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Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
LE SERVICE MILITAIRE À IVRY : FRANÇOIS MITTERRAND BALAIE LES COULOIRS
CONTENU :
Le 8 novembre 1938
Ma chérie,
Au-dessus des tracas et des amusements de cette “doulce vie” émerge un souvenir encore récent, puisqu’il ne date que d’hier, et merveilleux. Vous savez lequel. Avec quelle joie je vous ai vue ! Ma chérie, savez-vous que je vous aime ? Je crois vous l’avoir déjà dit. À vrai dire, est-ce le résultat d’une indigence intellectuelle que j’espère momentanée ? Mais je ne pense plus qu’à vous ! Ma chérie, j’ai envie de rire ce soir. Tout est drôle et grotesque ! Je vous raconterai des histoires invraisemblables de balourdises entendues depuis quatre jours.
Pour l’instant, je suis dans ma chambrée. Tous discutent : leur sujet sont peu variés. Aussi, je pense à vous et je pense que je vous aime. Ce matin, j’ai balayé les couloirs du 3e étage de notre caserne. Vous pouvez m’imaginer en bourgeron, avec un balai et un arrosoir. Le calot sur la nuque et le nez pas assez gros pour loger la poussière qui montait en nuages vers lui. Ce soir encore, je ne puis vous écrire que brièvement. J’ai à coudre des chiffons marqués sur tous les effets de ma literie. Puis à cirer mon bout de chambre ! Mais bientôt toutes ces corvées initiales seront faites et je pourrai converser largement avec vous. Ma Marie-Louise, comme j’ai hâte de vous revoir ! (Même étant en uniforme !). Comme vous êtes mon refuge contre cette vulgarité dans laquelle je vis ! Comme je suis heureux de rêver à vous et de penser qu’un jour viendra où plus jamais nous ne nous quitterons.
Votre lettre que j’espère recevoir demain (je suppose que vous n’avez pas eu le temps hier soir de m’écrire) me fixera sur votre programme de cette fin de semaine. Si vous ne me décommandez pas, je serai en principe au même endroit que d’habitude demain soir. Attendez-moi de 18h à 18h15. Je compte fermement vous voir en tous cas vendredi soir. Même heure, même endroit. De même pour samedi (je ne parle pas de jeudi : vous serez sans doute à Valmondois. En cas contraire, écrivez-moi demain mercredi de façon à ce que je sache après demain matin).
Ma très chérie, je vous dis bien peu de choses intéressantes. Je vous assure pourtant que je suis fort peu “marqué” par l’ambiance qui est essentiellement inintéressante ! (Et encore : on retire un profit de tout ce que l’on apprend à connaître). Durant cette journée, j’ai mené une vie militaire exemplaire : pas d’entorses au règlement ! Hier soir, j’ai passé la porte en rentrant, sans ennuis. Vous me portez chance ! Et puis j’aurais pu récolter n’importe quoi : tout m’aurait été égal tant j’étais heureux de vous avoir retrouvée, ma fiancée bien-aimée. Comme nous le disions : tout continue. Chaque jour me rapproche du moment où j’irai vous chercher pour ne plus vous lâcher. On peut bien tout supporter, puisque le temps passe.
Ma chérie, je vais vous quitter. Pas pour longtemps : je vous verrai très bientôt (je sais que vous ferez cela) et je compte recevoir une correspondance selon le programme (pensez, à Valmondois, que les lettres mettront plus longtemps à arriver). Je termine cette lettre mal écrite. Peu importe. Elle vous donnera le témoignage de mon amour qui éprouverait beaucoup de difficultés pour diminuer ! Ce qui est votre faute, ma toute petite fille que j’aime.
François
J’ai reçu ce matin la lettre et le mandat que j’attendais ! J’ai des remords pour notre longue marche d’hier… Mais ce sont des remords hypocrites ! Ma chérie, je pense à vous et je vous aime.