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Lettre autographe signée à sa mère, madame Henri de Gaulle
LA SECONDE MISSION DU CAPITAINE DE GAULLE EN POLOGNE ET LA RENAISSANCE DANS L’ADVERSITÉ DU “SENTIMENT NATIONAL”.
RARE LETTRE INTIME DE CHARLES DE GAULLE À SA MÈRE
4 pp. repliées in-8 (180 x 136 mm), encre noire, avec enveloppe oblitérée en date du 17 juin 1920
“Ma bien chère Maman,
Mon voyage s’est effectué sans autres désagréments que les classiques et fréquentes visites douanières, les continuels ennuis des changes, et la longueur relative du trajet.
Ici tout le monde m’a accueilli parfaitement bien. Le général Henrys1 m’a invité à déjeuner. J’en sors. Mais pour l’instant, comme il n’y a pas d’élèves à Rembertov2, on m’installe à Varsovie avec la mission d’y préparer et d’y faire quelques conférences.
Mon impression générale est médiocre, en ce qui concerne ce pays. Sans doute avez-vous pu discerner à travers les communiqués orientaux de fond et de forme l’échec de l’offensive sur Kiev, la perte de l’Ukraine, et la menace croissante aux frontières actuelles de la Pologne d’une armée russe où renaît contre un ennemi séculaire le sentiment national. D’autre part la situation économique est fort inquiétante. La misère ne cesse de s’étendre. La vie double de prix tous les trois mois. Le mark polonais est la plus basse unité monétaire du monde actuellement (à l’exception du roubble) et rien ne fait prévoir qu’il va remonter. J’estime que si la Pologne veut vivre, il est grand temps qu’elle se modère, qu’elle signe la paix avec les Russes et modestement qu’elle s’entende avec ses voisins Lithuaniens, Allemands et Tchèques et qu’elle se mette au travail. Je vous enverrai lundi les 500 francs du voyage, ma bien chère maman. Ils m’ont été forts utiles, car ce voyage m’a coûté exactement 1400 francs (wagon-restaurant compris). En Autriche, en Bohême et en Pologne, les places des trains de luxe et le prix des transports des bagages donnent lieu à une littérale exploitation.Au revoir et à bientôt peut-être, ma bien chère maman. Mille affections à papa, mille choses à mes frères et sœurs. Pour vous mes meilleurs baisers.
Votre fils très affectionné et respectueux.
Charles de Gaulle"
Les lettres du général de Gaulle à sa mère, Jeanne de Gaulle (1868-1940) demeurent rares. Dans ses Mémoires, le fils évoque ses parents avec ces mots : “mon père était imprégné du sentiment de la dignité de la France. Il m’en a découvert l’Histoire [… ] ma mère portait à la patrie une passion intransigeante à l’égal de sa piété religieuse”. Cette combinaison de “sentiment” et de “nation” habita l’esprit du général de Gaulle tout au long de sa vie. En Pologne, de 1919 à 1920, le capitaine de Gaulle servit sous les ordres du général Paul Henrys (1862-1943) à Rembertow, quartier de Varsovie où se situe l’Académie des Arts de la Guerre.
Charles de Gaulle, Lettres, notes & carnets, tome, I, p. 498