
Acheter
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
Œuvres de Monsieur de Moncrif
SÉDUISANT EXEMPLAIRE, CELUI DE MADAME DU DEFFAND AVEC SON FAMEUX DÉCOR EMBLÉMATIQUE AUX CHATS.
CE GRAND ESPRIT DU XVIIIE SIÈCLE SUT DONNER LA RÉPLIQUE À VOLTAIRE DANS UNE CORRESPONDANCE REMARQUABLE, CONTESTANT PIED À PIED L’OPTIMISME SOUVENT BÉAT DES LUMIÈRES.
L’UNE DES PLUS GRANDES ÉPISTOLIÈRES DE LA LANGUE FRANÇAISE, APRÈS MADAME DE SÉVIGNÉ.
EXEMPLAIRE PORTANT LA BELLE ÉTIQUETTE “DU LEGS DE LA MARQUISE DU DEFFAND AU PRINCE DE BEAUVAU”
Seconde édition collective
3 volumes in-12 (168 x 100mm)
À la date de 1751, le libraire Brunet publia deux éditions différentes dans leur composition, l’une illustrée du portrait, de 3 titres gravées et de 4 planches ; elle est répertoriée par Cohen-de Ricci. L’autre, celle-ci, n’est pas illustrée. Elle est beaucoup plus rare. Sa pagination, plus resserrée, et sa collation sont différentes, mais le contenu correspond point pour point à l’édition illustrée, malgré quelques inversions de textes, notamment au vol. 2. Elles sont toutes deux dotées du même privilège. L’édition illustrée est entièrement digitalisée sur le site de la Bodleian Library (http://dbooks.bodleian.ox.ac.uk/books/PDFs/N10954517.pdf)
Initiales, bandeaux et culs-de-lampe gravés sur bois entièrement différents de ceux utilisés dans l’édition illustrée
COLLATION : (vol. 1) : π3 A-Y8.4 Z82A4, A2V-B2v paginés ii-xx, B3v-2A3v paginés 2-266 ; (vol. 2) : π2 A-V8.4 X8 Y2, A2V-X8r paginés 2-251 ; (vol. 3) : π2 a8 b4 c2 A-Y8.4 Z82A-B4.8 C2, a2v-2B8v paginés 2-304
CONTENU : π1r : faux-titre, π2r : portrait, π3r : titre, A1r : Lettre à Madame, A8r : Préface, B3r : Essai sur la nécessité et les moyens de plaire, R2r Contes des fées… (5 contes) ; (vol. 2) : π1r : faux-titre, π2r : titre, A1r Dissertations, réflexions, discours et lettres, X8v Table, V1r Approbation et privilège ; (vol. 3) : π1r : faux-titre, π2r : titre, a1r : Poésies chrestiennes, [Théâtre et ballet] : A1r : Les Abdérites, E4r : Les Âmes réunies, I7r : L’Empire de l’amour, P3r : Almasis Ballet, Q2r : Ismène Pastorale, R6r : Le Trophée, S2r : Zélindor Ballet, T5r : Poésies diverses, 2B5r : Les Génies tutélaires, 2C1r : Table
ILLUSTRATION : portrait hors-texte de Moncrif gravé par Duflos placé entre le faux-titre et le titre du vol. 1
RELIURES DE L’ÉPOQUE. Veau porphyre, encadrement d’un filet gras autour des plats, dos lisses, dorés et ORNÉS DANS LES CAISSONS DES CHATS DE LA MARQUISE DU DEFFAND répétés quatre fois, tranches rouges
PROVENANCE : Marie de Vichy-Chamrond, marquise du Deffand (1696-178) -- Charles-Juste de Beauvau-Craon (1720-1793), Prince de Beauvau, avec la belle étiquette collée au contreplat du vol. 1 : Du Legs de la marquise du Deffand au Prince de Beauvau
Il aura fallu la somme de Benedetta Craveri et la lumineuse préface de Marc Fumaroli pour tirer de l’oubli la parole et l’œuvre de Madame du Deffand. Marie de Vichy-Champrond (1696-1780) a toujours souffert de l’ennui. Pilier de la fameuse cour de Sceaux autour de la sémillante duchesse du Maine, elle participa avec les écrivains et tragédiens Nicolas de Malezieu et Hilaire de Longepierre, avec Voltaire bien sûr puisqu’il fut également familier des Nuits de Sceaux, à ce passage de témoin entre le Grand Siècle et les Lumières. La fête commençait bien pour cette jolie femme qui fut également la maîtresse du Régent et l’un des beaux esprits des fameux soupers des roués qui finissaient dans des délices insoupçonnés. Mais en 1747, Madame du Deffand s’isola. Elle quitta le bruit des fêtes pour s’installer au couvent des Filles orphelines de Saint-Joseph au Faubourg Saint-Germain, rue Saint-Dominique. Elle reçut dès lors l’élite littéraire et mondaine, autour de son ami-amant le Président Hénault, de la duchesse de Choiseul - épouse du premier ministre de Louis XV, du Prince de Beauvau qui font partie du cercle des intimes. C’est d’ailleurs accompagnée du Prince de Beauvau que madame du Deffand, elle-même très âgée, rendra son ultime visite à Voltaire en 1778.
