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Vita Christi. [En français] : La Vie et saincte passion de nostre seigneur Ihesucrist

[Lyon, Guillaume Le Roy], 1483, ca.

LE SEUL EXEMPLAIRE AUJOURD’HUI CONNU D’UNE ÉDITION INCUNABLE UNIQUE SUPERBEMENT ILLUSTRÉE.

PREMIÈRE APPARITION D’UN CYCLE DE GRAVURES SUR BOIS QUE L’ON RETROUVE DANS DEUX ÉDITIONS INCUNABLES LYONNAISES POSTÉRIEURES, CHACUNE CONNUE PAR UN SEUL EXEMPLAIRE (BIBLIOTHÈQUE DE REIMS ET BNF). 

SELON LE GESAMTKATALOG, LA PREMIÈRE ÉDITION, QUI EST ILLUSTRÉE PAR D’AUTRES GRAVURES (1481), N’EST ELLE-MÊME CONNUE QU’À UN SEUL EXEMPLAIRE (BIBLIOTHÈQUE DE TOULOUSE). 

DE TOUTE CETTE CHAÎNE D’ÉDITIONS, INCUNABLES ET/OU ILLUSTRÉES, CONNUES À CHAQUE FOIS PAR DES EXEMPLAIRES UNIQUES, NOTRE EXEMPLAIRE DE CETTE ÉDITION DE 1483 EST LE SEUL AUJOURD’HUI CONSERVÉ EN MAINS PRIVÉES

ANCIENNES COLLECTIONS ÉDOUARD RAHIR (1862-1924) PUIS ADOLPHE BORDES (1858-1918).

“CE VOLUME EST DES PLUS PRÉCIEUX” SELON ANATOLE CLAUDIN (1833-1906), QUI IDENTIFIA L’ÉDITION.

[Relié avec] : La Destruction de Iherusalem et la mort de Pilate. [Lyon, Guillaume Le Roy, ca. 1483]

2 ouvrages reliés en un volume in-folio (257 x 175mm), imprimés en deux colonnes, sur 33 lignes. Caractères typographiques : 195G pour le titre du premier ouvrage au feuillet A1r et 125G pour le texte des deux ouvrages

COLLATION : (1). Vita Christi en français : a-f8 g-h6 i8 : 68 feuillets ; (2). La Destruction de Iherusalem : A-C8 : 24 feuillets, avec le dernier feuillet blanc

CONTENU : (1). a1r : titre, a1v : blanc, a2r : incipit : “Icy sont escriptes aulcunes meditations de la tressaincte vie”..., i8r : sans colophon, explicit : “et en faisant tout bien. Amen” ; (2). A1r : blanc, A1v : grand bois gravé imprimé à pleine page, A2r : incipit : “[A]près quarante ans que nostre seigneur ihesuscrist fut mis en la croix”..., C7v : sans colophon, explicit : “Cy finist ce present traicte intitulé la destruction de iehrusalem et la mort de pilate”

FILIGRANE : on peut repérer ici deux filigranes correspondant à ceux apparaissant dans d’autres incunables lyonnais de la même époque : Briquet 9589 (Lyon 1453-1480) et Briquet 13401 (1475-1476)

ILLUSTRATION : (1) : 78 gravures sur bois dont 46 à quart de page et 32 à mi-page ; (2) : une grande gravure sur bois imprimée à pleine page au verso du premier feuillet représentant l’empereur Vespasien alité “différente de celle des autres éditions connues” (Claudin, IV, p. 386). On le voit victime d’une maladie soudaine qui le conduit à la mort. Devant lui, sainte Véronique, debout, lui présente le voile de la Sainte-Face. Soit en tout 79 gravures sur bois

