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Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
“TOUT CE QUI ÉTAIT MIEN ME DEVIENT ÉTRANGER”
CONTENU :
[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 av. d’Orléans 5, XIV, Seine, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716
[Verso :] Le 11 sept 41. Ma Marie-Louise bien-aimée, depuis ma dernière lettre, il s’est écoulé un laps de temps auquel je n’étais pas habitué, depuis qu’avec tant de joie je pouvais te dire mon amour plus souvent. C’est que j’éprouve maintenant un tel désarroi que tout ce qui était mien me devient étranger. J’ai passé (et je continue de le vivre par à coups lorsque je sors de mon abattement) par un tel désespoir. Je t’ai bien aimé mon petit Zou chéri, avec tant de soin, tant de ferveur. J’ai voulu si passionnément faire de toi une femme très heureuse, te guérir de ta tristesse, te révéler un monde où tout serait porté à la connaissance d’un bonheur indéfinissable. Je ne sais même pas si j’éprouve de l’amertume : je garde comme un trésor tout ce que j’ai eu de toi et tu sais que cela a été beaucoup, que cela pouvait être toi. Je pense sans relâche à notre bonheur. J’essaie d’analyser ma joie de t’aimer, au moment où je t’ai connue et plus tard, dans l’émerveillement de nos premières rencontres, puis dans l’effondrement de mes espoirs, puis dans ce retour qui a fait de nous deux êtres désormais, malgré tout, liés, inséparables, et qui nécessairement achèveront dans une union plus complète, un jour, tout ce qui a été commencé. Je t’aime, avec tout ce que l’amour peut comporter de sursauts, d’éloignement, d’amertume. Je réaliserai cet amour avec toi quand la vie le voudra. Mais quelle tristesse aujourd’hui parce que tout paraît se briser. Quand je t’ai connue, j’avais vingt et un ans et toi tu étais si petite. Mais je crois qu’alors tu as compris comme moi que le sort qui nous réunissait ne nous tiendrait pas quittes, qu’il nous lançait dans une aventure à laquelle nous ne pouvions jamais échapper. La première fois que je t’ai vue, comme chaque fois par la suite, lorsque tu as été si proche de moi dans tous les domaines, j’ai ressenti intensément que tu étais autre que celles que j’avais pu connaître, j’ai compris que tu possédais un incomparable don. Et c’est pourquoi je me suis lié à toi de toutes les forces de mon être, intelligence et cœur, de tous mes désirs. Comme tu étais belle, mon amour, et comme tu étais riche de tout ce qui m’enchante. Tu es, malgré toi-même peut-être, ma Bien-Aimée, mon amour, et tu seras à moi.
François