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MITTERRAND, François

Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais

20 June 2025

“JE NE VEUX PAS QUE TU ME DISES QUE JE T’AIME TROP.”

LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE

2 pp. in-8 (285 x 146 mm), encre noire et crayon, lettre à en-tête du “Kriegsgefangenenpost”, cachet du Stalag, cachet de la poste

CONTENU : 

[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 avenue d’Orléans 5, XIVe arrt, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716

[Verso :] Le 12 juin 1941. Ma petite fiancée bien-aimée, je m’étais promis d’attendre demain pour t’écrire cette lettre, mais je n’y tiens plus, mon cœur déborde de tendresse pour toi. Par tes photos, je vois ta robe, ta coiffure, la broche que je ne puis plus enlever, et surtout je suis tellement enthousiaste de toi, ma merveilleuse. Comment veux-tu que je ne sois pas ébloui par tout ce que tu es ? Chérie chérie, ne me gronde pas : mais je t’adore. Tu es toute pareille à ces jours où je t’avais à moi, où, pour mon grand bonheur et ma fierté, je pouvais t’emmener par les rues. Et j’éprouve le désir insensé de t’aimer et de te serrer dans mes bras, et de te raconter de mille façons que je t’aime, que je t’aime ma petite déesse. Non, je ne veux pas que tu me dises que je t’aime trop. Ce n’est pas vrai : je t’aime comme on ne peut aimer qu’une fois. J’ai mis en jeu pour toi mon âme, mon esprit et tous mes désirs, tous mes rêves. Devais-je moins accorder à celle qui sera ma femme, à toi mon trésor chéri ? Ne sois pas trop triste. Nous achevons notre bonheur. Ne t’effraie pas de l’avenir. Quand je serai près de toi, et bientôt, tout nous paraîtra si clair et si facile que lorsqu’on nous parlera du passé douloureux, nous nous regarderons avec étonnement : nous oublierons si vite. Ma jolie Marie Zou, ma ravissante, songe que tout d’un coup je serai près de toi. Pour t’enlever ! Car nous nous marierons sans délai : c’est bien simple, je ne pourrai plus attendre. Tu es trop belle et je t’aime trop (pour attendre !), et j’ai trop besoin de toi dans tous les domaines. Prépare-toi à notre union. Cela demande tant de médiations, de force acquise auparavant. Offrons tout le mal que nous avons subi pour que nous soyons heureux au-delà de tous nos rêves. Mon esprit, tu le feras fructifier, mes désirs tu les combleras. Et moi, je veux que tu sois une femme heureuse, dans les moindres choses et dans les plus graves. Cela te paraîtra peut-être extrême : je voudrais que tu sois amoureuse de toi-même, parce que je t’aime, que tu te considères avec émerveillement, parce que je m’émerveille devant toi. Rappelle-toi nos moments de plus extrême tendresse : imagines-tu ce que sera notre union totale ? Les Anciens Combattants viennent de partir. Et je pense à toi, le cœur déchiré. Aie confiance pourtant. Et patiente encore un peu. Je t’ai envoyé des fiches, aussi à Jarnac. Vous avez reçu vos derniers envois parce que Fatoune était parti sans laisser d’adresse ! Que papa m’envoie immédiatement mon certificat d’exploitation agricole. Qu’il se presse. Chérie, ma pêche aimée, je t’embrasse. Et je prends ma place réservée. Peux-tu mesurer derrière les mots la force de mon désir ? J’ai tant, tant besoin de ta présence, de tes baisers, de ta tendresse, de toi tout entière, mon tout petit. Et dis-moi que tu m’attends, que tu m’aimes, que tu as besoin de moi. Prie pour nous deux. Avec mon esprit, je te visite si bien et si souvent. Je prends tes lèvres et reste longuement ainsi avec toi.

François