ORIGINE DES GRAVURES SUR BOIS : elles ont été réalisées par deux mains ou deux ateliers différents. La première main, beaucoup plus élaborée, a réalisé 23 gravures dont 16 de grand format et quelques-unes des gravures à une seule colonne. La seconde main, plus simple et plus naïve, a exécuté la quasi-totalité des gravures à une seule colonne et 16 de grands formats. On peut ainsi répartir les gravures selon leurs deux styles :

Main n° 1 : (1). a2r (1/2 page : Dieu et les Anges) ; (2). a4r (1/2 page : L’Annonciation) ; (3). a6v (1/2 page : Dieu et les prophètes) ; (4). c2v ; (5). c3v ; (6). d2r ; (7). d3v ; (8). d7r (gauche) ; (9). e2v ; (10). e8r ; (11). f1r (1/2 page : Entrée à Jérusalem) ; (12). g1v (1/2 page : Tressage de la couronne d’épine) ; (13). g4v (1/2 page : Partage des vêtements) ; (14). h6r (1/2 page : Résurrection) ; (15). h6v (1/2 page : Tombeau vide) ; (16) i1r (1/2 page : Noli me tangere) ; (17). i1v (1/2 page : Apparition aux femmes) ; (18). i2v (1/2 page : Pélerins d’Emmaüs) ; (19). i3r (1/2 page : Apparition aux disciples) ; (20). i4r (1/2 page : Apparition à saint Thomas) ; (21). i4v (1/2 page : Apparition aux disciples, répétition) ; (22). i5v (1/2 : page Ascension) ; (23). i6v (1/2 page : Pentecôte) 

 

Main n° 2 : (1). a7r ; (2). a8v ; (3). b2r ; (4). b3r ; (5). b4r ; (6). b5r ; (7). b5v ; (8). b6v ; (9). b8v ; (10); c1v ; (11). c4r ; (12). c6r ; (13). c6v ; (14). c7r ; (15). c8r ; (16). c8v ; (17). d1r ; (18). d1v ; (19). d2v ; (20). d3r ; (21). d4v ; (22). d5r ; (23). d6r ; (24). d7r (droite) ; (25). d7v ; (26). d8r ; (27). e1r ; (28). e1v ; (29). e2r ; (30). e2v (1/2 page Marchands du temple) ; (31). e3v ; (32). e4r ; (33). e4v ; (34). e5r ; (35). e5v (gauche) ; (36). e5v (droite) ; (37). e6r ; (38). e7r (1/2 page : Caïphe et Pilate) ; (39). e7v ; (40). f2r (1/2 page : Scène) ; (41). f3r (1/2 page : Lavement des pieds) ; (42). f5v (1/2 page : Jardin des oliviers) ; (43). f6r ; (44). f6v (1/2 page : Baiser de Juda) ; (45). f7v ; (46). f8r (1/2 page : Pilate se lave les mains) ; (47). g1r (1/2 page : Flagellation) ; (48). g2v (1/2 page : le Christ porte la Croix) ; (49). g3v (1/2 page : la mise en Croix) ; (50). g4r (1/2 vertical : la lance perce le sein du Christ) ; (51). g6v (1/2 vertical : la lance perce le sein du Christ, répétition) ; (52). h1v (1/2 vertical : Descente de Croix) ; (53). h2r (1/2 page : Mise au tombeau) ; (54). h4v (1/2 page : Christ aux Enfers) ; (55). h5v (1/2 page : Christ aux Enfers, répétition)

Soit 78 planches pour le premier ouvrage : 23 de la première main dont 16 à mi-pages (une répétition) et 55 de la seconde main dont 16 à mi-page (deux répétitions). La gravure sur bois représentant la mort de Vespasien, au départ du second ouvrage, à pleine page, est de la première main

