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[VENISE]. BROWN, Rawdon

Titian - Fair copy. Titian Vecellio and the Council of Ten...

Venise, Casa della Vida, 1860, 26 avril

LES ANGLAIS À VENISE : À LA NAISSANCE DU MOUVEMENT PRÉRAPHAÉLITE.

REDÉCOUVERTE DU TRÈS PRÉCIEUX MANUSCRIT AUTOGRAPHE D’UNE BIOGRAPHIE INÉDITE DU TITIEN, RÉDIGÉE PAR RAWDON BROWN À PARTIR DE DOCUMENTS ISSUS DE L’ARCHIVIO DI STATO.

CE MANUSCRIT, DONNÉ PAR L’AUTEUR À SON AMI JOHN RUSKIN, CONSTITUE UN MOMENT DANS LA NAISSANCE DE L’HISTOIRE DE L’ART AU XIXE SIÈCLE.

L’HÉRITIÈRE DE RUSKIN, SA NIÈCE JOAN SEVERN, L’A DONNÉ, À SON TOUR, À CHARLES ELIOT NORTON, PREMIER PROFESSEUR D’HISTOIRE DE L’ART AUX ÉTATS-UNIS (HARVARD), ET CÉLÈBRE CONSEILLER D’ISABELLA STEWART GARDNER

MANUSCRIT AUTOGRAPHE de Rawdon Brown (Londres, 1806 - Venise, 1883), daté au début et à la fin du 26 avril 1860, écrit dans son appartement du Palazzo Gussoni Grimoni, sur le Grand Canal, dit à l’époque Casa della Vida, car possession de Cesare della Vida (1817-1879)

In-folio (368 x 255mm), encre brune ou noire, environ 47 lignes à la page, la marge de gauche de chaque page présente les cotes de renvoi à l’annexe située à la fin du volume ou les dates citées dans le corps du texte, ou encore des corrections à l’encre, avec corrections, ajouts, passages biffés et plusieurs pages insérées apportant d’importantes corrections à certains passages, le tout écrit sur un beau papier vénitien

COLLATION : 62 feuillets, les ff. 6r-49r paginés 1 à 83 avec la numérotation des pages 45 à 48 répétée deux fois, soit 87 pages de texte, auxquelles s’ajoutent les 23 pages d’appendix, soit 110 pages en tout
ILLUSTRATION : grande planche lithographiée vers 1850 pliée en quatre (670x 460mm) représentant “Il Gran Conseglio di Venetia” dans la “Sala del maggior consiglio, prima dell’incendio del 1577”
RELIURE SOUPLE STRICTEMENT DE L’ÉPOQUE CONÇUE POUR RAWDON BROWN. Daim brun foncé, dos à nerfs apparents, chiffre doré “RB” au centre des plats, entièrement non rogné. Chemise et étui de Devauchelle

PROVENANCE :
1. Rawdon Brown (1806-1883), manuscrit autographe relié à son chiffre. Donné par l’auteur à :
2. John Ruskin (1819-1900), fameux écrivain et historien de l’art, premier “Slade Professor of Fine Arts” de l’université d’Oxford.
3. Mrs Joan Severn (1846-1924), nièce, correspondante et héritière de Ruskin, épouse d’Arthur Severn (1842-1931), peintre, fils de Joseph Severn (1793-1879), également peintre et ami du poète John Keats ;
4. Charles Eliot Norton (1827-1908), LE PREMIER PROFESSEUR D’HISTOIRE DE L’ART DES ÉTATS-UNIS, nommé à la chaire de Harvard créée pour lui en 1875, et qu’il occupe jusqu’à sa retraite en 1898. Le manuscrit lui a été donné par Joan Severn. Note autographe signée de Charles Eliot Norton, à l’encre noire, au début du manuscrit sur un feuillet blanc :

This volume consists of Rawdon Brown collections of notes and documents concerning Titian from the Venetian Archives. They contain much important material, of which a considerable part is, I believe, unpublished.
The volume was given by Rawdon Brown to Ruskin, and, after his death, Mrs. Severn gave it to me
Charles Eliot Norton
Shady Hill.
June, 1902

5. Cote et prix apposés par un libraire au crayon (américain ou anglais), au premier contreplat : “Brown / Rawdon // Ω Π / 2/10”

Rawdon Lubbock Brown (Londres, 1806 - Venise, 1883) s’installa à Venise en 1833, à l’âge de vingt-sept ans. Il y mourut en 1883 et fut enterré dans ce musée à ciel ouvert qu’est le cimetière de San Michele. Rawdon Brown est l’un des précurseurs méconnus de l’histoire de l’art au sens moderne du terme comme ce manuscrit sur le Titien en constitue la preuve tangible. Il est aussi l’une des personnalités les plus attachantes de ce “refuge” pour intellectuels anglais - pour reprendre une expression du XVIIe siècle - que fut la Venise du XIXe siècle. Car, s’ils étaient désorientés par le puritanisme victorien, ils retrouvaient aussi dans Venise certains aspects idéaux de leur propre pays : une démocratie, fondant son hégémonie sur un empire maritime, et dotée d’une forte ambition artistique. L’ouvrage de John Julius Norwich sur la Venise anglaise au XIXe siècle (Paradise of Cities) a mis en valeur cette ambition.

