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Lettre autographe deux fois signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
“SERONT PASSIBLES DE LA PEINE DE MORT LES SOTS ET LES LAIDES”
CONTENU :
le 27 octobre 1938
Ma Marie-Louise très chérie,
Si l’on veut résoudre un problème difficile, il suffit de réunir deux jeunes filles. Celles qui sont en face de moi ont déjà révisé le plan du monde ou plutôt redressé les données imprécises. Je les ai écoutées sans discrétion. Elles m’auraient convaincu si elles avaient été belles. Mais pas plus de beauté que dans un trou de taupe : elles ont donc tort.
Je ne sais si je vous ai déjà fait part de mes projets concernant le futur droit pénal : seront passibles de la peine de mort les sots et les laides, étant entendu que l’esprit n’a pas besoin d’être beau, et que les belles se passent facilement d’être spirituelles. Pourquoi vous dis-je cela ? Par contraste. Vous êtes loin de moi, je puis donc vous imaginer sans risque d’être trompé, alors je ne me gêne pas. Je vous installe en haut de l’échelle, et quand je regarde les barreaux du dessous, je m’indigne du spectacle. Savoir si vous méritez le haut de l’échelle : la question n’est pas là. Si je crois, peu importe la vérité de ma croyance : le croyant a raison de croire par le seul fait qu’il croit. Ces jeunes filles, chemin détourné, me mènent à vous. La laideur me prouve la beauté, et la sottise, l’esprit : rien ne m’empêche de vous accorder esprit et beauté. Quand on aime on ne se prive de rien !
Me voilà donc, ma chérie, en train de disserter quand la seule chose qui m’importe est de vous dire que je vous aime. C’est peu et très compliqué, mais c’est facile à dire. Je profite de cet instant où j’écris ces lignes pour ne pas craindre de me répéter : je vous aime, je vous aime, et la litanie pourrait continuer si le stylo d’emprunt et l’aiguille d’horloge ne s’amusaient pas à me contrarier. C’est d’ailleurs toujours ainsi. Quand on aime et qu’on en a le temps, il y a toujours une grippe sous roche. Manière de symbole. Cela me conduit à un vœu : celui de vous voir et de vaincre le sortilège. Car vous écrire que je vous aime, mon adorable petite fille, n’a de sens que si bientôt (très) je puis le dire, comme la seule chose au monde qui mérite une parole, et le silence.
François
Guérissez sûrement demain ! Je vous aime ma chérie si malade !
F.