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Le Capitaine Fracasse
LE CHEF-D’ŒUVRE DU “PARFAIT MAGICIEN ÈS-LANGUE FRANÇAISE” (BAUDELAIRE, 1857).
CE CAPITAINE FRACASSE MERVEILLEUX AU STYLE ENSORCELANT, L’UNE DES GRANDES LECTURES D’ENFANCE DE MARCEL PROUST.
L’UN DES RARES EXEMPLAIRES CONNUS AVEC UN ENVOI, ICI À EUDORE SOULIÉ : PROCHE AMI DE GAUTIER ET PREMIER CONSERVATEUR DU CHÂTEAU DE VERSAILLES.
AVEC UNE LETTRE AUTOGRAPHE DE THÉOPHILE GAUTIER ADRESSÉE À L’ÉPOUSE D’EUDORE SOULIÉ.
EXEMPLAIRE “FAMILIAL”, CELUI DE VICTORIEN SARDOU, GENDRE D’EUDORE SOULIÉ
ÉDITION ORIGINALE
2 volumes in-12 (172 x 110mm)
TIRAGE courant, il n’y a pas de grand papier pour Le Capitaine Fracasse
COLLATION : (vol. 1) : 2 f., IV-373 pp., 1 f. ; 2 f., 382 pp., 1 f.
ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ du seul prénom du poète, signe d’amitié :
à mon cher Eudore Soulié,
Théophile
PIÈCES JOINTES :
1. Lettre autographe signée de Théophile Gautier à l’épouse d’Eudore Soulié, Marie-Catherine Vila : “Chère Cymodocé, ton Eudore restera à St Gratien avec son Astèque jusqu’à jeudi inclusivement, tache de combiner ta venue de façon à ce (que) nous puissions nous rencontrer - mille choses aimables aux tiens et tiennes, ex imo corde, Théophile Gautier”, Saint-Gratien, s.d., 1 p. in-8 contrecollée en face de l’envoi. Théophile Gautier joue ici sur le nom de son ami Eudore Soulié en faisant référence aux personnages principaux des Martyrs de Chateaubriand, les fiancés Eudore et Cymodocée
2. Invitation imprimée sur papier de deuil au convoi funéraire de Théophile Gautier mort le 23 octobre 1872 de la part de Théophile Gautier fils, de Catulle Mendès, et surtout des comtes de Poudens, cousins de Théophile Gautier, dont le fameux château de Castillon en Béarn sert de modèle à celui du baron de Solignac dans le roman, 1 f. in-4 plié en 9
RELIURES DE L’ÉPOQUE. Percaline grenue vert bouteille, décor d’encadrements estampé à froid, dos long ornés, tranches dorées sur témoins
PROVENANCE : Victorien Sardou (1831-1908 ; ex-libris, absent des deux catalogues de ventes de 1909, gendre d’Eudore Soulié) -- puis, par descendance, aux marquis de Flers
À l’Arsenal, où son père était bibliothécaire et où Charles Nodier tint son célèbre salon littéraire, Eudore Soulié (1817-1876) rencontra Théophile Gautier parmi d’autres personnalités de la littérature comme Victor Hugo, Alexandre Dumas, le baron Taylor ou l’exquis Philippe de Chennevières. Eudore Soulié, admirateur de Célestin Nanteuil, ami de Delacroix dont il est un correspondant régulier, était l’un des premiers amis de la nouvelle école de peinture que fut le premier romantisme.
Entré comme simple commis au Louvre, en 1838, Soulié achève sa carrière dans l’administration des Beaux-Arts au Château de Versailles. Il en fut le premier conservateur, en 1854, et devint conservateur en titre en 1867. Il fréquente alors le comte de Nieuwerkerke, Directeur général des musées nationaux et amant de la Princesse Mathilde, dont il devint le familier à Saint-Gratien, tout comme Gautier. Saint-Gratien, propriété de la Princesse Mathilde à Enghien, est cité dans la lettre qui accompagne cet exemplaire. Nieuwerkerke transforma l’administration des Beaux-Arts. Il s’appuya sur Prosper Mérimée et sur Théophile Gautier, véritables autorités en la matière, faisant entrer ce dernier dans de nombreuses commissions et le rémunérant plus de 3.000 francs par an. Eudoxe Soulié fut l’un des grands conservateurs de Versailles, précédant ceux qui suivront sa route au siècle suivant : Pierre de Nolhac, Gaston Brière ou Gérard Van der Kemp. L’écrivain Victorien Sardou épousa la fille d’Eudore Soulié. Il devint ainsi possesseur de cet exemplaire et fut aussi le premier Président de la Société des Amis de Versailles.