La qualité première de ce manuscrit est sa chaîne de provenance époustouflante. Il passa de Rawdon Brown à son ami John Ruskin - et tout ce qui touche à Ruskin possède une sorte de valeur talismanique - avant d’atteindre Boston et les rayons de la bibliothèque de Charles Eliot Norton, le premier professeur d’histoire de l’art américain. Norton était grand disciple de Ruskin et conseiller artistique d’Isabella Stewart Gardner (1840-1924), la créatrice du fameux musée de Boston, dont on connaît la passion pour Venise. Boston, assumant une sorte de translatio studii, s’est à son tour identifiée à Venise : une démocratie, fondant son hégémonie sur un empire maritime, et dotée d’une forte ambition artistique. Ce manuscrit totalement inédit manifeste ainsi la diffusion de la pensée de Ruskin aux États-Unis dans les premières décennies du XXe siècle.

Rawdon Brown fut l’un des plus fins connaisseurs de Venise au XIXe siècle. À l’origine, en 1833, ce jeune diplômé d’Oxford quitta l’Angleterre sur une idée curieuse : trouver à Venise la tombe de Thomas Mowbray (1366-1399), duc de Norfolk, banni à vie par le roi Richard II et mort de la peste à Venise, l’un des personnages de Shakespeare dans la pièce du même nom. En quelques années, Rawdon Brown devint le grand spécialiste des archives de Venise qui obéissaient encore à un classement assez sauvage dont il devint familier. Il habita d’abord au Palazzo Dario qu’il acquit en 1838 pour £480, puis, quatre ans plus tard au Palazzo Busionello. En 1852, il s’installa pour y rester sa vie durant dans le Palazzo Gussoni-Grimani-della Vida où ce manuscrit fut écrit. Il avait en effet besoin de place pour loger son immense collection, l’une des plus grandes de Venise.

La Sérénissime fut l’un des premiers États à établir des ambassadeurs permanents dans les différents pays d’Europe. Ces ambassadeurs étaient tenus de rendre compte régulièrement aux autorités administratives centrales de la République des différents mouvements politiques ou amoureux propres à ces pays. Aussi les archives constituées par ces rapports sont-elles une source remarquable pour l’histoire des cours européennes. Rawdon Brown fut l’un des premiers à le découvrir. Il publia en 1854 le résultat de ses recherches dans Four Years at the Court of Henry VIII. A Selection of Despatches Written by the Venetian Ambassador, Sebastian Giustinian, and Addressed to the Signory of Venice, January 12th, 1515, to July 26th, 1519. Il fut aussi l’éditeur du très fameux journal de Marino Sanudo (1466-1536).

En 1862, le Premier Ministre d’alors, Lord Palmerston, lui confia une mission d’État rémunérée : l’exhumation et la publication de la totalité des relations d’ambassadeur consacrées à la cour de Saint-James. On dit que Brown explora des millions de documents. Un couvent de franciscains situé près des Frari conservait à l’époque les incroyables archives de Venise. Posées sur des étagères, elles remplissaient près de 298 pièces bourrées à craquer. La longueur de ces étagères fut à l’époque évaluée à 5800 mètres ! Chaque matin de sa vie, Brown petit-déjeunait avec Giambattista Lorenzi, le vice-libraire de San Marco, avant sa journée de travail, puis, une fois celle-ci achevée, il rentrait chez lui dans sa propre gondole ramant à la façon des gondoliers.

Rawdon Brown devint une autorité à Venise, l’homme à rencontrer pour tout citoyen britannique de passage dans la cité lacustre. Un peu comme Consul Smith au siècle précédent, il y séjourna toute sa vie. C’est ainsi qu’il se lia en 1849 avec John Ruskin et sa femme. Brown les recevait chez lui lorsqu’ils venaient à Venise : “he continually talks of people who living 4 or 5 hundred years ago seem to have been his particular friends or guests” (Effie Ruskin). Devenus amis, une correspondance s’établit “between one who revealed the history of Venice and one who revealed the glory of her art” (P. Kaufman). Ruskin dut à ce remarquable érudit une grande part de son information. Brown est l’une des sources principales de The Stones of Venice publié pour la première fois de 1851 à 1853. Après sa mort, le 25 août 1883, le Times du 8 septembre écrivit : “Venice will hardly be Venice without him” (cité par J. J. Norwich, op. cit., p. 113)

Le présent manuscrit montre que Rawdon Brown était bien plus qu’antiquarian. Car en citant ses sources et en allant les chercher lui-même, sa démarche se rapproche de celle d’un véritable historien de l’art. Si son approche est très personnelle, voire un brin romantique, elle s’apparente aussi à une véritable démarche scientifique. Ainsi dans ce manuscrit, les sources sont scrupuleusement citées et transcrites à la fin du volume.

