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Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
“JE POURRAI FAIRE COMME APRÈS CET AFFREUX FÉVRIER 39, ESSAYER DE T’ABÎMER, DE DÉTRUIRE EN MOI CE QUI ÉTAIT TON EMPREINTE”.
CONTENU :
[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 avenue d’Orléans 5, XIVe arrdt, Seine, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716
[Verso :] Le 20 août 1941. Mariezou ma chérie, tu le vois, je continue de t’écrire régulièrement. Est-ce que cela te pèse ? Je pense tant à toi, et j’ai besoin de te retrouver. J’en suis encore à ta lettre du 29 juillet elle-même, seule arrivée après celle du 15. Est-ce qu’il t’est trop dur de me répondre ? Ma bien-aimée, je voudrais tout de même que nous ne cessions pas de nous écrire jusqu’à notre rencontre. Malgré tout, à qui puis-je me confier, sinon à toi ? Et toi, es-tu tellement loin de moi maintenant ? Oui, je me révolte sans cesse contre ces événements qui m’ont fait tant de mal. Tu as été si douce et si adorable, ma petite fiancée chérie, pendant une année de tristesses. Quelle occasion c’était pour nous de repartir dans un bonheur dégagé de tout ce qui avait pu l’atteindre. Ô mon aimée, comme je t’aimais. Ce n’était rien, tout ce que nous avions souffert. Quel orgueil pour moi : dire de toi “ma femme”. Je sais que tu souffres aussi et que tu comprends mon chagrin. Ce qu’il y a de terrible, c’est que je ne puis rien, rien pour te garder. Ma bien-aimée, songe tout de même à tout ce qui devrait être à nous, à tout ce qui nous lie. La vie à nous deux peut être si belle. Mais sans toi, je n’en ferai qu’un échec, qu’un dégoût. À quoi me servira de croire parfois que j’aime quand je saurai que ce je chercherai en chaque femme sera tout ce que j’ai désiré de toi. Maintenant la place est prise : qui pourra être ma femme si toi tu pars alors que tout en moi était préparé pour toi, seulement pour toi ? Je sais bien : je pourrai faire comme après cet affreux février 39, essayer de t’abîmer, de détruire en moi ce qui était ton empreinte. Mais comment veux-tu que s’efface de mes mains, de mes lèvres ce qui est toi et ton amour et ton abandon ? Comment veux-tu que s’effacent tes caresses et nos rêves communs ? T’abîmer est seulement me détruire moi-même. Oui, je vivrai sans toi mais il ne me restera rien. Et puis, je t’aime tant. Je voudrais que tu sois si heureuse et j’ai peur que tu ne sois triste. Tu es si belle et tu dois être tant aimée. Mais quelle souffrance si sans te comprendre on prend de toi seulement “ce qui n’a pas de sens si l’on n’aime pas autrement”. Mon aimée, pardonne-moi : c’est vrai, je n’ai pas le droit de te retenir. Je n’ai pas le droit de gâcher ta vie parce que je t’ai quittée et que moi, je suis séparé de la vie. Sache toujours, envers et contre tout, que je veux ton bonheur. Je t’adore et je t’embrasse.
François