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Cronique & hystoire contenant les choses advenues durant le règne du roy Louis onziesme, tant en France, Bourgogne, Flandres, Artois, Angleterre, que Espagne et lieux circonvoisins. Nouvellement reveue et corrigee ; [suivi de :] Croniques du Roy Charles huitiesme…
LES MÉMOIRES DE COMMYNES : PRÉCIEUX EXEMPLAIRE DE JOHANN JAKOB FUGGER, COMPLET DE SES DEUX PARTIES, RICHEMENT ANNOTÉ PAR LUI
Deux ouvrages en un volume in-folio (251 x 172mm)
La cinquième édition gothique, RARE, reliée avec l'ÉDITION ORIGINALE de la seconde partie, TOUT AUSSI RARE, “supplément destiné à compléter les premières éditions” par cinquante nouveaux chapitres réunis en deux livres. Commynes composa ses Mémoires en 1489-1490 (livres I-V), en 1492-1493 (livre VI) et enfin de 1495 à 1498 (livres VII-VIII). Les livres I-VI sont consacrés à l’affrontement de Louis XI et de Charles le Téméraire, les deux derniers à la première expédition d’Italie sous le règne de Charles VIII
1. Cronique & hystoire contenant les choses advenues durant le règne du roy Louis onziesme. Lyon, Claude Nourry, 1526
Cinquième édition. Titre imprimé en rouge et noir, petites initiales à fond criblé
COLLATION : *4 A-N8 O4 : 112 feuillets
ILLUSTRATION : grand encadrement gravé sur bois imprimé sur la page de titre, œuvre de Guillaume II Le Roy, dit le Maître au nombril (“artiste ainsi nommé en raison de sa manière de prolonger d’un trait le nombril des petits personnages” Bechtel) ; 1 grand bois imprimé à pleine page au verso de la page de titre représentant le Roi et sa cour dû au Maître aux pieds bots
2. Croniques du Roy Charles huitiesme… contenant la vérité des faictz et gestes dignes de mémoire dudict seigneur qu’il fît en son voyage de Naples, et de la conquête dudit royaulme de Naples & pays adjacents, et de son triomphant et victorieux retour en son royaume de France. Paris, Enguilbert de Marnef, 25 septembre 1528
ÉDITION ORIGINALE
Titre imprimé en rouge et noir, grandes et petites initiales à fond criblé
COLLATION : 2a4 A-K6 : 64 feuillets
ILLUSTRATION : grande bordure gravée sur bois autour du titre “représentant des scènes de chasse, des scènes pastorales, un musicien, une danse villageoise avec la marque de Marnef”. Une grande planche gravée sur bois représentant les armoiries de France et de Bretagne et 7 bois plus petits gravés à mi-hauteur de la page (75 x 60mm), SOIT EN TOUT HUIT ILLUSTRATIONS
RELIURE STRICTEMENT DE L’ÉPOQUE. Maroquin brun, décor estampé à froid, quatre encadrements de filets, roulette à décor végétal, dos à nerfs avec encadrements de filets estampés à froid dans les caissons, tranches rouges
PROVENANCE : Johann Jacob Fugger avec son ex-libris et sa devise sur la première page de titre : Joannis Jacoby Fuggery Audaces fortuna juvat (et annotations) -- Johann (Hans) Jakob von Lamberg (1561-1630), baron de Oertenegg et Ottenstein, évêque de Gurk, conseiller intime de l’empereur Ferdinand II, enterré à Strasbourg dans l’église Saint-Nicolas (ex-libris manuscrit sur la page de titre) -- petite étiquette d’une ancienne cote de Bibliothèque “Historici. XIX. D i9” (Munich ?) -- Guy Pellion (ex-libris) -- Lady Violet Leconfield (1892-1952), épouse de Charles Wyndham, 3eme baron Leconfield. Elle fut l’ami de Yeats, de Rudyard Kipling et d’Alice Meynell. Elle vécut dans l’une des plus belles demeures aristocratiques anglaises : Petworth House (ex-libris) -- André Cade (ex-libris)
Né dans une famille de hauts fonctionnaires bourguignons, conseiller de Charles le Téméraire, Commynes préféra trahir et passer, le 8 août 1472, au service de Louis XI. Il l’aida à s’extirper de son vassal après la célèbre entrevue de Péronne. Le conseiller devint alors jusqu’en 1477, le ministre écouté du Roi Louis XI. Rallié au duc d’Orléans pendant la régence des Beaujeu, compromis, Commynes fut emprisonné de janvier 1487 à mars 1489, puis exilé et perdit son pouvoir. Son témoignage sur Charles le Téméraire et Louis XI, ainsi que sur leur entourage familial, reste fondamental. Finalement gracié, Commynes prit part à l’expédition d’Italie (1494-1495), sans retrouver, ni sous Charles VIII ni sous Louis XII, l’influence qu’il possédait sous Louis XI.
L’œuvre de Philippe de Commynes (1447-1511) occupe une place particulière dans les lettres françaises marquant nettement le passage du Moyen Âge à la Renaissance. Son style brillant a de tous temps suscité des commentaires passionnés comme chez Montaigne, Ronsard et Voltaire. S’il s’agit à l’origine de simple mémoires, Commynes rencontra assez vite l’occasion de justifier ses choix politiques et d’introduire ses propres réflexions dans le récit des événements auxquels il assista.