Le lien entre le pouvoir, l’art et la société passionne Brown et la documentation de ce lien constitue son axe principal de recherche. La commande publique d’œuvres à Titien par le Conseil des Dix, et sa manifestation tangible au travers des reçus d’archives, qui jusqu’ici n’intéressaient personne, reçus qui portent la signature autographe du peintre, aboutit à la compréhension de ce qu’est la Venetian school of painting. Pour Brown, c’est, en quelque sorte le pouvoir qui crée l’école de peinture, ce qu’illustre encore d’une autre façon le lien intense entre Titien et Charles-Quint mis en relief dans les derniers feuillets du texte. Mais l’humour et le romanesque occupent le centre du manuscrit avec cette découverte extraordinairement bien racontée des reçus du Titien chez le comte Gradenigo, dans son Palais (cf. ff. 23-24).

Titien est en effet le centre des préoccupations qui lient Brown et Ruskin dans leur correspondance. Il était pour ce dernier l’un des deux grands maîtres de la peinture occidentale avec son ami Turner. La correspondance publiée par Paul Kaufman renseigne sur les photographies de tableaux ou surtout de pièces d’archives que Ruskin réclame à Giambattista Lorenzi. D’où la question posée au comte Gradenigo qui refuse de diffuser l’image des précieux reçus. Il est alors possible que ce manuscrit soit une commande de Ruskin à Brown. Dès 1863-1864, Ruskin nous semble en possession des recherches de R. Brown et sans doute de ce manuscrit. C’est le riche Ruskin qui pourrait avancer les frais d’une publication. Et il conviendrait de rechercher les éventuelles traces matérielles des travaux de Rawdon Brown parmi les sources de Ruskin.

Puis, par le biais de la nièce et héritière de Ruskin, Mrs Joan Severn, le manuscrit parvint aux États-Unis, chez Charles Eliot Norton, le premier professeur d’histoire de l’art américain, nommé en 1878, et quasi contemporain de Ruskin. Il fut le principal diffuseur de sa pensée dans l’université américaine, particulièrement à Harvard, et dans les milieux artistiques, assurant un lien esthétique et philosophique entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Norton rencontre brièvement Ruskin en 1850. En 1855, il passe un après-midi à Denmark Hill avec le critique à admirer sa collection de Turner. Ils se revirent plus longuement l’année suivante à Genève et entamèrent une importante correspondance qui fut publiée en 1900, après la mort du penseur. Norton était devenu son héritier littéraire. Il serait trop long ici de s’étendre sur la passion de Norton pour l’Italie et pour Dante en particulier dont il traduisit la Divine Comédie (1867) et la Vita Nuova (1860). À sa mort, une grande partie de la bibliothèque fut achetée par des amis de Norton pour $15.000. Elle fut offerte à Harvard. Certains livres et manuscrits ne firent pas partie de l’opération et furent vendus sur le marché, comme cette vie du Titien retrouvée dans une ville de la banlieue parisienne chez quelqu’un dont le père la possédait déjà dès les années 1920. Étrange destin de ce manuscrit inédit qui, écrit à Venise, traversa trois fois l’Atlantique.

CONTENU : f° 1r : note autographe de Charles Eliot Norton, f° 2-3 : blancs, f° 4r : titre autographe de R. Brown : “Titian - Fair copy. - Titian Vecellio and the Council of Ten. - Of some historical painters employed by the Signory of Venice. - Or Venetian documents concerning the Venetian school of painting existing in Venice. - Or Titian Vecellio and his patrons” : ce sont autant d’essais de titre à l’œuvre future, f° 5 : “Il Conseglio di Venetia”, grande lithographie vers 1840 (272 x 460mm), pliée en quatre, f° 6r : titre puis incipit du texte : “In Ticozzi’s prefatory letter concerning his lives of the Vecelli [nous : Stefano Ticozzi (1762-1836)], mention is made of the notices of Titian dedicated on the 16th of August 1622 to Alethea Talbot countess of Arundel and Surrey, by the painter Tizianello [1570-1650, peintre, neveu du grand Titien]…