RELIURE DU XIXe SIÈCLE. Demi veau brun, dos à nerfs, tranches rouges

PROVENANCE : très probablement Octave Michal-Cagnol de La Chambre (1809-1871), marquis de La Chambre, Conseiller à la Cour d’Appel de Chambéry, cachet humide armorié avec un coq et la devise des Michal “Pugnat Vigilat”, le tout surmonté du bonnet de magistrat -- Édouard Rahir (1862-1924), Bulletin Morgand, n° 29508 : “ce volume des plus précieux a été découvert par M. Édouard Rahir, qui nous l’a gracieusement communiqué” (Claudin, IV, p. 386) -- ancienne collection Adolphe Bordes (1858-1918), grand client d’Édouard Rahir, “chef de la plus importante maison d’armement à voiles du monde entier (39 navires), 66.000 tonneaux, 1.100 marins” (base Léonore de la Légion d’honneur) -- puis, sa fille : Antoinette Bordes (1895-1969) épouse de Jean Cottin (1885-1961) -- leur fils Antoine Cottin (1923-1993) qui épouse Béatrice Derode (1922-2015 ; sans héritier direct) -- sa sœur Monique Derode (1924-1913), épouse de Jacques d’A... (1913-2003), puis par descendance

L’encre de l’initiale “S” apposée au recto du feuillet a2 et causé quelques manques de lettres au verso

Avant de s’établir à son propre compte, Guillaume Le Roy, le premier imprimeur de Lyon et celui de ce livre - clairement identifié par les caractères utilisés - avait travaillé pour Barthélemy Buyer (1433-1485), grand promoteur de l’imprimerie à Lyon. Mais Buyer était bien davantage un éditeur au sens moderne du terme qu’un imprimeur. Issu d’une vieille famille consulaire lyonnaise, il est le fils de Pierre Buyer et de Marie Buatier, elle-même fille d'une riche famille de merciers de Lyon dont neuf membres furent échevins entre 1398 et 1560. Il étudia d’abord à la Sorbonne où on pense qu’il fit la connaissance de Jean Heynlin et de Guillaume Fichet. Ceux-ci furent les introducteurs de l'imprimerie à Paris vers 1470, en y appelant des imprimeurs mayençais formés auprès de Gutenberg et ses successeurs, Michel Friburger, Ulrich Gering et Martin Crants. Buyer, à son retour à Lyon en 1472, installa dans sa maison un atelier d’imprimerie, après avoir appelé auprès de lui le maître-ouvrier typographe Guillaume Le Roy.

Claudin tell us that Guillaume Le Roy was originally from Liège. In the aftermath of the events of 1468, which saw the pillage, burning and destruction of Liège by the Burgundians, Guillaume Le Roy left to settle elsewhere. He stayed first in Cologne, then in Basel and Beromünster, before arriving in Lyon. Along the way, he is said to have met Ulrich Gering, one of the famous Parisian prototypographers, and may well have spent some time in Venice if the Guillelmus Gallus mentioned there in 1477 corresponds to the Guillaume who came from Gaule. Called to Lyon by Barthélemy Buyer, a sort of pioneer of modern capitalism, Guillaume Le Roy entered an exclusive contract with him, which the two men mutually respected until it expired around 1479. Taking advantage of Guillaume Le Roy's qualities, Buyer installed the man from Liège in his premises, providing him with the equipment, choosing the titles and printing whatever he wished. By producing the Compendium breve of Cardinal Deacon Lothaire (the future Innocent III) on 14 September 1473, Guillaume Le Roy became the first printer in the city of Lyon. Other titles followed, mostly in the vernacular, and the edition of La Légende dorée by Jacques de Voragine in 1476 which has been considered for long time as the first book printed in French.

In 1480, Le Roy and Buyer went their separate ways and the printer from Liège became independent. He expanded his equipment, acquired new fonts, and specialised in French-language published with very interesting and specifc illustrations. Until 1488, he continued to print on his own paper, adorned with a watermark representing a cogwheel, which was his trademark and respected by all. The last known book by Guillaume Le Roy is Manncken's epistolary form (Epistole Caroli), dated 10 July 1488 ; but he must have practised until 1493, as he still appears on Lyon's municipal rolls at that date.