Fait rare en littérature, l’histoire de l’édition longtemps différée du Capitaine Fracasse s’étale sur près de trente ans. La première rédaction du roman est parallèle à celle de l’écriture de Mademoiselle de Maupin (1835). Mais, malgré de larges avances et de bons contrats, ni Eugène Renduel qui commanda Fracasse en 1835, ni François Buloz en 1845, ni même la Revue de Paris entre 1853 et 1856, ne parvinrent à convaincre Gautier de publier son futur chef-d’œuvre. C’est Gustave Charpentier qui signa avec l’écrivain un contrat le 11 mars 1861 prévoyant l’édition en feuilleton et en librairie. Le 25 décembre 1861 paraît le premier feuilleton du Capitaine Fracasse dans la Revue nationale et étrangère, propriété de Charpentier. La publication en revue s’achève sur un triomphe le 10 juin 1863. Il anticipe le succès considérable de la première édition qui sort à l’automne 1863. Dès la mi-novembre Charpentier en est à sa troisième édition. En tout et dès la fin de 1863, la publication de Fracasse aura rapporté à Gautier près de 17.000 francs, somme considérable quand on se souvient que Baudelaire court après 1.000 francs.
Le triomphe est en effet considérable. Aussi l’auteur peut-il écrire à sa maîtresse Ernesta Grisi : “le succès du Capitaine dépasse celui des Misérables et sa vogue grandit tous les jours (30 novembre 1863)”. Hugo et son roman, jugé vulgaire par Baudelaire et Flaubert, sont bien l’aune à laquelle Gautier se mesure. À propos de Fracasse, Flaubert s’exclame : “je finis Fracasse. Quelle merveille ! Oui, une merveille de style, de couleur et de goût. Sois convaincu que jamais tu n’as eu plus de talent. Telle est mon opinion” (novembre 1863). Charles Baudelaire admirait Gautier dont il fit, par sa formule célèbre, le dédicataire des Fleurs du mal : “au poète impeccable, au parfait magicien ès-langue française”. Le mot de magie convient parfaitement au style du Capitaine Fracasse. Ainsi, Baudelaire demande-t-il à sa mère le 11 juin 1864 : “Et le Fracasse t’amuse-t-il ? Il y a des beautés étonnantes” (Corr., II, p. 378). Dans son livre sur Théophile Gautier publié au début de décembre 1859, Baudelaire avait déjà écrit à propos de son ami : “manier savamment une langue, c'est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire” (Pléiade, I, p. 933). Mais la gloire de Gautier parmi ses contemporains sera bientôt éphémère. Son œuvre et Le Capitaine Fracasse, quoique adapté, traduit et republié sera écarté. Maurice Barrès verra en Théophile un “merveilleux décorateur” (A. Guyaux, Baudelaire. Mémoire de la critique, p. 645) tandis que Gide s’étonnera de voir l’auteur des Fleurs “se prosterner devant Gautier” dans sa dédicace (ibid.).
