



Acheter
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
Le Capitaine Fracasse
LE CHEF-D’ŒUVRE DU “PARFAIT MAGICIEN ÈS-LANGUE FRANÇAISE” (BAUDELAIRE, 1857).
CE CAPITAINE FRACASSE MERVEILLEUX AU STYLE ENSORCELANT, L’UNE DES GRANDES LECTURES D’ENFANCE DE MARCEL PROUST.
RAVISSANT EXEMPLAIRE EN RELIURE DE L’ÉPOQUE
ÉDITION ORIGINALE
2 volumes in-12 (172 x 111mm)
TIRAGE courant, il n’y a pas de grand papier pour Le Capitaine Fracasse
COLLATION : (vol. 1) : 2 f., IV-373 pp., 1 f. ; (vol. 1) : 2 f., 382 pp., 1 f.
RELIURES DE L’ÉPOQUE. Plats de percaline rouge, dos de chagrin rouge, dos à nerfs et ornés
PROVENANCE : Jean A. Bonna (ex-libris)
L’histoire de l’édition longtemps différée du Capitaine Fracasse s’étale sur près de trente ans. La première rédaction du roman est parallèle à celle de l’écriture de Mademoiselle de Maupin (1835). Mais, malgré de larges avances et de bons contrats, ni Eugène Renduel qui commanda Fracasse en 1835, ni François Buloz en 1845, ni même la Revue de Paris entre 1853 et 1856, ne parvinrent à convaincre Gautier de publier son futur chef-d’œuvre. C’est Gustave Charpentier qui signa avec l’écrivain un contrat le 11 mars 1861 prévoyant l’édition en feuilleton et en librairie. Le 25 décembre 1861 paraît le premier feuilleton du Capitaine Fracasse dans la Revue nationale et étrangère, propriété de Charpentier. La publication en revue s’achève sur un triomphe le 10 juin 1863. Il anticipe le succès considérable de la première édition qui sort à l’automne 1863. Le 27 octobre, Louis de Cormenin reçoit son exemplaire. Dès le 28 novembre, Charpentier en est à sa quatrième édition et prévoit une quatrième et cinquième édition pour les dernières semaines de 1863 (cf. Corr., p. 207). En tout et dès la fin de 1863, la publication de Fracasse aura rapporté à Gautier près de 17.000 francs, somme considérable quand on se souvient que Baudelaire court après 1.000 francs.
Le triomphe est en effet considérable. Aussi l’auteur peut-il écrire à sa maîtresse Ernesta Grisi : “le succès du Capitaine dépasse celui des Misérables et sa vogue grandit tous les jours (30 novembre 1863)”. Hugo et son roman, jugé vulgaire par Baudelaire et Flaubert, sont bien l’aune à laquelle Gautier se mesure. À propos de Fracasse, Flaubert s’exclame : “je finis Fracasse. Quelle merveille ! Oui, une merveille de style, de couleur et de goût. Sois convaincu que jamais tu n’as eu plus de talent. Telle est mon opinion” (16 novembre 1863, aut. coll. Lovenjoul). Charles Baudelaire admirait Gautier dont il fit, par sa formule célèbre, le dédicataire des Fleurs du mal : “au poète impeccable, au parfait magicien ès-langue française”. Le mot de magie convient parfaitement au style du Capitaine Fracasse. Ainsi, Baudelaire demande-t-il à sa mère le 11 juin 1864 : “Et le Fracasse t’amuse-t-il ? Il y a des beautés étonnantes” (Corr., II, p. 378). Dans son livre sur Théophile Gautier publié au début de décembre 1859, Baudelaire avait déjà écrit à propos de son ami : “manier savamment une langue, c'est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire” (Pléiade, I, p. 933). Mais la gloire de Gautier parmi ses contemporains sera bientôt éphémère. Son œuvre et Le Capitaine Fracasse, quoique adapté, traduit et republié sera écarté. Maurice Barrès verra en Théophile un “merveilleux décorateur” (A. Guyaux, Baudelaire. Mémoire de la critique, p. 645) tandis que Gide s’étonnera de voir l’auteur des Fleurs “se prosterner devant Gautier” dans sa dédicace (ibid.).
C’est en réalité du côté de Marcel Proust qu’il faut aller retrouver le sens littéraire du Capitaine Fracasse :
“Ce livre, que vous m’avez vu tout à l’heure lire au coin du feu dans la salle à manger, dans ma chambre, au fond du fauteuil revêtu d’un appuie-tête au crochet, et pendant les belles heures de l’après-midi, sous les noisetiers et les aubépines du parc, où tous les souffles des champs infinis venaient de si loin jouer silencieusement auprès de moi, tendant sans mot dire à mes narines distraites l’odeur des trèfles et des sainfoins sur lesquels mes yeux fatigués se levaient parfois ; ce livre, comme vos yeux en se penchant vers lui ne pourraient déchiffrer son titre à vingt ans de distance, ma mémoire, dont la vue est plus appropriée à ce genre de perceptions, va vous dire quel il était : Le Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier. J’en aimais par-dessus tout deux ou trois phrases qui m’apparaissaient comme les plus originales et les plus belles de l’ouvrage (...) J’aurais voulu surtout qu’il me dît si j’avais plus de chance d’arriver à la vérité en redoublant ou non ma sixième et en étant plus tard diplomate ou avocat à la Cour de cassation.” (Pastiches et mélanges)
Marcel Proust sera en effet toujours fidèle à Fracasse, comme il l’écrit encore délicieusement dans son Contre Sainte-Beuve :
“Quand je vois M. Faguet dire dans ses Essais de Critique que le premier volume du Capitaine Fracasse est admirable et que le second est insipide (...) je suis aussi étonné que si j’entendais dire que les environs de Combray étaient laids du côté de Méséglise mais beaux du côté de Guermantes. Quand M. Faguet continue en disant que les amateurs ne lisent pas Le Capitaine Fracasse au-delà du premier volume, je ne peux que plaindre les amateurs, moi qui ai tant aimé le second, mais quand il ajoute que le premier volume a été écrit pour les amateurs et le second pour les écoliers, ma pitié pour les amateurs se change en mépris pour moi-même, car je découvre combien je suis resté écolier. Enfin quand il assure que c’est avec le plus profond ennui que Gautier a écrit ce second volume, je suis bien étonné que cela ait jamais pu être si ennuyeux d’écrire une chose qui fût plus tard si amusante à lire.”
L. Carteret, Le Trésor du bibliophile, I, p. 333, qui ne cite aucun exemplaire avec envoi -- G. Vicaire, Manuel de l’amateur de livres du XIXe siècle, III, col. 926 -- Clouzot, p. 129 : “rare en reliure d’époque de qualité -- Stéphane Guégan, Théophile Gautiier, Paris, 2011 -- Théophile Gautier. Correspondance générale. 1862-1864, t. VIII, Genève, 1993