La Vie et saincte passion de nostre seigneur Ihesucrist est la traduction française d’un texte latin communément appelé Vita Christi dont la première édition latine fut publiée à Rome en 1475. Ce texte latin appartient à un corpus d’origine plus large encore, celui des Meditationes vitæ Christi du Pseudo-Bonaventure. Le texte français provient quant à lui d’une traduction commandée par le duc Jean de Berry vers 1380. Cette traduction est encore bien vivante dans la seconde moitié du XVe siècle à Lyon. Le texte diffère entièrement d’une édition anonyme de La Vie de N. S. Jesus Christ et n’entretient aucune relation avec celui de Ludolphe le Saxon.

De la première édition française, celle donnée en effet à Lyon par Gaspard Ortuin et Peter Schenk autour de 1481, on ne connaît qu’un seul exemplaire complet - celui de la Bibliothèque municipale de Toulouse (GW M19293). Trois autres fragments sont recensés (BnF, Lyon, Grenoble). Cette édition est illustrée par une série de bois, grands et petits, qui n’a rien à voir avec ceux de notre exemplaire. Ils ont été décrits et illustrés par Claudin (III, pp. 384-390). Selon le Gesamtkatalog, il est possible que cette édition se fragmente en deux éditions. Il existe une deuxième édition de ce texte en français imprimée à Lyon par Guillaume Le Roy pour Barthélemy Buyer en 1479 (GW M1924920) connue à trois exemplaires (BnF, Musée Condé, Pierpont Morgan, digitalisée sur Gallica) et non illustrée (contrairement à ce qu’écrit ISTC). L’exemplaire de la Morgan Library est relié au XXe siècle par Georges Cretté en demi maroquin orange (!) Il a été extrait d’un Sammelband et appartenait à l’ancienne collection Edmée Maus (1905-1971) avant d’être cédé par Engelberts et André Jammes à la Pierpont Morgan en mars 1973. Notre exemplaire unique est donc celui de la troisième édition connue par ce seul exemplaire. Il forme la seconde illustrée. Les gravures sur bois sont publiées ici pour la première fois dans ce seul exemplaire connu. Aucun autre exemplaire de ces différentes éditions françaises n’est jamais passé sur le marché, à l’exception du nôtre et de celui d’Edmée Maus.

Barthélemy Buyer meurt dans le courant de l’année 1483. Guillaume Le Roy, séparé de Buyer avant 1481, avait auparavant créé de nouveaux caractères de types entièrement différents : “le nom de Guillaume Le Roy ne reparaît plus que deux ans après, en 1483” (Claudin, III, p. 51). Le caractère de cette édition est le troisième créé par Le Roy, en trois grandeurs différentes (Claudin, III, p. 108). Le dernier livre daté et signé de Guillaume Le Roy est du 10 juillet 1488.

Le premier livre connu de Guillaume Le Roy publié après sa séparation d’avec Barthélemy Buyer est Le Livre des Éneydes translatées de latin en français (Lyon, 30 septembre 1483). Cet ouvrage a ensuite été traduit, “ou plutôt paraphrasé en anglais sur le texte français” (Claudin), et imprimé par William Caxton en 1490 à Londres dans l’abbaye de Westminster. On connaît les liens de William Caxton avec l’imprimerie lyonnaise depuis notre redécouverte de l’Ésope de Jehan Rousset traduit et imprimé par Caxton "out of Frensshe" en 1482 (https://deproyart.com/litterature/poesie/esope). Martin Davies a démontré qu'il le fit, texte comme image, à partir de l'édition de 1482 maintenant donnée clairement à Jehan Rousset :

"The truth is that Caxton used the text of the fragment [nous : de l'éditon Rousset] and not a manuscript or the Lyons edition of 1480 or any other hypothetical lost book. This can be verified in hundreds of places where Caxtons follows a variant reading that is in the fragment but no in the other editions, from which indeed it varies a good deal" (p. 277).

