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ZOLA, Émile

J'accuse...! Lettre au Président de la République

Paris, L’Aurore, jeudi 13 janvier 1898

“UN MOMENT DE LA CONSCIENCE HUMAINE” (ANATOLE FRANCE).

J’ACCUSE : LE TOURNANT DE L’AFFAIRE DREYFUS

ÉDITION ORIGINALE de la si fameuse lettre publiée dans L’Aurore
Livraison in-plano de deux feuillets (623 x 457mm) paginés 1-4. Le texte paraît en première page sur six colonnes et occupe deux colonnes de la seconde page. Plis horizontal et verticaux
EN FEUILLES, sous une chemise de plastique

Quelques petits trous et manques habituels dans quelques-uns des plis, léger manque d’encre à l’impression au centre de la ligne de titre placée sous L’Aurore

Le célèbre article d’Émile Zola, J'accuse, fut écrit à la hâte dans les quelques jours qui précèdent le 13 janvier. Le titre fut trouvé au dernier moment par Georges Clemenceau. Mais la gestation de J’accuse fut précédée par divers événements et publications. Dès le début de janvier 1898, Zola avait depuis longtemps tout en tête.

Au départ éloigné de la cause de Dreyfus, il change d’avis dans les derniers mois de 1897. Le 6 novembre, il rencontre Bernard Lazare qui lui présente les dernières analyses détaillées du “bordereau”, faux en écriture évident. Le 13 novembre, il déjeune avec le vice-président du Sénat, Scheurer-Kestner, qui achève de le convaincre. Le 24 novembre paraît dans Le Figaro le premier article de Zola précisément intitulé “M. Scheurer-Kestner”. S’ensuivent deux autres articles les 1er et 5 décembre : “Le Syndicat” et “Procès-verbal”. L’histoire de l’Affaire est maintenant exposée par Émile Zola, grande figure du Paris littéraire d’alors. Le Figaro subit des pressions et lâche Zola. Il se tourne alors vers son éditeur Fasquelle et publie Lettre à la jeunesse le 14 décembre et Lettre à la France le 7 janvier 1898.

Tout est désormais en place pour la grande synthèse du 13 janvier. Ce sera J’accuse publié par L’Aurore, journal de Clemenceau et d’Ernest Vaughan. Le 10 janvier a commencé le procès du sombre Esterhazy ; le huis-clos a été immédiatement réclamé. Le 11 janvier, le Conseil de guerre vote à l’unanimité l’acquittement d’Esterhazy. Le sentiment d’effondrement et d’abattement domine chez les dreyfusards.

Le jeudi 13 janvier 1898, Zola “accuse” et démonte point par point la procédure. Il met en cause les généraux, les experts en écriture, l’État-major et les conseils de guerre de 1894 et 1898. En tête de chaque paragraphe, la litanie des "J'accuse" scande le réquisitoire. Il accuse sans preuves puisqu’il les réclame à la justice en démolissant celles de la culpabilité jusqu’ici reconnues. Pour la première fois, le public dispose d’une véritable histoire de l’Affaire. Le but de l'écrivain est d'être poursuivi : "Qu'on ose donc me traduire en cour d'assises et que l'enquête ait lieu au grand jour ! J'attends." Zola sait qu’il tombe sous le coup de la loi sur la liberté de la presse de juillet 1881. Mais le succès est considérable. Le tirage de 300.000 exemplaires s'écoule ; 200.000 exemplaires se sont vendus dès les premières heures. L’agitation antisémite prend alors, en réaction, une ampleur inédite. Surtout en Algérie : Zola est brûlé en effigie, il y a deux morts et les magasins juifs sont pillés. “François Mauriac raconte que, petit garçon, il ne s’étonna pas que son pot de chambre fût appelé “Zola”” (cité par J.-D. Bredin, L’Affaire, p. 393). D’un autre côté, les pétitions dreyfusardes s’enchaînent dans les journaux, principalement dans L’Aurore. Elles réclament la révision du procès. Le 18 janvier, Jean-Baptiste Billot, ministre de la Guerre, déposera plainte pour diffamation. Zola sera condamné, incapable de prouver son accusation que le Conseil de guerre avait acquitté Esterhazy sur ordre. Il dût prendre le chemin de l'exil.
Désormais, l’espoir a changé de camp. Selon Charles Péguy, “le choc fut si extraordinaire que Paris faillit se retourner (…) Il y eut un sursaut (…) la bataille pouvait recommencer.” De France et de l'étranger parvinrent des milliers de lettres et de marques de soutien. Zola publia bientôt d’autres textes qui seront tous regroupés dans La Vérité en marche, en 1901.

Le manuscrit autographe de J'accuse est conservé à la Bibliothèque nationale de France.

BIBLIOGRAPHIE : 

En français dans le texte, 1990, n° 297 - M. Drouin, L’Affaire Dreyfus, p. 293-299 -- A. Pagès, Émile Zola, un intellectuel dans l’affaire Dreyfus, 1991 -- Dictionnaire d'Émile Zola, pp. 195-197