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MITTERRAND, François

Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais

14 June 2025

LA DERNIÈRE LETTRE DE CATHERINE LANGEAIS DATE DU 3 JUIN.

“SI C’ÉTAIT TOI, MON AMOUR, ET NON PAS CETTE MISSIVE À LA DATE LOINTAINE, SI C’ÉTAIT TOI VRAIMENT QUI T’APPRÊTAIS À ME REJOINDRE !”

LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE

2 pp. in-8 (280x 147mm) encre noire, crayon, en-tête du “Kriegsgefangenenpost”, cachet du Stalag, cachet de la poste

CONTENU : 

[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 avenue d’Orléans 5, XIVe arrt, France. [D’une autre main barrant la précédente adresse, à l’encre violette] Les Hérissons. Valmondois. S[eine]-et-Oise. [Expéditeur :] Mitterrand François, 21716

[Verso :] Le 4 juillet 1941. Ma toute petite Marie-Zou chérie, j’en suis toujours à ta lettre du 3 juin, mais plusieurs doivent être en chemin. Je les attends avec impatience. C’est si bon de t’écouter, de te lire, d’imaginer derrière tes lignes, ton visage, de suivre après elles ta main. Je découvre ainsi ton parfum, la couleur de ta robe, comment tu es coiffée. À travers ce papier anonyme, c’est toi tout entière qui vient vers moi. Il me suffit de fermer les yeux, et tu es là ma délicieuse. Et j’attends avec ravissement la joie que tu veux me donner. Je les relis, tes lettres, pendant le jour, et le soir aussi, une fois couché. Si c’était toi, mon amour, et non pas cette missive à la date lointaine, si c’était toi vraiment qui t’apprêtais à me rejoindre ! Mais tu ne serais pas très bien auprès de moi, ma douce petite fille : notre lit serait un peu dur pour toi ma très chérie. J’essaierais bien de t’en faire oublier l’étroitesse et la dureté, mais sûrement il vaut mieux quand même que ce soit moi qui aille bien vite à toi ! Ne perds pas patience mon Zou : je crois que cela ne va pas tarder. Si nous étions mariés, je serais à toi avant ton prochain anniversaire. La société n’est vraiment pas juste : nous ne nous marions pas à cause de la guerre et maintenant on nous en fait presqu’un reproche. Mais je crois chérie que tu peux de toutes façons t’apprêter à notre mariage : car serons-nous capables d’attendre bien longtemps après mon retour avant d’être l’un à l’autre ? Ce “travail spirituel” dont tu me parles, s’il me préoccupe évidemment, ne m’est pas trop pénible ! Comme tu l’écris : “je sais que je t’aime, et que tu m’aimes et que nous avons lié nos deux existences” ! Oui, cela est grave, mais c’est aussi très doux. Ce travail spirituel doit consister dans la préparation de notre âme. Tu vois chérie ce qu’il m’arrive parfois de craindre : que dans l’éblouissement de notre joie, lorsque nous serons enfin l’un à l’autre, nous ne soyons tentés d’oublier que l’amour est autre chose qu’un merveilleux plaisir. Le risque serait alors de nous faire ignorer l’un l’autre les exigences de notre cœur, de laisser de côté l’entente spirituelle indispensable. Je crois que nous nous aimerons trop intensément pour nous heurter comme il arrive à beaucoup de jeunes mariés sur un tas de détails. N’es-tu pas ma petite reine ? Il y a aussi la question de nos enfants. Je serais heureux d’avoir ton point de vue. Chérie chérie, une chose est sûre, c’est que nous posséderons ce trésor incomparable : un amour indicible, et cela pour le plus grand bonheur de nos êtres confondus. Ce ne sera pas “un travail” de t’aimer ! Tes caresses sont si délicieuses…

François