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DAUDET, Alphonse

L’Évangéliste

Paris, E. Dentu, 1883

REMARQUABLE ENVOI D’ALPHONSE DAUDET À GUY DE MAUPASSANT.

DU PROTESTANTISME FANATIQUE

ÉDITION ORIGINALE
In-12 (176 x 106mm)
ENVOI autographe signé :
À Maupassant
Alph. Daudet

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos de veau havane, à nerfs, orné, plats de papier marbré, tranches mouchetées

Guy de Maupassant et Alphonse Daudet se rencontrèrent en février 1876 dans le salon de Gustave Flaubert, lequel réunissait également Edmond de Goncourt, Émile Zola, Ivan Tourgueniev et une toute nouvelle recrue, depuis décembre 1875, Henry James. La correspondance du jeune Maupassant mentionne souvent les noms de Daudet et James. On sait par exemple que Maupssant a lu, au moment de sa parution en 1876, Jack d’Alphonse Daudet (“c’est très remarquable”). Alphonse Daudet servit d’intermédiaire pour que soit publiée la première nouvelle de Maupassant, En canot, le 10 mars 1876, dans le Bulletin français. Plus tard, Daudet se souviendra des premiers pas de Maupassant en littérature :

“Pendant un an, deux ans peut-être, j’ai rencontré Maupassant tous les dimanches aux matinées de Flaubert qui l’adorait et, sur chacune de ses paroles, se retournait avec un rire tendre et des regards de bon papa. Toujours à la même époque, Maupassant, encore inconnu, a monté bien souvent les trois étages inégaux et superbes de mon vieux logis, à l’hôtel Lamoignon [22-24 rue Pavée] qu’habitait aussi un de ses parents, colonel d’artillerie en retraite. Chaque fois il m’apportait un conte, une impression, cent cinquante ou deux cents lignes qu’il me demandait “de lui faire passer quelque part”, et dont, je crois bien, il ne parlait pas à Flaubert. Deux ou trois de ces nouvelles ont dû paraître au Bulletin français, sous je ne sais quel pseudonyme” (Supplément illustré de L’Écho de Paris, 8 mars 1893)

Alphonse Daudet reconnut ne pas avoir reconnu tout de suite le talent de Guy de Maupassant :

En ces premières pages du maître écrivain, non plus que dans sa causerie, dans ses traits, ses gestes, son allure, rien, absolument rien ne m’a jamais averti que Maupassant était là, personnalité splendide, puissante machine humaine sous vapeur au milieu de nous. Les yeux seuls m’inquiétaient parfois ; des yeux sans regard, fermés, glissants, impénétrables, des yeux d’agate arborisée qui absorbaient la lumière et ne la renvoyaient pas. À part cela, le masque le plus ordinaire. Et si ce gars normand à la forte encolure, au teint fleuri de gros cidre, m’avait consulté sur le vrai de sa vocation, je lui aurais répondu sans hésiter, “n’écrivez pas”. Quelle belle chose que le diagnostic !” (ibid.)

L’Évangéliste est un pamphlet contre le fanatisme protestant. Alphonse Daudet est parti d'un fait réel. En 1881, son fils aîné Léon, prenait des cours d'allemand avec une institutrice allemande, qui lui raconta que

“sa fille de vingt ans était tombée dans les mains d'une fanatique illuminée, la femme d'un banquier protestant célèbre, qui attirait dans un ouvroir religieux qu'elle avait fondé aux environs de Paris, des jeunes filles qu'elle envoyait suite travers l'Europe pour y porter la bonne parole et qui, désormais fanatisées par la dame évangéliste, oubliaient et reniaient toute vie antérieure y compris leur parents”.

Dans ce roman, la malheureuse mère ne sait plus à qui s'adresser pour obtenir de l'aide. Toutes ses relations, avocats ou hommes politiques, se récusent quand elle prononce le nom de Madame “Hautheman” et de son tout puissant mari. La seule âme compatissante est le Pasteur Aussandon, doyen de la Faculté de Théologie de Paris, qui n'écoutant que sa conscience viendra prêcher à l'Oratoire du Louvre pour prendre publiquement la défense de la pauvre femme lors d'un culte pathétique à l'issue duquel il refusera de donner la Communion à Madame Hautheman, la femme du banquier.

Alphonse Daudet se livra à une enquête approfondie sur le protestantisme parisien, les temples, ses pasteurs, ses cultes, sa liturgie, ses courants théologiques. C'était l'époque du “Réveil”, et de l'implantation en France de “l'Armée du Salut”, venue tout droit d’Angleterre.

BIBLIOGRAPHIE : 

M. Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 81 -- Nadine Satiat, Maupassant, Paris, 2003, p. 124 -- Marlo Johnston, Guy de Maupassant, Paris, 2012, pp. 169 et 175