f° 6r-7r : R. Brown fait ici l’histoire des fresques de la Grande Salle du Palais des Doges, depuis leur plus antique origine (1155). Les peintres Gentile et Giovanni Bellini se succèdent dans leur restauration, Gentile ayant été envoyé en Turquie au service de la Sublime Porte. R. Brown cite plusieurs documents d’archives (annexés de A à F) : “at that period [1486], a lad from Cadore [nous : Titien] arrived at Venice (…) he learnt the rudiments of oil paintings from Gentile Bellini. This lad, by name Tiziano Vecellio, was then nine years old. His removal from the forest and moutains of the Friuli and the banks of the roaring Piave, to the sparkling Adriatic, out of which there rose, as if by magic, the stately palaces of the most refined metropolis in the world, took place at the moment when the general topic of conversation at Venice concerned an attack made on the Republic’s territories by Sigismund Archduke of Austria”…

f° 9v : R. Brown décrit la variété des costumes du monde entier que Titien découvre dans Venise : “To strange and fantastic costumes of all nations Titian’s eyes was also soon accustomed. In December 1487, we find the Hungarian Archbishop of Varadino [Oradea] with 150 attendants arriving on a mission from Matthias Corvino”… Suivent des propos sur les frères Bellini, de Pisanello, et de différents documents de l’Archivio di Stato

f° 10r : “One of the earliest portraits painted by Titian and which is supposed to have first procured fame for him, beyond the Venetian territory, was that of the Queen of Cyprus in widow’s weeds [nous : Catherine Corner (1454-1510)”

f° 10v : “Titian seems to have painted portraits of Catharina Cornara with peculiar satisfaction (…) The Queen of Cyprus and the Great Captain [nous : Gonzalve de Cordoue (1453-1515)] were alike reminiscences of the Great Painter’s boyhood” [nous : allusion à des tableaux que Titien peignit de mémoire dans les années 1540]

f° 11v : “Whilst the Senate occupied itself amongst other business with news of the conquest of Grenada ; the Council of Ten was actively employed in providing for the embellishment of the hall, where the apprentice from Cadore was studying the old masters”

f° 11v-12r.v : s’ensuit l’histoire de la commande publique à Venise autour du Palais des Doges avec citation de très nombreux peintres et le détail des différentes commandes dont celle faite à Pietro Perugino

f° 12v : “The precise moment when Titian deserted Gentil Bellini for Giovanni, is unknown, but as this last is alone mentionned amongst the artists at work in the Grand Council hall in 1492, and as Titian is supposed to have been yet studying there at that period, we obtain the proximate date of his change of masters ; and may also infer, that, in the summer of 1494, he made acquaintance with Pietro Perugino, then in is 48th year. During eleven years, the most important in the life of a man, from the age of 17 to 28, no documentary evidence exists (…) we are told vaguely, that prior to the year 1504, he painted many pictures for a Flemish merchant, one Giovanni Danna”

f° 13 : incendie de la Fondaco dei Tedesci en 1505 et citations du journal de Marino Sanudo (1466-1536) avec mention de l’enterrement de Gentile Bellini et de la mort de Mantegna comme de l’emploi de Titien et Giorgione dans les nouvelles fresques extérieures de la Fondaco dei Tedesci

f° 14r : commandes qui s’ensuivent pour Titien à Vicence et Padoue ; poursuite des fresques du Palais des Doges par Giovanni Bellini et ses assistants (appendix M)

f° 14v : citation d’un document d’archive où Titien parle de lui à la première personne demandant à la Sérénissime le droit d’aller à Rome servir le Pape Léon X : “I Titian of Serviete de Cadore having from my boyhood upwards set myself to learn the art of painting (…) I have been earnestly requested by the Pope”… Titien demande dans ce document le paiement des sommes dues pour sa participation aux fresques de la Fondaco dei Tedesci. Cet appendix N est cité à la fin du volume

f° 15r : “We therefore perceive that Vasari erred”…

f° 15v : appendix (O) avec ordre de paiement à Titien donné par le Conseil des Dix (juin 1513)

f° 16r : autre quittance de paiement dans les archives du Conseil des Dix, puis récit des tensions internationales et des désastres de la Ligue de Cambrai ; f° 16v : “It was to these national disasters, that the Chiefs of the Ten alluded in their motion for stopping the pay to Titian”

f° 17r : nouvelle pétition de Titien réclamant un emploi aux Dix le 26 novembre 1514 (appendix S), surtout pour le paiement de ses deux apprentis

f° 18r : “Titian had been again absolved from his obligation to work in the Grand Council hall (…) we may reasonably infer that he now occupied himself painting two great pictures : St George & St Theodore, and which was originally placed in the private appartments of Doge Leonardo ; the other, the Asumption

