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Feu de Joie
ARAGON AU FRONT.
REMARQUABLES ENVOI ET LETTRES D’ARAGON AUX ACCENTS APOLLINARIENS, ADRESSÉES À SON AMI JEAN VERGNET :
“CETTE VIE, CETTE GUERRE : JE N’AI JAMAIS ÉTÉ AUSSI HEUREUX”.
ÉDITION ORIGINALE
In-8 (184 x 135mm)
ILLUSTRATION : reproduction d’une gravure sur bois de Picasso, placée en frontispice
ENVOI AUTOGRAPHIE SIGNÉ, à l’encre noire :
À Jean Vergnet
Louis Aragon
PIÈCES JOINTES : deux lettres autographes signées de Louis Aragon à Jean Vergnet, un poème autographe et un billet autographe de Louis Aragon
1. [16 juillet 1918] Médecin-auxiliaire Aragon. 355e Reg. d’Infanterie. 5e Bataillon. S. P. 219
“Cher ami, cher ami. Excuse ce papier d’être pouilleux et moi d’exiger des nouvelles nouvelles. Que deviens-tu ? Paris ou quelle villégiature ? Après un court séjour sur les coteaux meusiens j’ai pris le parti de fixer mes pénates dans ce pays-ci pour la seule raison apparente que son nom s’apparente avec le mien. Tu saisis ? Trois semaines et demie de front, presque un douzième de brisque [chevron cousu sur la manche]. Mais as-tu reçu, et mon mot de Paris avec mot pour Rivière, et mon mot écrit je crois du chemin de fer ou en arrivant au front ? Et les autres gusses ? Y en a-t-il déjà de tuées ? Non ? Dommage, dommage. Dans le secteur meusien, c’est un classe 18 qui est venu me relever, Barré, tu dois le connaître. Et Chauveau ? son silence était inquiétant. S’il n’y a rien, (je l’espère), donne-moi son adresse. Mais toi, toi… tu ne me gâtes pas de ta prose. Écris à Breton, toujours à Moret. L’heure du vaguemestre est le seul bonheur de la journée. Contribue-z’y, O Giovanni ! Louis Aragon”.
(1 p., papier d’écolier quadrillé, encre bleue. Traces de perforation)
2. 10 août 1918. Cher ami, j’aime tes lettres. Je les ai, je crois, toutes reçues. Dans ce pays où tous les hommes sont bleus et les femmes inconnues, elles sont un des rares charmes de la vie. Celle-ci se perd dans ces parages plus facilement que la vertu. Qu’est le miracle de la Marne auprès de celui-ci : être en vie et t’écrire aujourd’hui 10 août ? Ils m’ont tué trois fois sans résultat avec des obus qui ont éclaté contre moi, à mes pieds, dans la cuvette dans laquelle je me lavais. Ils ont démoli sur moi mon poste de secours. Pour tout résultat quelques secousses, un choc, pas une égratignure. Et je suis proposé pour une citation. Proposé seulement. Maintenant quand je trouve une glace je me regarde avec étonnement, parce que vraiment j’ai cru ne pas me revoir vivant. Je vis, et dans une creute [carrière souterraine] si basse de plafond qu’on marche courbé en trois. Mais où sont les musiques d’antan. On manque de médecin à la division. Si tu voulais je pourrais te faire demander par le divisionnaire, nous serrions voisins et nous verrions souvent. Si tu le désires, envoie moi ton numéro matricule. D’autant que tu arriverais pour le moment du repos de la division. Ma sœur raffole du livre de ton oncle. Cette vie, cette guerre, je n’ai jamais été aussi heureux. Et le Père La B*** qui voulait m’empêcher de partir ! Ha, ha. Et je ne dis rien davantage. Louis A. 355 R. I. 4e Bon S. P. 219
(1 p. 1/2, encre brune, traces de perforation, déchirure centrale sans manque)
3. un poème autographe inédit d’Aragon dédié à Philippe Soupault, annoté par Jean Vergnet qui le date du 28 avril 1919
(8 vers, encre brune)
4. un billet autographe signé de Louis Aragon, annoté par Jean Vergnet
(3 lignes, encre brune)
RELIURE SIGNÉE DE FLAMMARION : dos et coins de chagrin rouge, dos à nerfs, plats de papier marbré, filets dorés en encadrement, tranche supérieure dorée, couverture conservée
PROVENANCE : Jean Vergnet (né en 1896 ; envoi ; ex-libris)
Jean Vergnet-Ruiz fut affecté au Val-de-Grâce et promu médecin-auxiliaire, en même temps qu’Aragon et Breton. À partir de septembre 1918, il obtiendra de rejoindre la même division d’infanterie qu’Aragon sur le front.
La première lettre, du 16 juillet 1918 est inédite. La seconde, très importante, offre un témoignage unique d’Aragon au front :
“Pour la première fois et, sauf erreur, la seule, nous pouvons comparer, sur un événement aussi tragique de sa vie, le récit envoyé sur le champ par Aragon à son ami poète, Breton, au calme à “l’arrière”, et le récit, du même événement, au même moment, pour un camarade, au front comme lui, lequel comprend et partage tout à demi-mot. Dédoublement total donc, selon ses correspondants. La désinvolture, si insolemment affirmée à l’intention de Breton, fait place aux confidences sans fard, sur le danger que Vergnet-Ruiz et lui vivent en commun” (Pierre Daix)
Lettres à André Breton, 1918-1931, éd. Lionel Follet, Paris, 2011 -- Pierre Daix, Aragon retrouvé 1916-1927, Paris, 2015, qui consacre un chapitre à la seconde lettre