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Encyclopédie ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, par une Société de gens de lettres
EXCEPTIONNEL EXEMPLAIRE PROVENANT DE LA BIBLIOTHÈQUE DE CHARLES-MARIE DE LA CONDAMINE, CÉLÈBRE SAVANT ET VOYAGEUR QUI “OUVRIT L’AMÉRIQUE AU THÉÂTRE DE LA SCIENCE” (SITE DE LA BNF).
LA CONDAMINE FUT L’UN DES COLLABORATEURS DE L'ENCYCLOPÉDIE.
LA LECTURE DU CATALOGUE DE SA VENTE APRÈS DÉCÈS (1774) RÉVÈLE L’ESPRIT UNIVERSEL D’UN AVENTURIER QUI FUT LE PREMIER SCIENTIFIQUE À DESCENDRE L’AMAZONE, DU 11 MAI 1743 AU 26 FÉVRIER 1744 : L’ENCYCLOPÉDIE D’INDIANA JONES
ÉDITION ORIGINALE
35 volumes in-folio (395 x 250 mm)
ILLUSTRATION : frontispice (au début du premier volume de Supplément, comme il se doit) et 2810 planches dont 307 doubles et 13 triples, 7 tableaux dépliants ou sur double page
RELIURE DE L’ÉPOQUE. Veau moucheté, dos à nerfs d’un décor quasi uniforme, caissons ornés de petits fers formant un ornement quadrilobe central, fleurons d’angle, tranches rouges
PIÈCE JOINTE : au début du premier volume, inséré dans la reliure sans doute à l’instigation de La Condamine lui-même, le rare Arrêt de censure des deux premiers volumes : Arrêt du Conseil du Roy qui ordonne que les deux premiers volumes de l’ouvrage intitulé Encyclopédie (…) seront & demeureront supprimés, Paris, De l’Imprimerie royale, 1752, 2 pp.
PROVENANCE : Charles-Marie de La Condamine (1701-1774), ses livres furent vendus peu de temps après sa mort : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu Monsieur de La Condamine, Paris, Dubois, 1774. Son cachet humide est apposé sur les titres des sept premiers volumes de texte (dernière date : 1757) ainsi que sur cinq volumes de planches (notamment les volumes 1-3, 6 et 7 dont les dates vont de 1762 à 1769). L’Encyclopédie ne figure pas dans le catalogue de cette vente après décès de 1774. Sa femme, née Marie Louise Bouzier d’Estouilly, née en 1726, mourut après 1779, mais avant la publication des Tables (1780). Gageons qu’elle poursuivit la souscription entre la mort de son mari et sa propre mort, et qu’elle fit relier l’exemplaire sans apposer le cachet de son mari pour les volumes publiés après sa mort
L'Encyclopédie devait, à l'origine, être publiée en dix volumes. Elle atteindra trente-cinq volumes à son achèvement, et demandera plus de vingt-cinq ans de travail. La préface du premier volume - le très fameux Discours préliminaire - parut en 1751 et définit l'enjeu de cet immense projet éditorial :
"Le but d'une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été inutiles pour les siècles qui succèderont ; et que nos neveux devenant plus instruits, deviennent en même temps plus heureux et plus vertueux ; et que nous ne mourions pas sans avoir mérité du genre humain".
L’Encyclopédie est la plus grande réalisation du siècle des Lumières, et sa préface en constitue l'éloquent manifeste. D'Alembert s'occupa des mathématiques. Daubenton contribua à l'histoire naturelle, Bordeu, Tronchin, à la médecine, Rousseau à la musique, Dumarsais à la grammaire générale, Diderot à l'histoire de la philosophie. Parmi ces talents épars, on trouve aussi Voltaire, Turgot, Rousseau le chevalier de Jaucourt, d'Holbach, le baron de Quesnay, sans oublier les anonymes, artisans ou artistes : en tout plus de cent cinquante collaborateurs. Ainsi paraît sur presque trente ans le plus grand projet éditorial jamais réalisé, comprenant près de 72.000 articles, et 2800 illustrations à pleine page. Rappelons qu'un autre grand livre se voulant aussi une somme à son époque - et diffusé à grande échelle comme un moyen de connaissance - fut la Chronique de Nuremberg publiée en 1493, et illustrée de 1809 gravures sur bois. Ainsi, l'Encyclopédie, en plus d'être un remarquable travail de classification et de rigueur, s'avère être le plus grand livre jamais illustré.