Les ouvrages imprimés avec ce nouveau caractère de Guillaume Le Roy, utilisé pour la première fois dans le Livre des Énéydes puis dans cet exemplaire de La Vie et saincte passion de nostre seigneur Ihesucrist, font donc partie de l’horizon d’attente typographique de William Caxton. Autre particularité propre à Guillaume Le Roy, l’intitulé en gros caractères (195G) est ici, comme pour le Livre des Éneydes, “l’un des plus anciens exemples que nous connaissions d’un titre imprimé à Lyon sur une page isolée” (Claudin, III, p. 57).

Fait remarquable, la série des superbes bois gravés de cette Vie et saincte passion de nostre seigneur Ihesucrist apparaît ici pour la première fois. On la retrouve dans l’exemplaire unique et imparfait (parce qu’incomplet) d’une autre Vita Christi conservé à la Bibliothèque municipale de Reims (A-85, Incunable 2) et connue également par ce seul exemplaire. Cette édition est donnée par ISTC (iv00304020) comme imprimé à Lyon par l’imprimeur de “L’Abusé en cour” vers 1485-1487 et par le Gesamtkatalog (M19240) comme imprimé par Guillaume Le Roy en 1484-1485, soit, de toutes les façons, postérieurement à la datation accordée à notre édition. Bechtel, de son côté, propose 1485 comme datation de l’exemplaire de Reims (V-220). Dominique Grandon, dans sa thèse de 1982 (cf. infra), la date de ca. 1485 et la donne à l’imprimeur de “L’Abusé en cour”. C’est un exemplaire magnifique, illustré par 178 gravures sur bois, soit plus du double de la nôtre. Le style de ses petites gravures sur bois est très proche du nôtre, sans qu’aucune trace d’usure ne permette, après examen minutieux des deux exemplaires, de décider fermement d’une quelconque antériorité.

Anatole Claudin fut celui qui le premier vit cet exemplaire découvert par Édouard Rahir avant que ce libraire ne le vende à Adolphe Bordes. Il fait état de cette découverte au tome IV de son Histoire de l’imprimerie en France lorsqu’il traite de l’illustration de l’édition de Reims qu’il note comme postérieure à la nôtre :

“Les mêmes planches des divers épisodes de la Passion et de la Mort du Christ ont d’abord servi [nous soulignons] à une édition que nous ne connaissions pas encore, de La Vie et Saincte Passion de Nostre Seigneur Jesuscrist, exécutée avec les gros caractères du Livre des Eneydes imprimé par Guillaume Le Roy en 1483 ; ensuite elles sont passées dans l’atelier de Jean Du Pré, qui a donné à son tour une édition de L’ystoire de la Passion, achevée d’imprimer le 16 août 1490.

[Et Claudin ajoute en note] : Cette édition est de format in-folio et se compose de 68 feuillets non chiffrés, à 33 lignes par page. Le titre est en deux lignes d’un très gros caractère gothique sur le premier feuillet dont le verso est entièrement blanc. Le texte débute en haut du feuillet suivant, portant la signature a2 au bas, par cet intitulé en trois lignes : “Icy sont escriptes”... [et il décrit le volume]. - La Passion est suivie d’une édition de la Destruction de Jherusalem en 24 feuillets, composée avec les mêmes caractères et avec signatures distinctes (...). Ce volume est des plus précieux et a été découvert par M. Édouard Rahir, libraire, qui nous l’a gracieusement communiqué” (t. IV, pp. 386-387).

