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Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
LE MOIS DE FÉVRIER : LA DISTANCE S’INSTALLE ENTRE LES AMOUREUX.
CATHERINE LANGEAIS EST PRISE DE CAFARD
CONTENU :
Le samedi 18 février 1939
Ma Béatrice bien-aimée, je ne sais pourquoi je vous appelle ainsi par ce nom du temps où je ne vous connaissais pas ou bien si peu. Mais, aujourd’hui, je retourne naturellement à ces jours précurseurs de notre vie. C’est peut-être que je souffre trop et que j’ai besoin de fuir hors de tout ce qui m’entoure pour retrouver un peu de paix. Cet après-midi, je n’attends que le moment où je vous rencontrerai. Sans doute pas à quatre heures, mais à six puisqu’un incident idiot me prive de sortie.
Écoute, ma bien-aimée, ce soir nous nous verrons mais seulement quelques minutes. Demain, je ne sais si tu pourras venir à la messe avec moi, et le reste de ta journée se passera loin de moi, et le reste jusqu’au dimanche qui suit nous vivrons séparés. Est-ce faiblesse ? Mais je suis brisé par cette perspective. Et puis te savoir fatiguée, moins soutenue par notre amour, plus seule, m’inquiète, me déchire. Ma toute petite fille, je suis heureux pour toi de ces vacances qui te procureront un repos nécessaire. Heureux, parce que je te voudrais toujours dans cet équilibre qui évite bien des peines. Mais je ne puis m’empêcher de ressentir terriblement ton absence que les circonstances prolongent ainsi.
Sans doute, tout cela n’est que passager. Tout cela ne devra être que l’occasion renouvelée d’affirmer la force et la douceur de notre amour. Nous souviendrons-nous de la peine de ce jour ? D’ici le moment où nous serons réunis pour toujours, d’ici le moment où tu deviendras ma femme, nous connaîtrons certainement d’autres périodes douloureuses. Et puis, nous aurons à forger notre bonheur, et le reste s’oubliera bien vite.
Mais pense, mon Zou chéri, que tout ce que j’éprouve, c’est à cause de toi. Et pense aussi que tu possèdes le seul remède. Dis-moi ce que tu aimes, dis-moi que ma peine est notre peine, dis-moi que tu demeures ma toute petite fille, que ma joie sera d’entourer toute ma vie, mais dont j’attends aussi comme une protection : celle de la tendresse.
Mais je ne veux pas t’écrire une lettre triste. Je ne peux pas rester triste quand tu me regardes, quand tu me parles, quand tu m’écoutes, quand tu es là. Je veux que tu partes avec dans le cœur la certitude que je t’aime, plus encore, la certitude que notre amour éclaire tout suffisamment pour ne pas laisser une ombre entre nous. Il faut que chaque événement ne soit désormais que la forme tellement belle de notre tendresse.
Mon tout petit Zou, tu me promets dans ta lettre de ce matin de ne m’apporter qu’un visage pas très gai, pas très tendre. Qu’est-ce que cela peut me faire pourvu que tu me dises que tu m’aimes, même du ton le plus désagréable possible. Et puis mon chou, si ça se comprend que moi, je sois tout assombri à la pensée de te perdre huit jours, si ça se comprend que tu sois un peu affectée par mon absence de ces mêmes et fort ennuyeux huit jours, ça ne se comprend plus que ce cafard épouvantable te tienne à outrance. Qu’est ce que ça signifie alors de nous aimer si au fond des pires peines nous ne sommes pas capables de nous tenir la main et de sentir la paix de notre amour ?
Ma très chérie, ces deux pages sont courtes me semble-t-il. Elles sont aussi trop longues. Il aurait suffit pour vaincre mon spleen, pour vaincre le tien de te dire que je t’adore et que je te prends à moi, ma pêche et que c’est merveilleux.
François