"Mais, au-delà de ces traits novateurs, ce qui caractérise l'Encyclopédie est avant tout d'avoir été un recueil critique : critique des savoirs, dans leur élaboration, leur transmission et leur représentation, critique aussi du langage et des préjugés véhiculés par l'usage, des interdits de pensée, de l'autorité surtout, et du dogme. Et de cette œuvre, à laquelle sceptiques, huguenots, athées, voire pieux abbés ont collaboré, jaillit une véritable polyphonie. Tentative d'un siècle philosophe, légué à la lointaine postérité, l'ouvrage le plus surveillé et censuré de son temps atteste, au-delà des inévitables erreurs, prudences ou contradictions qu'on y peut rencontrer, de ce que furent les Lumières : l'appétit de savoir, la liberté de penser, le goût d'inventer et la nécessité de douter. Et il émane de ces austères colonnes une impatience allègre, aux antipodes tant de la dérision désabusée que des maussades unions du savoir et du sérieux". (Marie Leca-Tsiomis).
L’Encyclopédie rejoint ainsi l'idéal philosophique de Diderot : “répandre un savoir libre de tout préjugé et superstition pour engendrer liberté et bonheur". Cet ouvrage est un monument, d'une importance capitale dans l'histoire des idées. Diderot, à qui avait été confié la direction de l'Encyclopédie, consacra vingt années à cette entreprise pour laquelle il fit les corrections, les synthèses et rédigea plus de mille articles sur des sujets aussi divers que la philosophie, l'esthétique, la morale ou encore les arts mécaniques. Il fut secondé les premières années par D'Alembert qui abandonna l'édition en 1759 après la condamnation prononcée contre l'entreprise encyclopédique. Ce dernier ne s'occupa dès lors que de la partie mathématique. Parmi les collaborateurs de cette prestigieuse entreprise, nous pouvons relever Voltaire, Rousseau ou encore Montesquieu qui laissa à sa mort le magnifique article sur le Goût.
"Sous la direction de Diderot et d’Alembert, plus de deux cents collaborateurs connus ont collaboré à cette entreprise, l’une des plus ambitieuses qu’ait tentées l’édition française sous l’Ancien Régime. Médecins, écrivains, juristes, artisans, artistes, grands commis, officiers, amateurs d’art, prêtres ou pasteurs, ils avaient le projet commun de présenter à l’Europe cultivé de leur temps un tableau aussi clair que possible de l’ensemble des connaissances acquises depuis la Renaissance" (En français dans le texte).
L'édition comprend trente-cinq volumes parus sur une large période, de 1751 à 1780. Elle compte ainsi dix-sept volumes de texte publiés entre 1751 et 1765, onze volumes de planches parus entre 1762 et 1772, cinq volumes de suppléments (dont quatre volumes de texte, et un volume de planches) qui virent le jour entre 1776 et 1777, et deux volumes de table datant de 1780. L'ouvrage se distingue également par sa très riche illustration. Les onze volumes de planches comportent 2614 planches dont 279 doubles et 13 triples. Les cinq volumes de supplément totalisent 249 planches, dont 244 figurent dans le cinquième qui constitue la Suite du recueil de planches. On trouve enfin une planche dépliante dans le premier volume de table. On relève parmi les illustrateurs les noms de Louis-Jacques Goussier, Jacques-Raymond Lucotte, Pierre Soubeyran ou encore de François- Nicolas Martinet.
"A monument in the history of European thought ; the acme of the age of reason ; a prime motive force in undermining the ancien régime and in heralding the French Revolution ; a permanent source for all aspects of eighteenth-century civilization and a classic example of how not to arrange… Each volume as it appeared caused a sensation throughout Europe. The court, the church, the judiciary were outraged ; the number of subscribers, originally one thousand, rose to four thousand. In 1759, the seven volumes so far published were banned by the French Attorny General and condemned by the Pope " (PMM).
'The greatest encyclopedia of science, which had widespread effect in establishing uniformity of terminology, concept, and procedure in all fields of science and technology' (Grolier-Horblit).
Une importante provenance.