f° 19 : controverses sur le prix à payer pour les artistes du Palais des Doges (Titien et Giorgione) malgré l’opposition de Marino Sanuto ; (f° 19v) “the painters explained every thing to the Signory, and by decree of the College a fresh bargain was struck and ratified with that same painter by name Titian”… D’où s’ensuit la proposition de Titien qui forme l’appendix AA : “I Titian your sublimity’s servant (…) being anxious to exhibit a picture painted by me, of such sort and design as this one, which I commenced two years ago”…

f° 20r : “it is not known what rejoinder Titian made to the proposed price for the battle of Spoleto” ; 1516 - mort et enterrement de Giovanni Bellini, continuation des polémiques contre Titien et ses rémunérations

f° 20v : R. Brown parle alors à la première personne et commente ses propres recherches : “my search in the Venice archives for documentary evidence of the reasons and causes assigned for the modification on the 20th of March 1514, of the original grant made to Titian on the 31st of May 1513, were fruitless (…) Titian displayed no haste to finish”

f° 21r-v : la Seigneurie de Venise offre à Odet de Foix (1485-1528), maréchal de Lautrec, le tableau de Titien représentant Saint Michel, saint Georges et saint Théodore : “some additions were made to the picture (…) these embellishments (…) were painted by Titian in the spring of 1517”, puis, développements de Marino Sanuto sur la date de composition de l’Assomption de la Vierge des Frari (cf. appendix EE)

f° 22r : date de la conception du cadre du tableau des Frari qui précède sa composition

f° 22v-f° 23r : travail de Titien pour Jacopo Pesaro, évêque de Paphos à Chypre, pour célébrer la victoire contre les Turcs à Santa Maura le 28 juin 1502 (Jacopo Pesaro présentant le pape Alexandre VI à saint Pierre, Musée d’Anvers, et la Madonna di Ca' Pesaro, Venise, Frari) : “the papal commodore had the satisfaction of looking at his own triumphant effigy, and of seeing devotees kneel before it”

f° 23r-f° 24r : étonnant récit à la première personne de la quête de Rawdon Brown à la recherche des reçus du Titien pour cette grande commande de la famille Pesaro :

“For inspection of these documents I proceeded on the 25th November 1859 to the Gradenigo Palace in the [Fondamenta] Rio Marin at Venice ; and on landing from my sandolo was led to a door on the left-hand side of the intrada (…) I then stood before the Count Ferigo Gradenigo (nous : 1812-1879), a man apparently some forty years of age with an aquiline nose and dark piercing eyes (…) The Count said he knew what I wanted and I rejoined by alluding to civilities received by me of yore from his mother the late Countess Marta (nous : 1785-1858), the heiress of the Foscari family, and thinking thus to facilitate the object of my hunt, offered for his inspection a contemporary medal of Doge Francesco, received from her well a quarter of a century ago.

I then produced the Giornale delle Scienze containing Paravia’s printed copy of the receipts, and the count proceeded to business. He said we were in the apartment containing his family archives, which comprises the charter chess of branches of five noble venetian houses named Gradenigo, Foscari, Priuli, Barbarigo and Pesaro.

I glanced round the room which was lighted by two windows (…) looking at a large garden [nous : le plus grand de Venise à l’époque] full of white and yellow chrysanthemums of various shades. The chamber was rather narrow, and between the windows, with its back against the wall, stood the count’s chair, and in front of it a library-table covered with writings and tracing paper, plans etc. Between the table and the wall against which they rested were bookcases and about the room were secondry chairs groaning under these volumes.

In reply of my inquiry concerning the existence of the receipts, I was answered in the affirmative ; and the Count said he thought I must have seen them of yore. I told him I had only hear of them, and we then passed into the second room, the sanctum (and well it deserve the title) of the Pesaro archives.

This second room had the same aspect as the first : looking out on the chrysanthmums, there were closed bookcases against the wall, and extending from one end of the room to the other, was a sort of dresser on which folios were filed. The floor beneath it being also strewed with ponderous tomes, bound in Russian leather or “Bulgaro”, some with bosses, and others plain.

Whilst examining the room which we had entered expressely for the purpose of seeking the receipts, I mentionned my wish to compare the printed copy with the originals and also to photograph the great painters signed manuscripts. This last wish, the Count said premptorily and decidedly, could not be gratified, as facsimilés were often confounded with originals and in the present instance might possibly depreciate the treasure possessed by his family. I rejoined, that on the contrary, it would serve to render his possession inalienable.

In the meanwhile, the Count unlocked the folding doors of three bookcases fronting the windows, and my eyes beheld several hundred folios in admirable condition, ranged numerically, bound in parchment and marked “ARCHIVIO PESARO”, and the count told me the classification had been effected at the close of the last century, and was the work of twenty years ; which I firmly believe for, of the sort, I never saw anything grander.

