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MITTERRAND, François

Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais

22 May 2025

“AU-DELÀ DE MA SOUFFRANCE NÉE DE TOI, JE ME SENS LIÉ À TOI PAR UNE TENDRESSE QU’AUCUN ÊTRE NE POURRA PLUS EXIGER DE MOI”.

“JE T’AIME AU-DELÀ DU MAL ET DU BIEN”

LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE

2 pp. in-8 (277 x 147 mm), encre bleue et crayon, lettre à en-tête du “Kriegsgefangenenpost”, cachet du Stalag, cachet de la poste

CONTENU : 

[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 avenue d’Orléans 5, XIVe arrt, Seine, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716

[Verso :] Le 16 octobre 1941. Ma bien-aimée, bien souvent je t’ai dit autrefois que tu étais toute ma force et toute ma faiblesse. Maintenant je mesure la vérité de ma parole, parce que tu es loin de moi, il ne me reste rien, ni volonté ni courage. Loin de moi seulement physiquement, c’était déjà si dur ma chérie, pour moi qui avais tant besoin de toi en toute chose, mais je l’aurais supporté grâce aux espoirs que nous gardions en notre cœur : le jour merveilleux de mon retour et les joies indicibles de notre union totale. Je t’assure que les peines matérielles et morales de ma captivité, tant que tu me restais, étaient facilement surmontées. Car je me sentais plein d’énergie, prêt à résister aux épreuves et à gagner dans ces difficultés le droit de vivre pleinement. Mais quand j’ai compris que le seul être sur lequel j’avais tout misé, que toi mon grand amour à qui j’avais tout donné, lui aussi m’abandonnait, tout m’a paru trop dur, insupportable. Mon aimée, je sais que tu en éprouves beaucoup de peine. Mais pourquoi te le cacher ? Maintenant, tout m’est une crise parce que je vais te perdre. Tout m’est lassitude et détresse. Pardonne-moi, mon petit Zou, de t’attrister alors que pour tous les deux la vie est déjà si lourde. Je n’ai jamais été si absolument démoralisé. Je savais bien que toi seule pouvais me faire du mal. Mais je ne regrette rien de ce que j’ai eu de toi parce que je t’ai infiniment aimée. Puisque tu peux prier, interviens auprès de Dieu pour moi. Au-delà de ma souffrance née de toi, je me sens lié à toi par une tendresse qu’aucun être ne pourra plus exiger de moi. Mon tout petit Zou, je suis sûr que tu as compris les beautés et les violences de notre amour. Et que tu en devines maintenant les tourments. Que te dire de ma vie ? De mes occupations ? J’ai quelques nouvelles de Jarnac. Cette citation qu’on m’annonce, je m’en moque. C’est à toi que j’aurais aimé offrir tous mes actes, pour que tu en sois heureuse. Mon aimée, pardonne-moi aussi de te faire sans doute souffrir en acceptant ta promesse, en acceptant ce que tu me dis : “je t’appartiens encore”. Mais ce qu’il y a de mauvais et de bon en moi est d’une même violence. Je t’aime au-delà du mal et du bien. Tu vois, tu es encore celle à qui je me confie. Pour tout autre, je reste si froid, si fermé. Ma petite sœur chérie de tristesse, pense toute de même parfois à moi qui suis trop dévasté. Je t’aime.

François