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Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais
“JE SUIS ABSURDE. JE SUIS FOU”.
FRANÇOIS MITTERRAND REFUSE DE ROMPRE SES FIANÇAILLES MALGRÉ L’ÉVIDENCE D’UNE SÉPARATION INÉVITABLE
CONTENU :
[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 avenue d’Orléans 5, XIVe, Seine, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716
[Verso :] Le 29 sept. 41. Ma Marie Zou chérie, ce soir j’ai eu la faiblesse de feuilleter le petit paquet de tes chères lettres d’autrefois, les seules qui me restent, et qui ne me quittent pas. Je les avais sur moi quand j’ai été blessé et j’ai pu les sauver. Maintenant, lire tes mots d’amour me fait trop mal, et je les évite. Et pourtant, ce soir, j’ai presque oublié ce qui est venu nous séparer, une étrange douceur m’a pénétré comme si tu étais toujours ma ravissante petite fiancée, grave et légère et pleine de tendresse. Je pense à ton visage dans l’amour. Et pourtant, l’amour qui nous a uni, ce n’était pas encore tout l’amour. Je pense à ta beauté quand tu te donnes. Tant de souvenirs, tant de rêves, tant de certitudes. Mon aimée, peux-tu te représenter mon retour au lieu de ma fiancée, de ma femme déjà, au lieu du bonheur que nous n’aurions plus différé. Il n’y aura pour me recevoir que l’indifférence d’inconnus. Tu m’avais tellement promis de merveilles. Crois-tu que nous aurions pu finir notre baiser, cesser de nous aimer follement pendant les jours qui auraient suivi, et les nuits ? Tu le sais bien, tu ne peux pas le nier. Nous avons connu dans nos heures les plus belles l’approche d’un bonheur inexprimable. Peux-tu oublier ce qui reste attaché hors de notre mémoire au plus secret de nous-mêmes ? et tout cela, ce n’était rien, je te le jure. Et ce ne sera rien [au]près de ce que tu sauras un jour quand notre destin nous aura réunis. Mais quel désespoir quand ce retour inouï après tant de mois de peines ne m’offrira rien. Rien que la solitude. Les jours passent et que deviens-tu ? Trop d’images me sont insupportables. Pourras-tu m’attendre au moins sans donner ce qui m’appartient encore. Je suis absurde. Je suis fou. Je devrais comprendre l’inévitable et pourtant tout en moi le refuse. Tu es la seule femme que j’ai aimée avec autre chose qu’un immense désir, et c’est pourquoi je sais que je t’aime. J’ai écrit hier à ton père que rien ne soit changé que de notre commun accord à nous deux seuls. Nous restons fiancés et personne n’a à intervenir. Nous déciderons ensemble. Ma chérie, je t’adore, et tu sais, je ne renonce pas aux baisers que je t’envoie aujourd’hui.
François