“Dans ce contexte, les Mémoires élaborent un art de gouverner dont ils décrivent les stratagèmes et les ruses. À un moment où les formes historiographiques exaltent la fonction sacrée d’un roi “très-chrétien”, la démarche de ce “Machiavel en douceur” (Sainte-Beuve) illustre, en contrepoint, une autre approche du pouvoir, dont elle souligne la dimension pragmatique. Ainsi naît, en réponse aux exigences des temps nouveaux, une pratique d’écriture libérée des rigidités antérieures, soucieuses mais non dupe du présent.” (Joël Blonchar)
Commynes prend en effet le contrepied de l’histoire chronologique d’un Jean Molinet et ou d’un Oliver de La Marche, refusant toute rhétorique du “bien dire”, pour raconter “ce dont promptement m’est souvenu” (prologue). Il crée un nouveau genre de récit, ces “Mémoires” des hommes d’action racontant l’histoire qu’ils ont faite. Le texte de Commynes est l’œuvre d’un sujet décrivant un monde, d’un je qui devient axe central du récit et se constitue en égophanie, comme l’a écrit Yves Coirault à propos de Saint-Simon. Les Chroniques de Commynes marquent donc un moment important dans la naissance de la notion d’auteur : “Dans la mesure où l’auteur est un personnage important qui raconte ce qu’il a vu et fait, le centre de gravité se déplace vers lui. Les Mémoires deviennent autobiographiques et, par là, annoncent les Essais de Montaigne.” (J. Dufournet in Philippe de Commynes, Mémoires, éd. GF, p. 17)
Il est très rare de rencontrer le texte complet des huit livres des Mémoires de Philippe de Commynes en reliure de l’époque. Ni Bechtel, ni Tchemerzine, ni le fichier Berès ne recensent un tel exemplaire et ceci même en reliure postérieure. Ainsi, des deux éditions originales, la BnF possède deux exemplaires sur peau de vélin de la première partie et un exemplaire sur papier de la seconde partie. De même, le catalogue de la collection Jean Bonna présente l’exemplaire Mac-Carthy enluminé, sur papier, des six premiers livres en édition originale sans, donc, les deux derniers livres de l’aventure italienne.
Johann Jakob Fugger (1516-1575), membre de la célèbre famille Fugger, les plus grands banquiers de leur temps, fut lettré et mécène des arts. Son portrait par Christoph Amberger atteste de sa puissance (Sotheby’s New York, 28 janvier 2010, lot 158). Sa bibliothèque, vendue en 1571 au duc Albert V de Bavière, a formé l’un des piliers de l’actuelle Staatsbibliothek de Munich. On lui doit notamment une monumentale histoire de la maison d’Autriche et des Habsbourg, restée presque entièrement inédite.
Les très nombreuses annotations de Johann Jakob Fugger (1516-1575) donnent à cet exemplaire une qualité particulièrement rare puisqu’on y voit un jeune étudiant faire l’apprentissage de la langue des princes. Il est le fils de Raymond Fugger (1589-1535) et le frère d’Ulrich Fugger (1526-1584). Johann Jakob hérita de son oncle Anton la direction de la banque. Il fut assez malheureux en affaires et dut transmettre cette direction à son célèbre cousin Marcus Fugger. Marcus Fugger lui-même, très éminent et célèbre bibliophile, fit relier une édition de 1546 de Commynes conservée aujourd’hui à British Library (Davis 339)
On sait que, jeune, Johann Jakob Fugger étudia le droit à l’université de Bourges en 1531 où il rencontra le fameux Alciat, et qu’en 1534, il se trouvait à Padoue et Bologne où il fut un familier d’Alexandre Farnèse et de Christophe Madruzzo. Le jeune Johann Jakob Fugger suivit donc un parcours européen à même de lui faire tenir son rang de premier banquier des princes dans l’Europe du XVIe siècle. L’apprentissage des langues, et bien entendu parmi elles celle du français, faisait donc partie de la panoplie nécessaire à tout gentilhomme accompli. Selon Paul Lehman, qui a consacré aux Fugger une monographie faisant toujours autorité :
“Son apprentissage des langues de notre continent, antiques et vivantes, cette connaissance générale des langues que son bibliothécaire Hieronymus Wolf mentionne dans sa lettre du 27 novembre 1552 à Johannes Oporinus de Bâle, n’est pas seulement le fruit d’une éducation scientifique, mais aussi l’aboutissement de l’éducation complète d’un gentleman cosmopolite du temps (weltmännischer Gewandheit) et d’un digne fils de la dynastie des Fugger qui devait circuler dans la haute société de la Renaissance. Cette connaissance servit aussi Hans Jacob quand s’éveillèrent en lui ses désirs de collectionneur, nourris par les collections de la maison paternelle d’Augsbourg chez Raymond l’ancien.” (P. Lehmann, Eine Geschichte der alten Fuggerbibliotheken, Tübingen, 1956, p. 43)
En français dans le texte, n° 38 -- Joël Blonchar, Commynes l’Européen. L’invention du politique, Genève, 1996 -- Paul Lehmann, Eine Geschichte der alten Fuggerbibliotheken, Tübingen, 1956