Having opened the doors, the next step was to find the Catastico or Register and Index of the Pesaro department. From under the dresser, the count with much exertion raised many ponderous tomes in strong bindings. But one was the Priuli “catasto”, and another that of Barbarigo, etc., etc. and in short I began to suspect Count Ferigo of meaning to baulk me entirely, but at length I hear the exclamation Eccolo [nous : le voici].

The Pesaro Catasto had been at length discovered under the dresser, and on referring to the word “VENEZIA”, we found the following reference : “VOL CII”. In the centre bookcase, on the 3rd shelf, there was the volume bound in vellum and of uniform bulk with the rest. The Count took it down, brought it towards the second window, to a table, and on opening it referred to the word “CHIESE” in the index. We cast our eyes down the page, and following the indication on a line with the word “FRARI”, found Titiano’s receipts in admirable preservation, as if they had been kept in a cypres closet during three centuries and a half. The documents were in their proper place, and the absence of any parade or ostentation impressed me yet more with the grandeur and dignity of the ancient aristocracy of Venice. On no occasion were they ever made more manifest to me, and I was mightly pleased with Count Ferigo, even alltho he would not permit me to show my countrymen how much Titian stood in need of a writing master.

I thought to the Senator Procurante who said to Candide : “J’ai beaucoup de tableaux mais je ne les regarde plus”. Count Ferigo if he does not look at his receipts, he values them highly”…

f° 25r : liste de reçus ; f° 25v : “Titian seems to have laid it aside for three entire years during which interval the Venice archives contain no memorial of his dealings with the State”. L’un de ses reçus est entièrement autographe. Il correspond à Hope 51904280 (II, pp. 90-92) et est daté du 28 avril 1519. D’autres documents datés des 12 juin 1519, 23 septembre 1519, 13 avril 1522, 20 juin 1525, 30 avril 1526 ne se retrouvent pas dans Hope et sont cités ici par quelques lignes

f° 26r : appendix (GG) : Le Conseil des Dix réclame à Titien le remboursement de sommes perçues en cas de retard

f° 26v : mention de la mort du Doge Antonio Grimani le 7 mai 1523

f° 27r : élection du doge Andrea Gritti le 23 mai 1523, Titien est de nouveau employé au Palais des Doges où il peint la fresque de Saint Christophe (octobre 1523)

f° 27v : fresque de Saint Nicolas (décembre 1523) : “it remains were still visible there in the year 1846”

f° 28r : à ne pas confondre avec le tableau du même saint également peint par Titien “for another Venetian chapel (…) this second Saint Nicholas is still visible at Rome whether it was removed between the years 1769 and 1774 having been surreptitiously sold to an English Consul and picture dealer at Venice by name John Udny (1727-1800)”, description du tableau par Lodovico Dolce ; magnificence du Doge Andrea Gritti (“the handsomest man of his day”), et son goût prononcé pour les femmes (“fifty illegitimate children”)

f° 29r : “at the close of the year 1525” : probable commande du tableau du Martyr de saint Pierre, brûlé en 1867 dans l’incendie de San Zanipolo

f° 30r : la marge de gauche de cette page (paginée 45) présente des extraits de propos sur Gritti et sur le tableau de saint Pierre qui sont développés dans les feuillets 28 et 29 paginés 45-48. Ces extraits marginaux sont alors biffés à l’encre par l’auteur puisque reportés et la numérotation des pages 45 à 48 forme un doublon avec celle des feuillets 30 et 31, également paginés 45 à 48. La chronologie passe au 24 octobre 1529 : entrée conjointe du Pape Clément VII et de Charles Quint dans Bologne et premier portrait équestre de l’Empereur. Description des cours et des repas, de Charles Quint qui “mangia in argento cum le mane”

f° 30v : une ambassade est envoyée par Venise et traverse Ferrare “whose gorgeous chambers Titian has at one time or other of his life painted the triumphs of Cupid & Bacchus”. Charles est couronné Empereur des Romains par le Pape. Son portrait équestre par Titien est présenté le 4 mars 1530 (il aurait disparu dans l’incendie de l’Escurial). “The precise moment of Titian’s return to Venice is unknown but his presence there in June is proved”

f° 31r : le studio de Titien à Venise, Isabelle d’Este et son portrait par le peintre et autres commandes de la cour de Mantoue (f° 31v) ou pour le Palais des Doges (f° 32r)

f° 32v : décembre 1532, deuxième rencontre, à Bologne, entre Charles Quint et Titien, et commande d’un autre portrait, dit au chien : “this second picture at present on view in the Gallery at Madrid”