C’est en réalité du côté de Marcel Proust qu’il faut aller retrouver le sens littéraire du Capitaine Fracasse :
“Ce livre, que vous m’avez vu tout à l’heure lire au coin du feu dans la salle à manger, dans ma chambre, au fond du fauteuil revêtu d’un appuie-tête au crochet, et pendant les belles heures de l’après-midi, sous les noisetiers et les aubépines du parc, où tous les souffles des champs infinis venaient de si loin jouer silencieusement auprès de moi, tendant sans mot dire à mes narines distraites l’odeur des trèfles et des sainfoins sur lesquels mes yeux fatigués se levaient parfois ; ce livre, comme vos yeux en se penchant vers lui ne pourraient déchiffrer son titre à vingt ans de distance, ma mémoire, dont la vue est plus appropriée à ce genre de perceptions, va vous dire quel il était : Le Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier. J’en aimais par-dessus tout deux ou trois phrases qui m’apparaissaient comme les plus originales et les plus belles de l’ouvrage (…) J’aurais voulu surtout qu’il me dît si j’avais plus de chance d’arriver à la vérité en redoublant ou non ma sixième et en étant plus tard diplomate ou avocat à la Cour de cassation.” (Pastiches et mélanges)
Marcel Proust sera en effet toujours fidèle à Fracasse, comme il l’écrit encore délicieusement dans son Contre Sainte-Beuve :
“Quand je vois M. Faguet dire dans ses Essais de Critique que le premier volume du Capitaine Fracasse est admirable et que le second est insipide (…) je suis aussi étonné que si j’entendais dire que les environs de Combray étaient laids du côté de Méséglise mais beaux du côté de Guermantes. Quand M. Faguet continue en disant que les amateurs ne lisent pas Le Capitaine Fracasse au-delà du premier volume, je ne peux que plaindre les amateurs, moi qui ai tant aimé le second, mais quand il ajoute que le premier volume a été écrit pour les amateurs et le second pour les écoliers, ma pitié pour les amateurs se change en mépris pour moi-même, car je découvre combien je suis resté écolier. Enfin quand il assure que c’est avec le plus profond ennui que Gautier a écrit ce second volume, je suis bien étonné que cela ait jamais pu être si ennuyeux d’écrire une chose qui fût plus tard si amusante à lire.”
On ne connaît que bien peu d’exemplaires avec envoi sur Le Capitaine Fracasse : celui adressé À Adolphe Léger apparaît à la fin du XIXe siècle (Catalogue des livres composant la bibliothèque de M. E. P***, Paris,Porquet, 1891, n ° 480) ; celui d’Amédée Achard aujourd’hui dans le commerce ; celui de l’ancienne collection Tissot-Dupont, adressé à Régina Lhomme, l’une des maîtresses du poète, et provenant de l’ancienne collection de Maurice Chalvet (Paris, 15 octobre 2016, n° 202, €14.500 avec frais). Il est aujourd’hui conservé dans une collection privée. Et on n’en finit pas de citer les grandes collections littéraires du XXe siècle auxquelles un tel exemplaire manquait : Alexandrine de Rothschild, Paul Voûte, Maurice Goudeket, Jean Davray, le colonel Sickles, Jacques Guérin, comme pour mieux signifier le déclin de l’œuvre de l’un des plus grands romantiques.
À titre de comparaison, des exemplaires de ses livres que Gautier adressa à Flaubert avec un envoi, ne subsistent que ceux conservés à l’Hôtel de ville de Canteleu : Les Beaux-Arts en Europe (1855 ; “à G. Flaubert, Théophile Gautier”), L’Art moderne (1856 ; “à mon ami G. Flaubert, Théophile Gautier”), Le Roman de la momie (1858 ; ancienne collection Sickles, I, 20 avril 1989, n° 72, puis préempté dans la vente Zoummeroff de 2005 ; “à mon bon vieux Flaubert, le grammate, Théophile Gautier”), Ménagerie intime (1869 ; “au brave Gustave Flaubert, son ami de tout cœur”] et Spirite (1866 ; “à mon bon Gustave Flaubert, Théophile Gautier”). Et M. Yvan Leclerc, nous a confirmé qu’il “n’a jamais vu passer en vente un livre de Gautier avec une dédicace à Flaubert, en plus de ceux conservés à Canteleu”. Comble d’infortune, M. André Guyaux ne connaît pas l’existence des exemplaires que Gautier adressa sûrement à Charles Baudelaire, et il ajoute : “il n’existe aucune lettre connue de Gautier à Baudelaire”. On ne peut donc mieux souligner le caractère précieux de cet envoi à Eudore Soulié sur cet exemplaire familial du Capitaine Fracasse.