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GORI, Anton Francesco

Museum florentinum exhibens insigniora vetustatis monumenta quae Florentiae sunt in thesauro mediceo

Florence, Michaël Nesteni et François Moücke, 1731-1766

LA NAISSANCE DE L’UN DES PLUS GRANDS MUSÉES D’EUROPE : LES OFFICES.

MONUMENTAL CATALOGUE ILLUSTRÉ DES COLLECTIONS MÉDICIS. PREMIER INVENTAIRE VISUEL DE LA FUTURE GALERIE DES OFFICES.

EXCEPTIONNEL EXEMPLAIRE DE DÉDICACE, RELIÉ EN MAROQUIN À L’ÉPOQUE, AUX ARMES DE LÉOPOLD II DE HABSBOURG-LORRAINE, GRAND-DUC DE TOSCANE, FUTUR EMPEREUR D’ALLEMAGNE

ÉDITIONS ORIGINALES

12 parties reliées en 11 volumes in-folio (453 x 362 mm). Titres imprimées en rouge et noir. Vignettes, bandeaux, initiales et culs-de-lampe gravés sur cuivre, dont certains répétés
COLLATION : vol. I : [a]-e4 f6 [A]-Z4 2A4 2B6 : LII-185-pp., (9) ff. ; vol. II : [a]-c4 d6 [A]-Y4 (Y4 blanc) : XXXVI-158 pp., (9) ff. ; vol. III : [a]-c4 d6 A-O4 : XXXV-111 pp. ; vol. IV : [A]-C4 : XXII pp., (1) f. ; vol. V : [a]-e4 A-Z4 2A-C4 : XXXX-205 pp., (1) f. ; vol. VI : [a]-e4 f6 A-Z4 2A-K4 2L6 : LII-274 pp., (1) f. ; vol. VII : [a]-b4 A-Z4 2A-K4 2L6 : XV-274 pp., (1) f. ; vol. VIII : [a]4 A-Z4 2A-P4 2Q6 : VII-313 pp., (1) f. ; vol. IX : [a]4 A-Z4 2A-S4 : VII-326 pp., (1) f. ; vol. X : [a]4 A-Z4 2A-P4 2Q6 (2Q6 blanc) : VII-313 pp. ; vol. XI : tome 1 partie 1 : π1 [a]-b2 A-N2 : (3) ff., IV-L pp., tome 1 partie 2 : [a]2 A-P2 : (3) ff., LVIII pp., tome 2 partie 1 : [a]2 A-N2 : (3) ff., L pp., tome 2 partie 2 : [a]2 A-P2 (sans P2 blanc) : (2) ff., LVIII pp.
ILLUSTRATION : 741 PLANCHES gravées sur cuivre d’après les dessins de Giovanni Domenico Campiglia, Giovanni Domenico Ferretti et Antonio Pazzi. Soit : Gemmae antiquae (vol. I-II) : 200 planches ; Statuae antiquae (vol. III) : 100 planches ; Antiqua numistata (vol. IV-V-VI) : 121 planches ; Serie di ritratti degli eccellenti pittori (vol. VII-VIII-IX-X) : 220 planches ; Serie di ritratti dei celebri pittori (vol. XI) : 100 planches
RELIURES ITALIENNES UNIFORMES DE L’ÉPOQUE. Maroquin rouge, décor doré, armes aux petits fers au centre des plats, frise en encadrement, dos longs ornés, tranches dorées, non rognés
PROVENANCE : Pierre-Léopold de Habsbourg-Lorraine (1747-1792), Grand-Duc de Toscane sous le nom de Léopold Ier (1765-1790 ; armes), couronné empereur des Romains en 1790 -- Biblioteca Cagnola Milano (timbre à sec sur les premiers feuillets de chaque volume) et donc peut-être Lodovico Melzi d'Eril, 3e duc de Lodi

Très rares et pâles rousseurs éparses, infimes mouillures angulaires à un volume

L’érudit florentin Anton Francesco Gori (1691-1757) fut prêtre et antiquaire. Il consacra de nombreuses études aux antiquités romaines ainsi qu’au peuple étrusque, dont il était grand connaisseur. En 1735, il fut l’un des membres fondateurs de la Società Colombaria, un cercle d’érudits qui deviendra par la suite l’Accademia Toscana di Scienze e Lettere la Colombaria. Son grand-œuvre fut la direction et la rédaction de ce Museum florentinum, qui décrit pour la première fois les sculptures et les antiquités de la collection des Médicis.

Ce catalogue illustré représente la première entreprise d’archive visuelle des collections médicéennes. Elle est née sous l’impulsion de plusieurs nobles et antiquaires de Florence, désireux d’établir un inventaire des trésors possédés par les Grands-Ducs de Toscane ainsi que ceux de quelques collections privées de la ville de Florence. Gori se retrouva à la tête du projet et bénéficia de la protection du cardinal Neri Maria Corsini, membre de l’une des lignées princières les plus puissantes d’Italie, détentrice de multiples et célèbres collections.

