


Acheter
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
Le Livre mystique. Les proscrits. Histoire intellectuelle de Louis Lambert
RARE ENVOI DE BALZAC À SON AMI ROSSINI, L’INFLUENCE MUSICALE LA PLUS IMPORTANTE DE LA COMÉDIE HUMAINE.
L’UN DES PLUS LONGS ENVOIS QUE BALZAC AIT JAMAIS FAITS.
BROCHÉ, GRAND DE MARGES
Seconde édition. Tome I seul, contenant Les Proscrits et L'Histoire intellectuelle de Louis Lambert, de cette édition dont le tome II "contenant Seraphita fut vendu avec titre particulier et, comme tel, constitue la première édition séparée de ce roman" (Clouzot). Catalogue des nouvelles publications de Werdet à la fin (7 ff.)
In-8 (210 x 129mm)
BROCHÉ. Couverture jonquille de l’éditeur, non rogné. Chemise, étui. Exemplaire rétabli dans sa brochure originelle
ENVOI autographe signé :
Offert à mon cher Maëstro
Rossini comme un des plus
profonds et des plus vrais hommages
apportés au pieds de la
Musique.
Paris, janvier 1836
De Balzac
La présence de Rossini dans l’œuvre de Balzac est impressionnante : explicitement à l’intérieur des romans, pour décrire une situation, un sentiment qualifiés de « rossiniens », ou implicitement dans la composition elle-même de ces romans, où Balzac s’inspire de certains procédés propres au compositeur italien, notamment, son usage du crescendo. Lors de la création de l’Otello de Rossini à Paris, en 1821, Balzac se trouve dans la salle. L’écrivain est si engoué par le lyrisme de Rossini qu’il en fera chanter un passage, huit ans plus tard, à Julie de Listomère dans La Femme de trente ans (1829). Dans La Peau de Chagrin (1831), Balzac ne cesse de citer Rossini, c’est le nom qui revient le plus souvent. Pour l’écriture du roman, il va jusqu’à demander à la maîtresse de Rossini, l’actrice Olympe Pélissier, de lui jouer dans sa chambre une scène curieuse qu’il reprendra dans l’intrigue entre Raphaël et Fœdora. Deux nouvelles « musicales », à la manière d’études, sont entièrement consacrées à Rossini : Massimila Doni (1839), dans laquelle Balzac analyse Mosè. Il demande à un vieux musicien, Jacques Strunz, de lui jouer les airs de l’opéra sur son piano pendant qu’il rédige le texte. Et Gambara (1839), nouvelle qui donne l’occasion à Balzac d’une analyse magistrale des procédés de composition chez Rossini doublée d’un éloge sans restriction du maître.
Balzac est, comme Stendhal, un rossinien fervent. Mais il fut aussi, contrairement à Stendhal, un ami du compositeur italien. Le succès de La Peau de chagrin, en 1831, lui ouvre les salons, et, le 9 janvier 1832, Eugène Sue lui présente Rossini chez la fameuse danseuse Olympe Pélissier, au 23 rue de La Rochefoucauld. Rossini a alors quarante ans. Son œuvre est, selon lui, achevée : quarante opéras sans cesse donnés et redonnés sur toutes les scènes européennes. Ses œuvres sont les plus applaudies depuis six ans à Paris. Dès leur rencontre, une véritable amitié, jamais démentie, se noue. Balzac va l’entendre à l’opéra aussi souvent qu’il peut et assiste aux réceptions données par le maître. En novembre 1834, Balzac offre un grand dîner en l’honneur de Rossini : « Mon dîner ! il a fait fureur. Rossini a déclaré qu’il n’avait rien vu, mangé ni bu de mieux chez les souverains. Ce dîner a été étincelant d’esprit. La belle Olympe a été gracieuse, sage et parfaite » (lettre à Madame Hanska, 26 novembre 1834). Olympe Pélissier, chez qui eut lieu la première rencontre entre Balzac et Rossini, avait servi de modèle à Horace Vernet pour son célèbre tableau de Judith. Elle fut successivement la maîtresse de Sue, Vernet et Balzac lui-même, avant de devenir celle de Rossini qui l’épousa en 1847.
Le nom de Rossini apparaît vingt-huit fois dans la correspondance avec Madame Hanska pour les années 1832 à 1844. Dans une lettre du 18 novembre 1833, Rossini déclare à Balzac :
« vous qui marquez le siècle par vos chefs-d’œuvre ! Vous êtes, mon ami, un trop grand colosse pour que je puisse vous entreprendre ; et d’ailleurs, que vous ferait le suffrage d’une naïveté étrangère ! Je me bornerai donc à vous dire que je vous aime avec tendresse, et que vous, à votre tour, ne devez pas dédaigner d’avoir ensorcelé le Pesariote ».
Si l’écoute de la musique de Rossini a nourri l’imagination de Balzac et perfectionné la construction de ses récits, c’est également l’amitié du compositeur qui l’a soutenu dans les moments difficiles. Dans une lettre à Madame Hanska du 22 octobre 1836, alors qu’il se plaint des multiples malheurs qui l’accablent, notamment la faillite de son éditeur Werdet dans laquelle il est entraîné, Balzac élabore un plan pour payer ses dettes : « il me faudra travailler jour et nuit pendant six mois et après, au moins dix heures par jour pendant deux ans. Rossini me disait hier : « quand je faisais cela, moi, j’étais mort au bout de quinze jours, et j’en prenais quinze pour me rétablir ». Le succès précoce de Rossini et sa détermination dans le travail sont un modèle pour Balzac. Un temps, il espéra ramener Rossini à la composition et lui écrivit un livret, ce qu’il confie à Madame Hanska : « Au milieu de tous ces tracas, j’ai fait les paroles d’une romance pour Rossini. S’il me donne sa composition, je te la réserve » (lettre du 20 novembre 1833). La musique n’en fut pas composée, Rossini n’aimant pas le chant en français.
Rose Fortassier, dans son étude “Balzac et l’Opéra”, insiste sur le sens musical de Balzac : « Il ne faut pas croire que l’opéra ait révélé à Balzac le charme de la voix humaine ou son pouvoir expressif. Mais il lui en a donné une connaissance claire et distincte. C’est un fait que Balzac se réfère constamment à l’opéra. » (p. 35). Rossini fut certainement le musicien qui eut la plus forte influence sur le jeune Balzac écrivain et l’homme de la maturité. À la fin de l’année 1835, paraît La Fleur de pois (futur Contrat de mariage). Rossini avait traité à sa façon le thème du contrat de mariage, dans son premier opéra bouffe, La Cambiale di Matrimonio, créé en 1810. En 1842, quand il réédite son texte, Balzac en change le titre, prend celui de Rossini, et en fait le dédicataire de son roman.
Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 22 -- Lascoux Liliane, « Balzac et Rossini : histoire d'une amitié », in L'Année balzacienne 1/ 2005 (n° 6), p. 363-382 -- Rose Fortassier, “Balzac et l’Opéra”, in Cahiers de l’AIEF, Paris, Les Belles Lettres, 1965