Cet exemplaire a appartenu à Charles Marie de La Condamine (1701-1774), explorateur, scientifique et astronome. Personnalité originale aux talents variés, La Condamine, membre de l’Académie française et de l’Académies des sciences, est au centre de l’effervescence intellectuelle de son temps. Il fréquente les philosophes, les scientifiques dont il est l’ami (Maupertuis, Buffon) et parfois le rival. Lors de sa collaboration à l’Encyclopédie, ses relations avec Diderot ne sont pas toujours cordiales et celui-ci en dresse un portrait peu flatteur, malgré l’estime en laquelle il le tient : "J’ai commencé la semaine par me quereller avec La Condamine. Je ne saurais m’accommoder de ces gens stricts. Ils ressemblent à ces écureuils du quai de la Ferraille qui font sans cesse tourner leur cage" (lettre de 1762). Quoi qu’il en soit, son apport à la géographie, à la botanique, à l’histoire naturelle est considérable, fruit d’une curiosité toujours en éveil. Il acquiert notamment une connaissance sans égale de l’Amérique du Sud (Pérou, Équateur, Chili, Amazonie, Guyane, Brésil) grâce aux expéditions auxquelles il prend part et qui constituent une période décisive de son existence.
En 1735, Pierre Bouguer (1698-1758) fait partie de l’expédition dirigée au Pérou par La Condamine. Celui-ci est chargé par l’Académie des sciences de mesurer un arc du méridien à l’équateur, afin de vérifier l’hypothèse de Newton selon laquelle la terre n’est pas parfaitement sphérique, mais renflée près de l’équateur et aplatie aux pôles. La mésentente croît rapidement entre les deux géodésistes, dont les travaux se déroulent dans des conditions difficiles, voire hostiles, au cœur de la Cordillère des Andes.
En 1743, Bouguer rentre à Paris où il expose comme définitifs ses propres calculs, sans attendre le retour de La Condamine, qui a entrepris la descente de l’Amazone. Par la suite, la polémique s’intensifie, chacun revendiquant les résultats obtenus, et ne s’éteint qu’avec la mort de Bouguer. Astronome, mathématicien, spécialiste de l’architecture navale et de la théorie de la navigation, il avait été l’un des premiers, en 1734, à utiliser les symboles ≥ (supérieur ou égal) et ≤ (inférieur ou égal). Son nom a été donné à deux cratères, sur la Lune et sur Mars.
La Condamine est le premier scientifique à effectuer une descente complète de l’Amazone – aussi nommée Marañon – en radeau depuis Jaén (Pérou) jusqu'à Pará (Belém). Parti de Cuenca le 11 mai 1743, il atteint Cayenne le 26 février 1744, après avoir parcouru près de 4 800 kilomètres. Il est à la recherche des mythiques Amazones censées habiter ces contrées. Perplexe face aux témoignages recueillis à ce sujet, il conclut sans se prononcer : “Si jamais il y a pu avoir des Amazones dans le monde, c'est en Amérique”, où la triste condition des femmes indiennes “a dû leur faire naître l'idée et leur fournir des occasions fréquentes de se dérober au joug de leurs tyrans”. Ce voyage lui permet de multiplier les observations dans les domaines les plus divers, et de lever une carte précise du cours du fleuve. Il décrit notamment le Pongo de Manseriche, “fameux détroit”, et enquête sur la communication possible de l’Amazone avec l’Orénoque.
Rien n’échappe à son inépuisable curiosité qui lui fait découvrir l’hévéa ou l’utilisation du curare. Il analyse les propriétés et les usages du caoutchouc naturel, qu’il baptise ainsi par homophonie avec les termes quechua désignant l’hévéa (Cao signifie « bois » et tchu « qui pleure »).
“La résine appelée Cahuchu dans les pays de la province de Quito, voisins de la mer, est aussi fort commune sur les bords du Maragnon, et sert aux mêmes usages. Quand elle est fraîche, on lui donne avec des moules la forme qu'on veut ; elle est impénétrable à la pluie ; mais ce qui la rend plus remarquable, c'est sa grande élasticité”.
Il étudie le quinquina, s’intéresse aux mœurs des Indiens, à leurs langues. Il est notamment frappé par le langage - aujourd’hui éteint - des Yameos “d’une difficulté inexprimable”, et leur prononciation d’où les voyelles sont presque absentes. Il dessine et identifie de nombreux animaux, tels le colibri qui porte désormais son nom - « bec-en-faucille de La Condamine » (Eutoxores Condamini) -, le condor des Andes, le lamantin d’eau douce, l’agami trompette, le tapir.