La publication s’étendit sur trente-cinq années, de 1731 à 1766. Grâce aux savantes dissertations que contiennent les premiers tomes, Gori gagna rapidement une réputation européenne. Les travaux de dessins et de gravures, quant à eux, furent confiés à Giovanni Domenico Campiglia, peintre et aquafortiste florentin. Le Pape Clément XII, impressionné par la précision et la maîtrise des réalisations de Campiglia, le fit appeler à Rome.

La première partie du Museum florentinum donne à voir les gemmes et les camées, la deuxième présente les sculptures, la troisième est consacrée aux médailles et monnaies, la dernière comprend trois cent vingt portraits des plus grands artistes européens : peintres, graveurs, architectes, etc. Cosme III de Médicis, Grand-Duc de 1670 à 1723, hérita de cette vaste galerie de portraits en 1675, qui comprenait elle-même la célèbre collection d’autoportraits de peintres constituée par son oncle, le cardinal Léopold de Médicis (1617-1675). Ce dernier était d’ailleurs à l’origine de la collection d’autoportraits exposée dans le Corridor de Vasari. Pour accueillir toutes ces œuvres, Cosme III créa, entre autres, la fameuse “Salle des autoportraits” (“Sala degli autoritratti”) dès 1681. Les portraits faisaient la renommée et la spécificité de la collection des Médicis. C’est, en effet, sous Cosme III, que la Galerie commença à se transformer réellement : d’un cabinet de curiosités, elle fut façonnée en un véritable musée d’art et d’antiquités. Cosme III fut le premier à voir en ce lieu le meilleur atout pour rassembler et présenter les richesses des Médicis.

L’ouvrage aura successivement trois dédicataires. D’abord, Jean-Gaston de Médicis, fils de Cosme III, dernier Grand-Duc de Toscane de la lignée des Médicis (1723-1737), pour les trois premiers tomes. Peu soucieux de la postérité des Médicis, il mourut sans descendance. À sa mort s’ouvrit la succession de Toscane, enjeu européen capital des années 1740. François III de Lorraine, époux de Marie-Thérèse d’Autriche, elle-même dernière héritière des Habsbourg, devint Grand-Duc de Toscane, en attendant l’Empire, et laissa sa Lorraine natale à Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV. Le 31 octobre 1737, sa sœur, Anne-Marie-Louise de Médicis, soeur de Jean-Gaston et Princesse Palatine, également sans descendance, fit rédiger le célèbre “Pacte de famille” (“Patto di famiglia”). Les collections multiséculaires des Médicis seront léguées à la Toscane à la condition de ne pas quitter la ville de Florence et de demeurer ainsi le bien commun de toutes les nations :

“La sérénissime Électrice cède, donne et transfère au présent à Son Altesse Royale [François III de Lorraine], bibliothèques, joyaux et autres choses précieuses (…) que S.A.R. s’engage à conserver à la condition expresse que cela soit pour l’ornement de l’État, pour l’utilité du public, et pour attirer la curiosité des étrangers et que rien ne sera soustrait ou exporté de la capitale et de l’état du Grand Duché.”

La convention fut signée par François III de Lorraine, nommé Grand-Duc de Toscane la même année, et Anne-Marie-Louise elle-même. Aux yeux de l’Europe savante, le déclin des Médicis et la manque d’argent incessant des Habsbourg faisaient craindre la dispersion imminente des fameuses collections Médicis. Grâce à l’intelligence de François III et de Léopold II, c’est l’inverse qui se produisit.

Le deuxième dédicataire fut évidemment François III de Lorraine lui-même, pour les tomes quatre à dix. Grand-Duc de Toscane (1737-1765) sous le nom de François Ier, il avait épousé l’archiduchesse Marie-Thérèse d’Autriche un an plus tôt, en 1736. Enfin, son fils, Léopold II, se verra dédier les deux derniers tomes dès 1765. Cet exemplaire-ci porte les armes de Léopold II. C’est d’ailleurs la même année, le 18 août 1765, que Léopold II accéda au Grand-Duché sous le nom de Léopold Ier de Toscane, au moment de ses noces avec Marie-Louise de Bourbon. Il devint aussi empereur des Romains en 1790 sous le nom de Léopold II. Il fut aussi le frère de Marie-Antoinette, reine de France, et de Marie-Caroline d’Autriche, reine de Naples. Lors de son règne grand-ducal, Léopold réforma en profondeur l’administration de son État et fut le premier souverain à abolir la torture et la peine de mort ; il tenta même d’instaurer en Toscane la première monarchie constitutionnelle. Sa réputation de monarque éclairé, sensible aux arts, soucieux du patrimoine, lui fit gagner l’estime du siècle des Lumières. Enfin, sa contribution personnelle au développement des Offices renforça ses liens avec Florence. Il modernisa la Galerie et réorganisa les collections grand-ducales. Il fit notamment acquérir cent-six autoportraits d’artistes provenant de la collection de la famille Pazzi et créa en 1771, dans l’esprit néoclassique, la fameuse “Salle de la Niobé”. Cet ajout, considérable aux yeux des contemporains, contribua beaucoup au renouveau de la Galerie, à tel point que Léopold II fut traité comme le nouveau fondateur des Offices. C’est donc véritablement grâce aux efforts des Habsbourg, avec lesquels les modifications et les acquisitions s’intensifieront, que les collections prendront forme.

