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Lettre autographe signée à Victor Hugo
SUPERBE LETTRE DE LA POÉTESSE ET COMPOSITRICE LOUISE BERTIN, AMIE DE VICTOR HUGO, PEU DE TEMPS APRÈS SA LECTURE NOCTURNE ET IMMÉDIATE DES CONTEMPLATIONS.
ON NE PEUT IMAGINER MEILLEUR TÉMOIGNAGE DE LA RÉCEPTION DU GRAND RECEUIL POÉTIQUE DE VICTOR HUGO
4 pp. in-8 sur papier bleu, encre brune
“Hier, Monsieur, mes nièces, en apportant un peu de jeunesse et de joie dans ma solitude des Roches, m’ont remis un paquet arrivé de Paris depuis quelques jours. Il contenait deux volumes d’admirables vers ! J’ai passé la nuit à les lire ! Je ne vous en parlerai pas toutefois : mais je veux vous dire combien j’ai été touchée du petit papier qui les accompagnait. Qu’il disait de choses, hélas !
Non, je ne puis pas vous parler de vos vers : je n’en ai pas le courage ; car ce ne sont pas des vers pour moi ; c’est ma vie, c’est la vôtre ; et, surtout l’heureux temps où c’était la nôtre ! Oh ! Comme je vous remercie d’avoir gardé, vous aussi, ces chers souvenirs dans votre cœur ; et de n’avoir pas oublié ces Roches, qui n’oublient rien non plus, elles, et où les fleurs, les papillons et une fidèle amitié ne perdront jamais l’espoir de vous revoir.
Où êtes-vous ? Je le sais à peine ! Comment êtes-vous ? je l’ignore. Cela est triste, profondément triste, quand on a aimé les mêmes choses et pleuré les mêmes êtres ! Moi, je suis aux Roches, et j’y suis comme on est lorsqu’on est vieille et seule. Vous devez juger par là ce qu’a dû être pour moi un souvenir de vous.
Merci donc encore, Monsieur, merci
Louise Bertin
Présentez, je vous prie, à Madame Hugo, mes tendres amitiés et parlez quelques fois de leur vieille amie à mes chers petits enfants d’autrefois.”
Louise Bertin (1805-1877) était la fille de Louis-François Bertin (1766-1841), peint par Ingres, célèbre directeur et fondateur du Journal des Débats - de très noble origine contrairement aux récits habituels voyant en lui le portrait du grand bourgeois. Frappée jeune par la poliomyélite, elle n’en mena pas moins une carrière d’artiste remarquable. Elle créa des musiques pour Berlioz, Gounod et Liszt, composa la musique de La Esmeralda, opéra tiré de Notre-Dame de Paris, écrivit des poèmes, fit l’admiration de Chateaubriand, ici de Victor Hugo, ou des plus grands écrivains et peintres de son temps - dont bien sûr Ingres, l’artiste de la famille. Louise Bertin est d’ailleurs la dédicataire directe de nombreux poèmes de Victor Hugo dont Contemplations (V,5).
Elle habitait les Roches près de Bièvres où ses parents avaient tenu l’un des salons les plus célèbres de la France du premier XIXe siècle. Dans cette maison, Hugo passa plusieurs automnes d’une grande fécondité poétique, au temps des Chants du crépuscule et de ses amours avec Juliette Drouet. On voit ici Louise Bertin profondément touchante, vieillie par la maladie mais lectrice attentive des Contemplations. L’exemplaire portait à l’évidence un envoi amical du poète comme l’atteste le petit papier mentionné dans la lettre. Les nièces qui apportent ces deux volumes sont Marie Bertin (1836-1893), qui épousa Jules Bapst (1830-1899), directeur des Débats de 1841 à 1854, et Geneviève Bertin (1839-1917), épouse de Léon Say (1826-1896), plusieurs fois Ministre des Finances de la Troisième République et Président du Sénat. Léon Say et sa femme firent construire l'hôtel particulier du 21 rue Fresnel.