Présent pendant dix ans (1735-1745) en Amérique du Sud, La Condamine y collecte de précieuses informations sur différentes espèces de poissons, quadrupèdes, reptiles, oiseaux, qu’il observe dans leur environnement naturel. Un mico (ouistiti argenté) lui est offert par le gouverneur de Pará. Il était “l’unique de son espèce qu’on eût vu dans le pays ; le poil de son corps étoit argenté et de la couleur des plus beaux cheveux blonds, celui de sa queue était d’un marron lustré approchant du noir”. Il ne survit pas au voyage de retour en France, au terme duquel La Condamine confie à Buffon plus de deux cents objets d’histoire naturelle. Les deux savants sont membres de l’Académie des sciences et de l’Académie française, où La Condamine est élu en 1760. Le 12 janvier 1761, il est reçu par Buffon qui fait son éloge en se reconnaissant lui-même comme “un ancien ami, un confrère de trente ans, qui se félicite aujourd'hui de le devenir pour la seconde fois”.
La Condamine participa au grand projet de l’Encyclopédie (1751-1772), dans laquelle il signa quatre articles : Chirimoya (ou chérimolier), arbre originaire de la Cordillère des Andes, produisant un fruit au goût délicat (chérimole) ; Couronne, terme de tourneur ; Guyane et Guayaquil, aujourd’hui la plus grande ville d’Équateur. Son nom est par ailleurs mentionné en référence dans plus de quarante articles de Jaucourt, D’Alembert, Daubenton, qui témoignent de la diversité de ses centres d’intérêt, et des disciplines qu’il a contribué à enrichir par ses descriptions : histoire naturelle (ornithologie, zoologie, botanique), géographie, physique, chimie, minéralogie, mécanique, astronomie, géométrie, grammaire.
“Charles-Marie de La Condamine, chevalier des ordres royaux, militaires & hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel & de Saint-Lazare de Jérusalem, l’un des Quarante de l’Académie Françoise, pensionnaire de L’Académie Royale des Sciences, membre de la Société Royale de Londres, des Académies de Berlin, de Pétersbourg, Bologne, Cortone, Nancy &c. Il n’y a point eu de savant qui ait été aussi recommandable par l’universalité de ses connaissances, l’importance de ses travaux, l’activité de son esprit, & la bonté de son cœur… ” (introduction du catalogue de la vente de ses livres, 1774).
À son retour à Paris, La Condamine étudia notamment les moyens de vaccination contre la petite vérole, maladie qu’il avait attrapée lors de sa carrière militaire. Il fut l’auteur de plusieurs ouvrages sur ce sujet. Son exemplaire de l’Encyclopédie témoigne de ses recherches sur l’inoculation et l’article consacré à l’Inoculation porte ses notes marginales.
Très bon exemplaire de provenance importante, complet de toutes les planches (collationné selon l’index de chaque volume et conforme aux indications données par Adams).
D. Adams, Bibliographie des œuvres de Denis Diderot, Ferney Voltaire, 2000, II, pp. 283 ssq. -- PMM 200 -- En français dans le texte, 156 -- Grolier-Horblit 25 -- John Lough, Essays on the Encyclopédie, Londres, 1968 -- Schwab, Rex, et Lough, Inventory of Diderot's Encyclopédie, I (1971), VII (1984) [Studies on Voltaire and the Eighteenth Century 80, 223] -- Lumières ! Un héritage pour demain, exposition de la BnF, Paris, 2006, n° 77 -- Neil Safier, Measuring the New World : Enlightenment Science and South America, Chicago, 2008.
WEBOGRAPHIE : cf. aussi le bel article “Encyclopédie” du Dictionnaire Montesquieu : https://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/article/1376477768/fr -- et l’article de Ilda Mendes dos Santos : https://heritage.bnf.fr/france-bresil/fr/condamine-amazonie-article -- Haydn Mason, “L’article “Inoculation” de l’Encyclopédie et Voltaire”, https://shs.cairn.info/l-encyclopedie-diderot-l-esthetique---9782130441366-page-241 ?lang=fr