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GAUTIER, Théophile

Sacountala. Ballet-pantomime en deux actes. Livret de M. Théophile Gautier. Musique de M. Ernest Reyer

Paris, Michel Lévy frères, Tresse, 1858

ENVOI À MADAME SABATIER, ÉGÉRIE DE THÉOPHILE GAUTIER ET CHARLES BAUDELAIRE, ET L’UNE DES PRINCIPALES INSPIRATRICES DES FLEURS DU MAL.

EXEMPLAIRE RELIÉ À SON CHIFFRE.

RENCONTRE DU POÈTE ET DU MUSICIEN

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (229 x 143mm)
COLLATION : [1-5] 6-11 pp.
ILLUSTRATION : une lithographie dépliante (226 x 277mm)
ENVOI autographe signé :
À la seule qui ait lu Sacountala
de la part de Calidafa
Théophile Gautier

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos long de maroquin vert émeraude, supra-libris frappé en haut du dos, plats de papier marbré, tranches marbrées
PROVENANCE : Apollonie Sabatier (1822-1890 ; envoi, supra-libris) -- Armand Godoy (Paris, 26 novembre 1987, n° 71)

Infime restauration au dernier feuillet

Les livres de Madame Sabatier

Apollonie Sabatier rassembla dans son salon, rue Frochot, tout ce que Paris comptait d’écrivains et d’artistes importants dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Théophile Gautier lui présenta Charles Baudelaire en 1852. Elle entretint avec l’un et l’autre une relation amicale et amoureuse comme en témoignent la célèbre lettre érotique que Gautier lui adressa en 1850, connue sous le nom de Lettre à la Présidente. Elle inspira à Baudelaire de nombreux poèmes dont la pièce condamnée À celle qui est trop gaie. Apollonie Sabatier avait débuté comme figurante à l’Opéra de Paris. Théophile Gautier lui adressa cet exemplaire de son ballet oriental Sacountala en sachant qu’elle le lirait ou qu’elle avait sans doute déjà lu : “À la seule qui ait lu Sacountala”.

On ignore le contenu de la bibliothèque d’Apollonie Sabatier dont l’inventaire après décès, en 1890, ne donne aucune description détaillée. Son relieur habituel, Rémy Petit, reliait ses livres en demi ou plein maroquin de couleur verte. Son chiffre entouré de la devise “Vis superba formae” [force superbe de la forme], choisi par Théophile Gautier d’après un vers un Jean Second, était frappé en haut du plat supérieur. Théophile Gautier, en décidant de singulariser les livres de son amie par une marque d’appartenance qu’il avait lui-même dessinée, leur offrait d’entrer dans la postérité. Seule une dizaine d’exemplaires, tous précieux, ayant appartenu à Madame Sabatier, sont aujourd’hui connus :

- Théophile Gautier, Émaux et camées. Conservé à la Bibliothèque de l’Institut, relié en plein maroquin janséniste vert amande de Petit, chiffre sur le premier plat
- Théophile Gautier, Poésies complètes. Collection particulière, demi-maroquin vert clair de Lortic, offert par Baudelaire
- Charles Baudelaire, Histoires extraordinaires. Collection Armand Godoy (Paris, 23 novembre 1982, n° 13) puis colonel Sickles (Paris, 20-21 avril 1989, n° 18), relié en plein maroquin janséniste vert amande de Petit, chiffre sur le premier plat
- Charles Baudelaire, Théophile Gautier. Collection particulière, plein maroquin vert clair
- Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal. Exemplaire sur hollande, relié par Lortic, collection particulière
- Victor Hugo, Les Contemplations. Collection Armand Godoy (Paris, 12 octobre 1988, n° 111), plein maroquin vert, chiffre sur le premier plat, en haut à droite
- Henri Murger, Scènes de la vie de Bohème. Collection particulière, demi-chagrin vert clair
- Gustave Flaubert, Madame Bovary. Exemplaire sur hollande, demi-maroquin vert, cité par Maurice Chalvet
- Gustave Flaubert, Trois contes. Exemplaire sur, hollande, demi chagrin noir. Collection du colonel Sickles (Paris, 20-21 avril 1989, n° 69)

Théophile Gautier et le ballet

Théophile Gautier s’intéressa passionnément à ce qu’il appela, à plusieurs reprises, “la littérature des jambes”. Dès 1837-1838, il envisage une carrière de librettiste, en prolongement naturel de ses activités de poète, d’artiste et de critique. Il écrit son premier livret, Giselle, en 1841, signant, avec succès, la naissance du ballet romantique. Douze autres suivront :

“À la différence de ses confrères, Gautier avait refusé de n’être qu’un faiseur, capable de brocher en un tournemain des arguments stéréotypés. Il voulait “écrire pour les jambes” en sa qualité de poète, sans rien abjurer de ses ambitions littéraires. Or c’est précisément cette leçon qu’allaient retenir des auteurs aussi différents que Jean Cocteau et Paul Claudel, Jacques Prévert et Jean Genet, Louis-Ferdinand Céline et Pascal Quignard… Ils allaient essayer, chacun à leur manière, de reprendre le flambeau allumé par l’auteur de Giselle” (H. Laplace-Claverie).

Grâce au ballet, Théophile imagine une forme nouvelle de poésie, purifiée du bavardage au profit d’un langage universel : “les vers sont la langue des dieux, et ne sont lus que par les dieux au grand désespoir des éditeurs… Je confiai mon sujet aux jolis pieds… Les ballets sont des rêves de poète pris au sérieux”.

La pantomime intéressa également Gautier. On connaît son admiration inconditionnelle pour Deburau, mime des Funambules : la forme du “ballet-pantomime”, choisis pour Sacountala, offrait d’allier la danse, la musique et le théâtre muet.

Le compositeur marseillais Ernest Reyer (1823-1909) s’installe à Paris en 1848 où il rencontre Gustave Flaubert, le chansonnier Pierre Dupont et Théophile Gautier. En 1850, il signe une première œuvre avec Théophile Gautier, une ode symphonique intitulée Sélam. Il travaille encore avec d’autres écrivains puis compose le ballet-pantomime Sakountala, à nouveau avec Gautier. Celui-ci est joué vingt-quatre fois jusqu'en 1860. Parmi ses autres collaborations, signalons Salammbô, opéra en cinq actes et neuf tableaux, d'après le roman (1862) de Gustave Flaubert, créé à Bruxelles, en 1890.

BIBLIOGRAPHIE : 

Clouzot, p. 129 -- “Gautier et les arts de la danse” in Bulletin de la société Théophile Gautier, n° 31, 2009 -- H. Laplace-Claverie, Introduction aux Œuvres complètes de Théophile Gautier, Paris, 2003, vol. III