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Deux lettres autographes à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais ; et deux brouillons autographes
LETTRES INCOMPLÈTES ET BROUILLONS.
“CES LETTRES D’AMOUR QUI JAILLISSENT DE MON CŒUR”
CONTENU :
1.
Je me souviens qu’au cours de nos premiers rendez-vous, j’avais beaucoup admiré ton manque de questions (il m’avait inquiété aussi ; Je me disais : m’aime-t-elle ? Quand on aime, n’est-on pas accroché en quelque sorte aux détails ?). Et puis, j’ai compris ta façon de comprendre qui n’est pas étrangère à ta façon d’aimer. J’ai appris à aimer ton silence, ta ferveur secrète, ton recueillement aussi bien sous les plus délicieuses caresses que devant les problèmes de l’esprit. J’ai appris peu à peu à t’identifier, à deviner la puissance d’amour et de compréhension que tu contiens. (Qui ne pouvait se donner facilement, qui devait donc encourir bien des déceptions, qui pouvait aussi te faire éprouver les plaisirs les plus fous, et le plus calme bonheur, avec une extrême diversité de gammes). Il m’a semblé que ce manque d’enthousiasme dont tu te plaignais à moi pouvait devenir une ferveur passionnée. Et tu ne peux savoir comme j’ai aimé terriblement ces deux preuves que tu m’en as donné : l’abandon merveilleux, si fou de tendresse de ton corps, le long des si douces heures que tu sais, et l’attention extraordinaire de ton visage quand une histoire, un caractère, un roman, une étude t’intéressent ardemment. Je ne crois pas exagérer tout cela, et j’ai été heureux de te découvrir telle. Ma petite fiancée plus belle encore, plus douce, plus étonnante que je pouvais le souhaiter, je t’aime dans le présent, et moi, je ne te dis pas que s’il n’y avait pas ces souvenirs-là, je t’aimerais peut-être moins ! Mais tout cela se mêle : tu es ma petite chérie, celle que j’adore. Le temps n’a rien à voir avec l’affaire.
J’ai reçu ce soir une lettre de mon oncle Thérion [ ?]. Il m’annonce que Robert, sa femme et les parents d’Édith sont allés à Jarnac de vendredi à dimanche, en auto. Robert quitte Fontainebleau et rejoint son beau-père aux armées. Édith va sans doute regagner Paris. Tu pourras lui dire bonjour de ma part si tu la vois. Ce matin, je n’ai presque rien fait. J’ai commencé Le Drapeau noir, continué un peu le texte que je t’annonçais hier ; il est presque fini, j’espère que ce sera pour demain ; je suis assez en forme mais j’ai l’impression que ce que je fais n’est pas très facile à lire, à bien saisir. Toi tu comprendras, malgré les ellipses et l’espèce d’illogisme qui semble régner dans la composition (dans une méditation il n’y a qu’une logique interne, et la pensée fuit dans diverses directions, comme dirigée par le hasard, en réalité, centrée, le tout est de découvrir le centre). Tu comprendras parce que tu as une acuité d’intuition, d’intelligence qui, je t’assure, m’a toujours frappé : avec toi, il n’est pas besoin de dire trois paroles pour une, ce que le gros public ne saisit pas.
2.
Que ce soit lorsque tu es là, dans la connaissance de ta fraîcheur, de ton abandon de femme délicieuse, ou que ce soit dans tes lettres, dans tes paroles et tes confidences, dans la connaissance de tes pensées, je vous que l’avenir nous réserve des joies toujours plus grandes. Tout pourrait nous manquer. Si tu m’aimes, je serai toujours profondément heureux.
Mon Zou chéri, en voilà une encore de ces lettres d’amour qui jaillissent de mon cœur. Je voudrais qu’elles te portent mes baisers et toutes les caresses que ma tendresse invente pour toi. Je t’aime
Ce matin, je n’ai pas fait un gros travail. Chargé d’une mission dans un village voisin, j’ai eu à traiter d’une question de droit pour un des hommes de ma compagnie. Cela m’a procuré une longue promenade dans le brouillard qui comblait la vallée où passait mon chemin. C’était agréable. Seul, j’ai pu penser à toi. Nous aurions marché sans nous apercevoir du temps qui passe, nous aurions eu une de nos chères conversations, pleine d’Amour. Te souviens-tu, chérie, de nos belles promenades dans Paris ? De quoi écrire dix chapitres d’un bien long roman !
J’ai reçu une lettre de mon ami admis au peloton d’Auvours [Georges Dayan]. Il me dit qu’ils sont très bien et que cela le change de “la vie terrible” menée ici. Je rage d’autant plus que mon ami répondait exactement aux mêmes conditions que moi ! Si j’avais su, j’aurais agi vigoureusement. D’ailleurs, je t’assure que si j’étais plus près du soleil, j’agirais encore. Quoique ce peloton soit commencé depuis une semaine, j’essaierais de forcer la porte. Je t’envoie des photos prises ici. Dans la neige et le froid.
Alors ma chérie. À ce soir. J’espère bien avoir une lettre de toi au courrier. Je les aimes tant ces lettres merveilleuses.
Je t’adore. Je t’embrasse. Si tu étais là mon amour, j’embrasserais tes yeux, tes lèvres, ton cou à la saveur de pêche. Tu es si douce, et c’est si bon de t’aimer.
François
3. et 4. : 6 pages de brouillons : réflexions sur l’amour et considérations historiques