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MITTERRAND, François

Lettre autographe signée à Marie-Louise Terrasse, dite Catherine Langeais

14 June 2025

“TU T’ES PEUT-ÊTRE TROMPÉE AUSSI À MON ÉGARD : SI POUR TOI J’AI VOULU CONFORMER NOTRE AMOUR À DES NORMES ÉTABLIES, TU NE PEUX COMPRENDRE À QUEL POINT JE SUIS DÉTACHÉ DE TOUT CE QUI N’EST PAS MON GOÛT DE L’AVENTURE”

LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE

2 pp. in-8 (274 x 149 mm), encre bleue et crayon, lettre à en-tête du “Kriegsgefangenenpost”, cachet du Stalag, cachet de la poste

CONTENU : 

[Suscription :] Mademoiselle Marie-Louise Terrasse, Paris, 5 avenue d’Orléans 5, XIVe arrt, Seine, France. [Expéditeur :] François Mitterrand, 21716

[Verso :] Le 29 octobre 41. Ma Marie-Louise chérie, je suis souvent stupéfait de t’écrire des lettres pareilles. Je les écris le matin très tôt, et il suffit de la nuit pour que s’évanouissent les tristesses, du sommeil pour que je te retrouve près de moi, à moi. Tu te souviens, nous en riions : comment nous deux, êtres aussi indépendants, étions-nous si nécessaires l’un à l’autre ? Depuis que je te connais, donc que je t’aime, nombreuses ont été les occasions de t’oublier, de t’éloigner. Mais pourquoi ne désirais-je follement que tes caresses, tes baisers, ta tendresse ? Je me sentais prêt à faire de nos nuis et de nos jours, de notre union, un accord plus fort que toutes les lassitudes, que toutes les tentations. Cela me surprend d’autant plus que je n’aimais guère que ma fantaisie, que rien ne m’attachait, que le monde je le rêvais comme un jardin où j’aurais le droit de cueillir et de délaisser les fleurs selon mon goût, autant qu’il me plairait. Mais avec toi, j’ai découvert une réalité plus profonde, plus émouvante. Peut-être ne l’as-tu pas deviné alors parce que je n’arrivais pas à l’exprimer, mais mon désir pour toi était d’une qualité différente de tout ce que j’avais connu. Peut-être même t’es-tu étonnée qu’en nos soirées de mars nous n’ayons pas été l’un à l’autre. Ai-je désiré une femme plus que toi en ces moments ? Tu sais bien que non. Mais je voulais qu’une possession seulement magnifique, merveilleuse nous unisse. Il ne fallait pas qu’un seul regret l’atteigne. Mon aimée, il y a certaines choses qu’il est si difficile de dire. Plus tard, quand nous serons ensemble (car il faudra alors que nous nous parlions non pas en adversaires, ce qui serait absurde, mais comme deux êtres qui l’un par l’autre ont vécu une aventure magnifique), je t’expliquerai tout ce qui demeure pour toi sûrement très obscur. Tu t’es peut-être trompée aussi à mon égard : si pour toi j’ai voulu conformer notre amour à des normes établies, tu ne peux comprendre à quel point je suis détaché de tout ce qui n’est pas mon goût de l’aventure. Ma merveilleuse petite fille, unis ou non, nous sommes tous les deux, je crois, proches par nos pouvoirs. Toit tu es si belle, si précieuse. Et qui comprendra mieux que moi ce que tu es ? Je t’aime.

François