princes de Beauvau-Craon au château d’Haroué
Les Vedute de Venise sont l’apanage de quelques grands peintres et graveurs. Michele Marieschi (1710-1743) se place au sommet de cet art auprès de Canaletto, Brustolon et Carlevaris. Si l’ouvrage de Marieschi est moins connu que celui de Canaletto, il est beaucoup plus rare et le plus énigmatique de tous, par la prodigieuse virtuosité de son auteur et par sa mort précoce à trente-trois ans. On sait peu de choses sur Marieschi, seulement que son père était également graveur (sur bois), et qu’il fut très probablement l’élève de Canaletto :
“There is no doubt that Marieschi is one of the strongest personalities of the Venitian school of landscape painting. This personality is particularly evident in the beautiful set of Venitian etchings published two years before his death. Before this set he published only one entirely original etching… The set of View of Venice etched and published by Marieschi in 1741 are much superior in technique and spirit to those engraved in the same years by Visentini after Canaletto’s pictures… He may have induced Guardi to dedicate himself, although late in life, to this art”. (Mauroner, pp. 183 et suiv.)
Ces célèbres gravures de Marieschi ne dérivent pas de tableaux qu’il aurait peints. On ne leur connaît aucun modèle. Elles sont donc des œuvres d’art à part entière, dessinées et gravées par l’artiste lui-même.
“Marieschi was born in in the parish of San Marcuola, Venice, on 21 December 1710. He was trained by his maternal grandfather, the theatrical scene painter Antonio Meneghini, and by Gaspare Diziani of Belluno, who at the time was working as a stage designer in the studio of Francesco Tasso. Marieschi’s earliest recorded works are ephemeral structures for the Giovedi Grasso festival in the Piazzetta, Venice, in 1731, and for the obsequies for Maria Clementina Sobieski, conducted in San Paterniano, Fano, in 1735. In the latter year, he painted the ingresso of Francesco Antonio Correr as Patriarch of Venice (7 February), and travelled in Germany ; in 1736 he painted two vedute for Matthias von Schulenberg. From 1736 until 1741, Marieschi’s name is registered in the Fraglia dei Pittori, or guild, of Venetian painters. On 27 November 1737, he married Angela Fontana, daughter of Domenico Fontana, the most important picture dealer in Venice, with a shop in San Luca, and became the leading artist of Fontana’s workshop. Marieschi died after an eight-day illness at the age of just 33 on 18 January 1743. His studio was taken over by a pupil, Francesco Maria Albotto (1721–1757), who would also marry Marieschi’s widow on 29 October 1744”. (Robin Halwas)
Les exemplaires en maroquin d’époque, à provenance prestigieuse, sur les grands livres de Venise sont rarissimes. Cet exemplaire des Magnificentiores Selectioresque Urbis Venetiarum Prospectus (communément appelé Vedute de Venise) appartint à l’un des membres les plus influents de la Cour de Russie qui le fit relier à ses chiffres et armes. L’exemplaire de dédicace au Prince Marc de Beauvau-Craon, composé de dix-huit planches, est considéré comme perdu. C’est sans doute la raison pour laquelle les Princes de Beauvau-Craon décidèrent d’acquérir cet exemplaire.
Ivan Chouvalov (1727-1797), protégé de l'impératrice Élisabeth, fille de Pierre le Grand, fut le ministre en charge de la culture dans la Russie des Lumières. À partir de 1762, il servit Catherine II, laquelle rapporte dans ses Mémoires qu’elle ne vit jamais Chouvalov sans un livre à la main. Proche d’Helvétius et de Voltaire, il entretint une importante correspondance avec eux, ainsi qu’avec Diderot et d’Alembert. En 1757, Chouvalov proposa à Voltaire d’écrire l’histoire de Pierre le Grand, laquelle parut deux ans plus tard. Ivan Chouvalov, surnommé “le Mécène du Nord”, avait été choisi pour répandre les lumières de l’Occident en Russie, et la sortir de son isolement. Il créa l’Université de Moscou en 1755, et, surtout, en 1757, l'Académie impériale des Beaux-Arts de Russie, à Saint-Pétersbourg, dans son propre palais.