f° 33r-34v : long récit conduisant à l’anoblissement de Titien par Charles Quint en mai 1533

f° 35v : la Seigneurie mécontente d’être abandonnée par Titien

f° 36r : mai 1536, nouvelle rencontre avec Charles Quint à Asti ; “that Titian should have painted his best for the Empress may well be credited”. Pietro Lando (1462-1545) devient Doge de Venise (19 janvier 1539)

f° 37r : portraits de Doges et de dignitaires par Titien avec références à leurs commandes dans les archives ; f° 39v-40r : histoire des Grimani ; f° 45r-v : commande du portrait de Grimani par le Conseil des Dix : “master Titian be charged to paint this Serenity’s picture, in like manner as he did that of the others”, ce sera le Doge Grimani agenouillé devant la Foi ; f° 46r : “no document exists in the Venice archives (…) in proof of the period when Titian completed the Fede (…) In his seventy eight years, Titian commenced the Fede”. Bataille de Lépante le 7 octobre 1571

f° 46v : document d’archive découvert par Armand Baschet, ami de R. Brown, à propos d’une commande par le Conseil des Dix du 2 février 1571 (une quasi réquisition) et publié dans la Gazette des Beaux-Arts de 1859

f° 47r : visite de Henri III, en 1576, dans son chemin vers la Pologne : “two years after the visit of inspection paid by the cashier on behalf of the Ten, Titian received King Henry the third of France in his studio ; and seems still to have continued paintings for it is on record that he offered him pictures, and also talked about Charles the Fifth”. Le dernier document des archives “which exists in the casebook of the Canon’s of St Mark” enregistre le paiement pour l’enterrement de Titien aux Frari

f° 48v-49r : “The monument of Titian in the church fo the “Frari” which had been commenced in 1843, remained in progress during ten years (…) his patent of nobilitity and knighthood was signed by Charles the Fifth at Barcelona on the tenth of May 1533 ; and the cost of his mausoleum inaugurated at Venice on the seveteenth of August 1853, were munificently defrayed by the Emperor Ferdinand and Francis Joseph, at a cost of thirteen thousand pounds sterling. The original contract signed by the Imperial authorities on the sixth of February 1843 being the most recent documentary evidence now extant with reference to the great Venetian painter and his patrons

Casa della Vida

Venice, 26 avril 1860”

Appendix

f° 50r : titre de l’appendix : “Titian Vecellio and his patrons. Appendix” ; f° 51r-62v, soit 23 pages d’appendix et une page laissée blanche, en tout, 42 pièces d’archives sont ici recopiées. Voici leur liste suivant les cotes de R. Brown quand nous avons pu les retrouver dans l’ouvrage de Charles Hope (Titian. Sources and documents, Londres, Burlington Press, 2024, 6 vol.). Nous avons mentionné leur numérotation et leur pagination chez Hope. Cette numérotation suit une logique spécifique : les trois premiers chiffres donnent l’année, les deux suivants le mois, les deux suivants le jour. Notons que, pour une raison ignorée de nous, Hope ne commence son census des documents qu’à partir de 1508. Nous précisons aussi la date de la première publication de ces documents