Dans notre édition due à Guillaume Le Roy, la gravure de l’Annonciation en a4r montre une rupture dans le manteau de la Vierge qui indique peut-être un usage antérieur pour un autre livre. Cette suite de bois gravée a ensuite été utilisée une troisième fois dans une autre édition de la Passio Christi en français La Passion de nostre saulveur et redempteur jhesucrist moult piteuse, moralisee, figuree et hystoriee imprimée à Lyon par Jean Du Pré le 16 août 1490, également décrite par Claudin (III, pp. 482-483), par ISTC ip00140400, par le Gesamtkatalog (M29647) et qui est Bechtel P-40. Elle n’est, elle aussi, connue qu’à un seul exemplaire conservé par la BnF (Rés. H-1106). Il est consultable sur Gallica et présente vingt-deux gravures sur bois à mi- ou tiers de page. Sur ces vingt-deux bois, dix-sept ont auparavant été utilisés pour l’impression de l’exemplaire Bordes. Elles n’y présentent aucune des traces d’usure que l’on remarque un peu partout dans la publication de Jean Du Pré en 1490.

La gravure sur bois à pleine page de La Destruction de Iherusalem, représentant l’empereur Vespasien, ne nous semble, elle, connue que par l’exemplaires Bordes. Dominique Grandon, dans sa thèse de 1982, a constaté plusieurs fois que ces deux textes, celui de la Vita Christi et celui de La Destruction de Jérusalem “ont toujours été liés” (p. 38, et ch. IV, II). Mais, n’ayant pas eu accès à l’exemplaire Bordes, sa démonstration serait aujourd’hui à reformuler. Peut-être parviendrait-on à établir une chronologie plus solide des cycles d’illustrations comme des dates d’édition conjecturales de ces magnifiques incunables lyonnais. Il faudrait aussi, pour mieux souligner la nécessité impérieuse d’une telle recherche, garder en mémoire que l’illustration des incunables parisiens est, de son côté, bien moins souvent associée à des ouvrages en langue vernaculaire. Elle accompagne le plus souvent des ouvrages imprimés en latin : nous sommes avant Vérard. Lyon a donc été le berceau des premiers livres illustrés imprimés en français autorisant Claudin à parler de “modernité” quand il traite des presses de cette ville (III, p. 112). Et ce même auteur discerne une césure dans l’illustration lyonnaise autour de l’année 1483 :

“Ce n’est même, à proprement parler qu’à partir de l’année 1483 qu’apparaît d’une façon certaine la gravure sur bois véritablement d’origine lyonnaise, car les planches qui avaient servi à l’illustration des premiers livres avant cette date, avaient été apportées d’Allemagne et étaient exécutées par des graveurs de ce pays. Les bois du Livre des Enéydes (...) sont d’une taille rude et grossière ; ceux de l’Abuzé en Court, gravés plus légèrement, marquent un progrès réel” (Claudin, IV, p. 368).

De toute cette chaîne d’éditions incunables et illustrées connues à chaque fois par des exemplaires uniques, le nôtre est le seul aujourd’hui conservé en mains privées.

BIBLIOGRAPHIE : 

GKW M5082010 -- cf. BMC, VIII, pp. 232-240 pour les 27 livres imprimés par G. Le Roy et plus particulièrement à partir de la p. 236 pour G. Le Roy “alone” et Le livres des Enéides du 30 septembre 1483, c. aussi la pl. XXXIVF pour la reproduction des caractères 195G et 135G -- sur Jehan Rousset, cf. Martin Davies, "A Tale of two Aesops", The Library : The Transactions of the Bibliographical Society, vol. 7, n° 3, sept. 2006, pp. 257-288

WEBOGRAPHIE : 

1. Sur la traduction française du Vita Christi, cf. : La Vie de nostre benoit sauveur Ihesuscrist & La Saincte vie de Nostre Dame : translatee a la requeste de tres hault et puissant prince Iehan, duc de Berry. Millard Meiss et Elizabeth H. Beatson éd., New York, 1977
2. Sur les différentes éditions de la Vita Christi en français, voir 1
3. Sur l’exemplaire de la Bibliothèque municipale de Toulouse du Vita Christi en français imprimé par Gaspard Ortuin et Pierre Schenk, voir 2
4. Sur l’exemplaire de la deuxième édition non illustrée conservé à la Pierpont Morgan, voir3