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Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
LA LETTRE DU DÉSESPOIR ?
“IL ME SEMBLE ENTRER DANS UN MONDE INDIFFÉRENT OÙ SEULS LA FORCE ET LE CYNISME ONT CHANCE DE TRIOMPHER”.
FRANÇOIS MITTERRAND SEMBLE AVOIR PERDU FOI, FOI EN L’AMOUR, FOI EN DIEU, FOI EN L’HOMME
2 pp. in-8 (277 x 144 mm), encre bleue et crayon, lettre à en-tête du “Kriegsgefangenenpost”, cachet du Stalag, cachet de la poste
CONTENU :
[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 av. d’Orléans 5, XIVe, Seine, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716
[Verso :] Le 5 septembre 1941. Mon Zou aimé, je voudrais être près de toi pour que tu ne souffres plus, et pour que tu puisses décider de ta vie selon ton cœur. Tu peux sans doute imaginer combien je suis bouleversé, car depuis dix-huit mois j’ai espéré follement ce jour où tu serais de nouveau dans mes bras et je pensais que ce serait le plus grand bonheur de ma vie. Et maintenant, tout ce qui se rapporte à ce bonheur entrevu me fait mal. Je me rappelle ma petite fille d’autrefois, du temps de nos premiers rendez-vous et de nos premières lettres et je revois ton sourire, tes inquiétudes, je revois nos retours par le boulevard Raspail, nos promenades aux Tuileries, la couleur de tes robes, tout jusqu’au moindre détail. Et j’étais si fier de t’avoir à mon bras, toi ma ravissante bien-aimée, ma petite fille que j’aimais déjà si absolument. Je pense souvent à mes permissions pendant la guerre. Tout cela a été si magnifique, que je ne trouve dans ma vie rien d’aussi parfait ou d’aussi beau. Il y avait la douceur de vivre avec toi, et la joie violente de posséder ton amour. C’est si merveilleux ma chérie de t’avoir. Pour moi, la vie ne peut avoir de sens hors de toi car tu as été mon seul, mon grand amour et je te jure que pour toi j’aurais tout donné. Je me sens capable d’un tel amour, et pour toi, ma chérie chérie, j’éprouve maintenant une lassitude extrême, et ne puis me raccrocher à rien. Tout ce à quoi j’ai cru m’échappe. Il me semble entrer dans un monde indifférent où seuls la force et le cynisme ont chance de triompher. Et je sais aussi que je puis m’adapter à ce monde, mais tout de même, j’éprouve une grande tristesse devant tout ce que j’ai perdu. Une grande tristesse devant l’homme que je puis devenir. Mon amour chéri, toi au moins il faut que tu sois heureuse. Un jour tu le seras par moi. Mais que puis-je aujourd’hui, loin de toi, vide de ma volonté. Raconte-moi dans tes lettres ce que tu fais, comment se passe cet été. Raconte-moi tout de même aussi ce qui t’entoure, et comment tu es, et ce que tu portes. J’aime le cadre où tu vis. Il faudrait qu’un dieu bienveillant s’ingéniât toute ta vie à créer autour de toi tout le bonheur du monde. Tu es si belle ma bien-aimée. Mon courage et ma joie de vivre, je les retrouverai seulement le jour où je te posséderai, et je crois à ce jour. Mais comme il est dur de vivre maintenant, seul, après avoir été habité par ton amour. Je t’embrasse et je t’aime.
François