Voltaire s”exila de France à partir de 1750. Sa correspondance avec la marquise du Deffand s’est alors intensifiée. Elle offre parmi les plus belles pages de la littérature épistolière française, tant cette femme dispose auprès du philosophe d’une “fantastique autorité” ; elle tient ainsi “en haleine le seul écrivain contemporain qu’elle daigne prendre en considération” (Marc Furamoli). À l’optimisme de commande de Voltaire, madame du Deffand oppose un pessimisme tout janséniste, descendant directement des meilleures pages des Pensées, que l’on retrouve jusqu’à Cioran, qui l’admirait. À celle qui écrit à Montesquieu en 1753, “rien n’est heureux, depuis l’ange jusqu’à l’huître”, ou à madame de Choiseul en 1772, “je suis déplacée avec les gens heureux”, que pouvait opposer le philosophe des Délices ? Tout au long de sa correspondance, madame du Deffand a assurément transformé Voltaire en Candide.
Devenue aveugle à cinquante-six ans, lâchée par d’Alembert et Julie de Lespinasse qu’elle avait pourtant recueillie, madame du Deffand continue jusqu’au bout à tenir salon. La rencontre avec Horace Walpole en 1766, de vingt-deux ans son cadet et dont elle ne peut voir le visage, sera le dernier grand “amour” de sa vie (“Laissons à tout jamais les amours, amitiés et amourettes ; ne nous aimons pas… ”). Il offre cependant à l’histoire littéraire un pont visible entre, disons, d’un côté le jansénisme, et de l’autre, le roman noir anglais lancé en Europe par Walpole et son Castle of Otranto (1764).
C’est ce monde que l’on tient en main avec cet exemplaire de François-Augustin de Moncrif (1687-1770). Ce charmant écrivain, recherché des milieux les plus aristocratiques, est l’un des membres les plus assidus du salon de la marquise du Deffand. Il avait publié en 1727 une Histoire des Chats, cet animal de salon dont madame du Deffand avait fait son emblème. Rien d’étonnant alors que les œuvres collectives du littérateur fussent ornées de ce célèbre décor.
L’histoire des livres de madame du Deffand n’a pas été faite. Ils étaient sûrement peu nombreux. D’Alembert, dans une lettre, les évoque : “je ne sais pas comment sont les chats dans la classe desquels vous me faites l’honneur de me ranger” (21 octobre 1753). Il faudrait aller consulter l’inventaire de la maison de madame du Deffand, réalisé à la demande des héritiers tout de suite après sa mort (mentionné par B. Craveri, p. 107). Wilmarth Sheldon Lewis le cite dans son immense publication de la correspondance de Walpole (New Haven, 1939, vol. VI, pp. 5-47). On y trouverait sans doute la clé, sous forme de liste, de ce mystérieux don à un ami intime, le Prince Charles-Juste de Beauvau.
Les Goncourt possédaient deux ouvrages reliés aux fameux Chats de la marquise du Deffand et provenant du legs Beauvau : les Réflexions nouvelles sur les femmes écrites par la marquise de Lambert (Londres, 1730 ; Cat., 1897, n° 631, non cité par Quentin Bauchart) et les Conversations sur les mœurs de ce siècle par Duclos (Paris, 1751 ; Cat., 1897, n° 916, repassé en vente le 25 juin 1988 à Paris et cité par Quentin Bauchart). Quentin Bauchart ne cite que neuf ouvrages ayant appartenu à Madame du Deffand. Mais à sa liste on peut ajouter les Lettres de Madame de Sévigné (édition de 1726), passé en vente à Drouot le 21 février 1986. Pierre Bergé a également possédé un charmant exemplaire du Deffand-Beauvau (E. Montagu, Apologie de Shakespeare, 1777 ; Cat. IV, 2018, n° 892, €10.110).
Benedetta Craveri, Madame du Deffand et son monde, préf. de Marc Fumaroli, Paris, 2017 -- E. Quentin Bauchart, Les Femmes bibliophiles de France, II, pp. 436-436
WEBOGRAPHIE : l’exemplaire de la Bodleian Library est digitalisé et montre bien que l’édition illustrée est différente : http://solo.bodleian.ox.ac.uk/primo-explore/fulldisplay ?docid=oxfaleph012939282&context=L&vid=SOLO&lang=en_US&search_scope=LSCOP_ALL&adaptor=Local%20Search%20Engine&tab=local&query=any,contains,moncrif%20oeuvres%201751&offset=0 -- voir aussi le site de la Siefar (Société internationale pour l’étude des femmes et la notice fouillée de Mélinda Caron et Marianne Charrier-Vozel, accompagnée d’une importante bibliographie : http://siefar.org/dictionnaire/fr/Marie_de_Vichy-Chamrond