Chouvalov fit appel aux meilleurs professeurs étrangers. Il forma une bibliothèque, une collection de peintures et de sculptures sans égale dans la Russie des Lumières. Ces livres étaient principalement des illustrés des XVIIe et XVIIIe siècles en français, italien et latin, non seulement destinés à l’enseignement et au développement des Beaux-Arts mais révélant aussi une volonté plus politique, celle d’une inscription de la grandeur russe dans le paysage de la ville de Saint-Pétersbourg, nouvelle capitale de l’Empire russe depuis 1712.
La bibliothèque de Chouvalov contenait donc tous les sujets relatifs au développement de l’architecture et des Beaux-Arts, parfaitement choisis pour l’usage des étudiants : albums de vues et de plans de villes européennes, de monuments anciens et modernes, recherches archéologiques les plus récentes, sculpture, numismatique, religion et histoire de l’art. Un ensemble de vingt-deux volumes formait la « Collection d’Estampes du Cabinet du Roy » Louis XIV, imprimé en France à partir des années 1670-1680. Selon une lettre (datée du 24 janvier 1757) du chargé d’affaires de Chouvalov à Paris, F. D. Behteev, au vice chancelier M. I. Vorontsov, ce cabinet du roi aurait été présenté à Chouvalov par Louis XV lui-même. La seconde caractéristique de cette bibliothèque est qu’elle est celle d’un bibliophile russe. En plus d’être finement choisis par leur sujet, les livres Chouvalov sont des exemplaires empreints de Russie : reliés en Russie, tous frappés de prestigieuses armes russes (celles de Chouvalov), et surtout, destinés, pour la majorité, à rester en Russie. Quand il entreprit des voyages à l’étranger en 1765, Ivan Chouvalov céda (ou plutôt, vendit pour 1500 roubles) la majorité de sa bibliothèque à la nouvelle Académie des Beaux-Arts.
Le registre des livres et gravures de cette vente (conservé au Département des archives d’histoire russe) recense cent vingt-neuf volumes, soit la moitié des livres de la bibliothèque des Beaux-Arts à l’époque. Or, la Russie de l’Impératrice Élisabeth, permettait difficilement la constitution d’une telle collection, le commerce du livre étant encore peu développé. Comme le remarque E. R. Dashkova dans ses Notes, Chouvalov “désirait devenir un célèbre mécène des arts et faisait venir de France tout livre nouveau”. Il n’est donc pas étonnant – aussi extraordinaire cela soit-il, que le plus important mécène et homme de culture russe des Lumières, favori de deux tsarines, possédât un des plus beaux recueils de Vedute de Venise jamais réalisés, celui de Marieschi.
Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses recherches, publications et conférences consacrées à Chouvalov placent ses livres au centre de toutes les attentions comme étant d’une provenance bibliophilique exceptionnelle. La redécouverte et la réactualisation de l’inventaire de sa bibliothèque, depuis le premier réalisé en 1765, rappellent qu’elle fut l’une des plus prestigieuses jamais constituées en Russie. En 1994, lors du Congrès International des Bibliophiles qui eut lieu à l’Académie des sciences, quinze livres de Chouvalov reliés à ses armes furent prêtés par l’Académie des Beaux-Arts. En 1997, une conférence internationale fut organisée pour célébrer le deux cent soixante-dixième anniversaire de naissance de Chouvalov et le deux centième de sa mort ; la bibliothèque de l’Académie des Beaux-Arts présenta à nouveau des livres lui ayant appartenu. Un catalogue complet de sa collection de livres conservés par l’Académie des Beaux-Arts est en cours de rédaction. Le palais Chouvalov, en plein centre de Saint-Pétersbourg, abrite aujourd’hui une riche collection d’œufs du célèbre joaillier Pierre-Karl Fabergé.
Dario Succi, Marieschi : Venezia in scena. Catalogo della mostra. Umberto Allemandi, 1987, p. 45 et suiv. -- Fabio Mauroner, Michiel Marieschi, the Print Collector’s Quartely, Kansas City, 1940 -- Ralph Toledano, Michele Marieschi. L'opera complete -- Anna Obradovich, The Book collection of Ivan Shuvalov at the Scientific library of The Russian Fine Arts Academy (cf. http://artroots.com/ra/history/ivanshuvalov.htm) -- Federico Montecuccoli degli Erri et Filippo Pedrocco, Michele Marieschi : La vita, l’ambiente, l’opera, Milan, 1999
R. Halwas, https://www.robinhalwas.com/index.php ?controller=attachment&id_attachment=240&name=018056-Marieschi.pdf