Ce Museum florentinum puise aussi dans les collections des principales familles florentines de l’époque, celles du sénateur Carlo Strozzi, du marquis Vincenzo Riccardi, des Niccolini, du comte Tommaso Bonaventura della Gherardesca, des Buonarroti, des Gaddi, des Cerretani, des Pazzi, du Cardinal Giovanni Antonio Guadagni, des Vettori et des Gianni. Celle de la famille Riccardi était remarquable : le marquis Vincenzo Riccardi, à la tête de la famille depuis 1728, collectionneur passionné, enrichit notablement ses collections de peintures, de manuscrits et de livres imprimés. Il fut également marchand d’art, vendant peintures, gemmes et joaillerie.

Parmi les sculptures les plus remarquables de la deuxième partie, Statuae antiquae, on peut admirer : le célèbre Hermaphrodite endormi (pl. XL-XLI, vol. 3), qui se trouve conservé au Louvre depuis 1807 ; le fameux Marsyas (pl. XIII, vol. 3), qui ornait les jardins Médicis à Rome ; un marbre représentant Vénus (pl. XXVI-XXIX, vol. 3), connu surtout sous le nom de la Vénus de Médicis, toujours conservé à la Galerie des Offices. La statue se trouvait à Rome, au cœur de la Villa Médicis. Véritable « miracle de l’art », elle avait été transférée à Florence en 1677 où elle devint une étape essentielle du Grand Tour.

En 1759, Giuseppe Bianchi publia à Florence un guide de poche, Ragguaglio delle Antichità e Rarità che si conservano nella Galleria Mediceo-Imperiale di Firenze, destiné aux visiteurs des Offices. Loin de rivaliser avec le Museum florentinum, ce petit guide pouvait offrir un genre de pendant à l’ouvrage de Gori. Il s’agit néanmoins du tout premier guide des Offices publié en italien. Durant l’été 1764, l’historien anglais Edward Gibbon (1737-1794) reconnut l’importance du catalogue de Gori après n’avoir consulté qu’un seul volume : “I would be pleased to be able to acquire it” (Gibbon’s Journey from Geneva to Rome). L’année suivante, l’astronome et voyageur Jérôme Lalande (1732-1807), auteur du plus fameux guide d’Italie, fit l’acquisition de tous les volumes parus, incitant les lecteurs et visiteurs à acheter un exemplaire à Florence plutôt qu’à Paris, où le prix était bien plus élevé (Voyage d’un françois en Italie). Le philosophe, helléniste et orientaliste suédois Jakob Jonas Björnståhl (1731-1779) considérait le Gori comme le meilleur guide des Offices (Lettere ne’ suoi viaggi stranieri).

Ce n’est donc rien moins que la naissance du Musée des Offices qui se lit dans cet ouvrage de trente ans. Il ouvrit officiellement ses portes en 1765, soit l’année de parution de l’avant-dernier tome et celle du mariage de Léopold II. La réorganisation administrative qui eut lieu en 1769 marqua définitivement l’autonomie du lieu et en fit un véritable musée d’art et d’antiquités, ouvert au public. La Galerie devint alors, et pour longtemps, l’un des épicentres de la culture européenne.

BIBLIOGRAPHIE : 

Brunet, V, col. 1670 -- E. Vinet, Bibliographie méthodique et raisonnée des Beaux Arts, II, 1515 -- L. Cicognara, Catalogo ragionato dei libri d'arte e d'antichità, II, 3417 -- J.-C. Brunet, Manuel du libraire, II, 1670 -- Abbé F.-V. Mulot, Le Museum de Florence, Paris, 1787 -- M. Huber, Notice générale des Graveurs, Dresde-Leipzig, 1787, p. 106 -- M. Huber, Manuel des Curieux et des Amateurs de l’Art, Zürich, 1800, p. 123 -- C. Paul (dir.), The First Modern Museums of Art, Los Angeles, Getty Museum, 2012, pp. 77-107 -- G. di Pasquale, Uffizi. The Ancient Sculptures, Florence, 2001 -- J. Boutier (dir.), Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (XVIIe-XVIIIe siècles), Rome, 2005