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[CAZOTTE, Jacques]

Le Diable amoureux. Nouvelle espagnole

Naples [Paris], [Le Gay ou Le Jay], 1772

TEXTE ESSENTIEL DE LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE.

FAMEUX CONTE AUX GRAVURES SINGULIÈRES, ÉTONNAMMENT MODERNES ET TOUJOURS SI ÉNIGMATIQUES.

TRÈS BEL EXEMPLAIRE, GRAND DE MARGES, EN PLEINE RELIURE DE L’ÉPOQUE.

ANCIENNE COLLECTION BERNARD MALLE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (200 x 125 mm). Grand fleuron sur la page de titre, un bandeau et culs-de-lampe gravés sur bois
COLLATION : a4 A-I8 : viii-144 pp.
CONTENU : a1r : titre, a2r : avis de l’éditeur, A1r : texte
ILLUSTRATION : 6 gravures attribuées à Jean-Michel Moreau, dit Moreau le Jeune, et à Clément-Pierre Marillier ; 1 page de musique gravée
ANNOTATION d’une main anglaise ancienne (celle de John Rushout ?) à l’encre brune sur le feuillet de garde : “A Ridiculous Farce” datée de 1853
RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau moucheté, décor doré, simple filet en encadrement, dos long très orné, tranches jaspées. Étui
PROVENANCE : John Rushout, 2e baron de Northwick (1769 ou 1770-1859 ; ex-libris armorié à la devise “Par ternis suppar”) -- ancienne collection Bernard Malle
RARETÉ : cette fine reliure, d’une élégance remarquable, est probablement anglaise. Les exemplaires en reliure de l’époque sont peu communs. Sur RBH depuis 1973 et sur la Gazette de Drouot ou sur les sites de libraire, aucun exemplaire en pleine reliure de l’époque n’a été vendu. Le fichier Berès répertorie un exemplaire relié à l’époque en veau passé dans le commerce en 1998, marqué 25.000 francs. Les exemplaires apparaissent le plus souvent en reliures postérieures. Manquait à la collection Jacques Guérin. Absent du catalogue de la collection de Jean Bonna

Légères et habiles restaurations anciennes aux charnières, minime usure aux coins inférieurs

Jacques Cazotte (1719-1792), adepte de l’illuminisme, mourut sur l’échafaud durant la Révolution. Hoffmann, Nodier, Nerval, Gautier et Baudelaire se passionnèrent tout à tour pour la curieuse personnalité de l’auteur. Ce récit, qui tient à la fois du conte fantastique et du roman de sorcellerie, convoque le diable sous différentes formes.

“L’incontestable originalité du conte tient à des mérites purement littéraires. Dans Le Diable amoureux, il joint à la liberté de l’imagination la justesse de l’analyse. Ses personnages vivent, et leurs aventures sont rapportées avec tant de naturel que nous en remarquons à peine l’étrangeté [… ] Le Diable amoureux peut rappeler Manon Lescaut. Dans les deux ouvrages, un jeune homme loyal, mais imprudent, se laisse entraîner à sa perte par les séductions d’une dangereuse créature. Biondetta ressemble à Manon ; Alvare possède plus d’expérience que des Grieux, mais non moins de fraîcheur [… ]” (Pierre-Georges Castex)

L’avis de l’éditeur ridiculise la manie de l’époque d’illustrer avec luxe n’importe quel livre et donne plusieurs clés d’interprétation des gravures, malicieusement attribuées à un “homme de génie trouvé dans une Auberge” ainsi qu’à “deux autres génies qui ont prêté leurs crayons séduisans”. Ces six planches, assez novatrices, quasi caricaturales et plutôt dépouillées, n’ont pas vraiment d’équivalent à l’époque. Elles s’écartent sciemment de la manière appliquée de graver pour les livres du XVIIIe siècle. La modernité de telles illustrations influencera plusieurs artistes et graveurs du XXe siècle.

“Malgré la nécessité indispensable, que tout le monde connoît, d’orner de gravures tous les Ouvrages qu’on a l’honneur d’offrir au Public, il s’en est peu fallu que celui-ci n’ait été forcé de s’en passer. Tous nos grands Artistes sont abysmés d’ouvrages, tous nos Graveurs percent les nuits & ont peine à y suffire ; l’Auteur étoit désespéré & ne pouvoit ni pour or, ni pour argent, trouver ni dessins ni gravures. Donner son ouvrage sans cela, c’étoit le perdre ; aussi étoit-il résolu à le garder, lorsqu’heureusement il a trouvé dans une Auberge un de ces hommes de génie que la Nature se plaît à former, & dont l’art n’a jamais, par ses régles asservissantes, refroidi l’imagination.” (extrait de l’avis)

BIBLIOGRAPHIE : 

E. Bocher, Jean-Michel Moreau le Jeune, Paris, 1882, pp. 133-134, n° 332-334 -- R. Portalis et H. Béraldi, Les Graveurs du XVIIIe siècle, Paris, 1884, t. III, p. 192 -- J. Gay, Bibliographie des ouvrages relatifs à l'amour, aux femmes…, Paris, 1894, t. I, col. 887 : “recherchée à cause de la grotesque exécution de ses figures” -- Cohen-de Ricci, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, col. 212-213 : “c’est une satire sur la manie que l’on avait alors de tout illustrer, même les ouvrages les plus sérieux” -- P.-G. Castex, Le Conte fantastique en France de Nodier à Maupassant, Paris, 1951, pp. 25-41 -- M. Milner, Le Diable dans la littérature française de Cazotte à Baudelaire, Paris, 1960, t. I, pp. 79-102