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La Sultane Rozréa, Badinguette et autres chansons contemporaines
LECTURE DE RIMBAUD.
SATIRE ÉROTIQUE AU TEMPS DU SECOND EMPIRE.
BEL EXEMPLAIRE DE TÊTE, RELIÉ À L’ÉPOQUE
Seconde édition, très augmentée. La Sultane Rozréa avait paru un an avant, tout seul
In-12 (156 x 95mm). Bandeaux et culs-de-lampe gravés
COLLATION : 5 pp. n. ch. [1-5], 6-94, 1 p. n. ch. (Achevé d’imprimer)
TIRAGE : un des 100 exemplaires du “tirage extraordinaire”, celui-ci numéroté 13 (ou 131). Il y aurait eu en outre 100 exemplaires d’un tirage ordinaire
RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos à nerfs de basane havane, fleurs de lys estampées à froid au dos, plats de papier marbré, filets dorés, tranche supérieure dorée
PIÈCE JOINTE : lettre autographe signée de Jules Claretie à Émile Kuhn, biographe d’Albert Glatigny, mentionnant les œuvres publiées par Glatigny, 1er février 1876 (2 pp. in-8, montées sur onglet. Encre brune, papier à en-tête de Jules Claretie)
Rimbaud a pu lire en 1871, à Charleville grâce à Paul-Auguste Bretagne, ou à Paris grâce à Verlaine, un recueil de vers érotiques de Glatigny intitulé : Joyeusetés galantes et autres du vidame Bonaventure de la Braguette paru la même année que les Poèmes saturniens (1866), chez Lemerre (“le bon éditeur”, selon Rimbaud). Albert Glatigny (1839-1873) était, parmi les jeunes parnassiens en vue, le représentant par excellence de la bohême la plus pauvre. C’était un comédien errant, un vrai vagabond, mort à trente-trois ans. Ainsi a-t-il écrit des poèmes comme Les Vagabonds, La Course ou Les Bohémiens.
Rimbaud connaît admirablement la poésie de Glatigny et s’en inspire. On a même parlé de réécriture pour À la musique. Steve Murphy a révélé (Le Premier Rimbaud) l’évident emprunt d’un vers de Glatigny par Rimbaud :
“Et ton rire lubrique éclate sous les branches” (Sous Bois),
devenant chez Rimbaud :
“Sa lèvre éclate en rires sous les branches” (Tête de faune)
Quand Glatigny publiera La Course et Les Bohémiens, Rimbaud écrira Ma Bohème. Les deux mots “course” et “s’égrène” de Ma Bohème sont bien présents dans La Course de Glatigny. De même Rimbaud, s’appropriera le titre de Glatigny Les Petites amoureuses en Mes Petites amoureuses, avec ce glissement sémantique de l’article défini du titre vers les pronoms possessifs, Ma et Mes.
Une source plus ancienne liant Glatigny et Rimbaud se trouve dans Les Odes funambulesques (1857) de Théodore de Banville. Albert Glatigny a d’ailleurs dédié son premier livre Les Vignes folles (1860) à Théodore de Banville. On connaît l’importance de Banville pour Rimbaud. Les rimes rares de Ma Bohème : “Ourses / courses”, “trou/frou-frou”, “fantastiques/élastiques” se trouvent toutes les trois dans les Odes funambulesques. L’art de Rimbaud ne saurait être fait de coïncidences hasardeuses.
En 1870, Glatigny publie un nouveau recueil érotique, La Sultane Rozréa, très augmenté d’autres pièces l’année suivante. Napoléon III et à l’impératrice Eugénie sont exilés en Angleterre. Glatigny fait l’inventaire de toutes les “dépravations” que l'on peut envisager. À l’automne 1871, Rimbaud participe à l’aventure de l’Album zutique, également parodique et érotique, se moquant aussi de l’ordre et du pouvoir et dans lequel se trouve le fameux sonnet composé à quatre mains avec Verlaine.
Pascal Pia, Les Livres de l’enfer, col. 1389-1381 (qui ne mentionne que cette édition) -- Steve Murphy, Le Premier Rimbaud ou l'apprentissage de la subversion, Paris, 1991 -- Michel Murat, L’Art de Rimbaud, Paris, 2002 -- Élmile Kuhn, Albert Glatigny, sa vie son oeuvre par Job-Lazare, Paris, 1878