1. f° 51r : (A) : 21 septembre 1474, pas dans Hope
2. f° 51r : (B) : 1er août 1479, pas dans Hope
3. f° 51v : (C) : 13 août 1479, pas dans Hope
4. f° 52r : (D) : 29 août 1479, pas dans Hope
5. f° 52r : (E) : 3 septembre 1479, pas dans Hope
6. f° 52v : (F) : 1er juillet 1480, pas dans Hope
7. f° 52v : (G) : 20 février 1482/83, pas dans Hope
8. f° 53r : (H) : 28 juillet 1488, pas dans Hope
9. f° 53v : (I) : 1er juin 1489, pas dans Hope
10. f° 53v : (J) : 1e mai 1492, pas dans Hope
11. f° 54r : (K) : 14 août 1494, pas dans Hope
12. f° 54v : (L) : 23 février 1506, pas dans Hope
13. f° 54v : (M) : 28 septembre 1507, pas dans Hope
14. f° 55r : (N) : 31 mai 1513, Hope 51305310, II, pp. 35-36, cité par G. Lorenzi (Monumenti per servire alla storia del Palazzo Ducale di Venezia, 1868)
15. f° 56r : (O) : 8 juin 1513, Hope 51306080, II, p. 38, Lorenzi (1868)
16. f° 55v : (P) : 31 mai 1513, Hope 51305311, Ciani (Storia del Popolo cadorino, Padoue, 1856-1862)
17. f° 55v : (Q) : 20 mars 1514, Hope 51403200, II, p. 41, Lorenzi (1868)
18. f° 55v : (R) : 20 avril 1514, Hope 51484200, II, p. 41, Lorenzi (1868)
19. f° 56v : blanc
20. f° 57r : (U) : 27 février 1514-1515 : pas dans Hope
21. f° 57r : (S) : 28 novembre 1514 : Hope 51411280, II, p. 42, G. Cadorin (Dello amore ai Veneziani di Tiziano Vecellio, Venise, 1833), Ciani (1756-1862), Lorenzi (1868)
22. f° 57v : (T) : 29 novembre 1514 : Hope 51411291, II, p. 44, Lorenzi (1868)
23. f° 57v : (V) : 29 décembre 1515 : Hope 51511290, II, p. 50-51, Lorenzi (1868)
24. f° 58r : (T) : 30 décembre 1515 : Hope 515112300, II, pp. 51-52, Lorenzi (1868)
25. f° 58v : (Z) : 30 décembre 1515 : Hope 51512301, II, p. 52, Lorenzi (1868)
26. f° 58v : (AA) : 18 janvier 1516, Hope 51801180, p. 53, Gaye (Carteggio inedito d’artisti dei secoli XIV.XV.XVI, Florence, 1839-1840), Cadorin (1846), Lorenzi (1868)
27. f° 59r : (BB) : 29 novembre 1516, « estratto Sanuto, Diary », pas dans Hope
28. f° 59r : (CC) : 5 décembre 1516, Hope 51612050, II, p. 60, Lorenzi (1868)
29. f° 59v : (DD) : 27 mai 1517, Hope 51705270, II, pp. 66-67, E. Cheney, “Original Documents relating to Venetian Painters and their Pictures in the 16th century”, Miscellany… , Londres, 1872-1876
30. f° 59v : (EE) : 20 mai 1518, Hope 51805200, II, p. 86, publié par Cheney (1872-1876) et Crow & Cavalcaselle (1877)
31. f° 59v : (FF) : 28 avril 1519, Hope 51904280, II, pp. 90-91, publié par Moschini en 1819, et cité par RB d’après Paravia, Giornale sulle Scienze & lettere, Trévise, 1822, puis Cheney et Crowe et Cavalcaselle
32. f° 60r : (GG) : 11 août 1522, Hope 52208110, II, pp. 131-132, cité par Campori en 1874
33. f° 60v : (HH) : 6 décembre 1523, Hope 52312060, II, pp. 154-155, cité par Crowe et Cavalcaselle en 1877, avec erreur
34. f° 60v : (II) : 6 octobre 1531, Hope 53110060, II, pp. 309-310, extrait de Sanuto, Crowe et Cavalcaselle 1877
35. f° 61r : (JJ) : 23 juin 1537, Hope 53706230, II, pp. 501-502
36. f° 61v : (KK) : ultimo Febbrajo 1553, pas trouvé dans Hope, « vedi Testo p. 59 »
37. f° 61v : (LL) : 5 septembre 1554, Hope 55409050, IV, p. 1205-1206, cité par Lorenzi en 1868
38. f° 61v : (MM) : 28 septembre 1554, Hope 55409280, IV, p. 1214
39. f° 62r : (NN) : 7 janvier 1554-1555, Hope 55501070, IV, p. 1225, cité par Lorenzi en 1868
40. f° 62r : (OO) : 6 mars 1555, Hope 55503060, IV, p. 1228
41. f° 62r : (PP) : 22 mars 1555, Hope 55503201, IV, pp. 1232-1233
42. f° 62v : (aa) : 8 février 1572, Hope 57202080, V, p. 2001. Hope cite comme Rawdon Brown lui-même la découverte de « a friend of mine », Armand Baschet, faite en 1858 et publiée dans la Gazette des Beaux-Arts de 1859

BIBLIOGRAPHIE : 

Charles Hope, Titian. Sources and documents, 6 vol., Londres, Burlington Press, 2024 -- Crowe, J. A. et G. B. Cavalcaselle, The Life and times of Titian : with some account of his family, Londres, 1881 -- The Correspondence of John Ruskin and Charles Eliot Norton, Cambridge, 1987, pp. XXXXX -- Paul Joannides, Titian to 1518 : The Assumption of Genius, Yale University Press, Yale 2002

WEBOGRAPHIE : Paul Kaufman, “John Ruskin to Rawdon Brown : The Unpublished Correspondence of an Anglo-Venetian Friendship”, The North American Review, vol. 222, n° 829 (déc. 1925 - fév. 1926), pp. 311-320 1 -- Anne-Marie Eze, “Safe from Destruction by Fire” Isabelle Stewart Gardner’s Venetian Manuscripts, University of Pennsylvania Press 2 -- D. Carrangeot, Peintre de la Sérénissime et peintres des cours : l’engagement de Titien 3