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BERGSON, Henri

La Pensée et le mouvant. Essais et conférences

Paris, Librairie Félix Alcan, 1934

DRAMATIQUE ENVOI DE HENRI BERGSON AU MARÉCHAL PÉTAIN.

UN MOMENT DE L'HISTOIRE DE LA FRANCE AU XXE SIÈCLE

ÉDITION ORIGINALE

In-8 (230 x 140mm). Le livre a fait l’objet de quelques marques de lecture et d’annotations (p. 37) qui sont, peut-être, de Philippe Pétain mais sans certitude car difficilement lisibles et identifiables
COLLATION : 322 pp., (1) f.
TIRAGE : exemplaire sur papier courant
ENVOI autographe signé :

à Monsieur le Maréchal Pétain,
en témoignage de patriotique reconnaissance et de
grande admiration
H. Bergson

RELIURE DE L’ÉPOQUE. Dos de chagrin vert à nerfs, plats de papier marbré vert, tranche de tête mouchetée, couverture conservée

Légères restaurations aux mors

Dès les années 1900, Bergson était devenu une figure incontournable de la philosophie française. Sa réputation considérable lui attira un succès sans commune mesure, tant dans les milieux de droite que de gauche. L’un des rédacteurs des discours du Maréchal Pétain, René Gillouin, fut l’un des correspondants et disciples de Henri Bergson.

Bergson avait choisi la nationalité française à l’âge de dix-huit ans. Le “patriotique" hommage inscrit en tête de cet exemplaire rappelle à quel point la nationalité française était précieuse à ceux qui ne l’avaient pas automatiquement obtenue de par leur naissance (à l’instar de Guillaume Apollinaire). Plusieurs décennies plus tard, en 1934, quand parut La Pensée et le mouvant, le Maréchal Pétain était encore principalement le héros de Verdun, donc une grande figure “patriotique”.

Vers la fin de sa vie, Bergson préféra renoncer à tous ses titres et autres marques d’honneur plutôt que d’accepter l’exemption des lois antisémites. En 1937, il renonça à sa conversion au catholicisme par solidarité avec le peuple juif de ses ancêtres. Il se fit recenser comme “israélite” bien qu’il en ait été dispensé, de par sa notoriété et les distances qu’il avait prises avec le judaïsme. Il porta l’étoile jaune. Il prit froid Chaussée de la Muette durant l’hiver 1941, en faisant la queue dans la file réservée aux siens, et en mourut ; soit : trois mois après la triste poignée de main entre Hitler et Pétain.

Le 17 juin 1942, un an après la mort de Bergson, la demande d'exemption du port de l'étoile jaune par Louise Bergson, née Neuburger et veuve du philosophe, fut examinée par les autorités françaises. Cette demande avait été appuyée par le Maréchal Pétain lui-même. L’ambassade d’Allemagne à Paris refusa. Malgré l’abjection antisémite dont Bergson et les siens furent victimes, l’administration de Vichy autorisa l’émigration de Louise Bergson et de sa fille vers la Suisse. Archives et manuscrits de Henri Bergson sont conservés à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.

À la cérémonie funéraire organisée à son domicile participèrent l’abominable Fernand de Brinon (1885-1947), ambassadeur de Vichy en zone occupée, condamné à mort pour fait de collaboration et exécuté en avril 1947, le philosophe Louis Lavelle (1883-1951), représentant le philosophe Jacques Chevalier (1882-1962), alors secrétaire d'État à l'Instruction publique et disciple de Bergson, et Paul Valéry, représentant l'Académie française.

BIBLIOGRAPHIE : 

F. Azouvi, La Gloire de Bergson, Paris, 2007, pp. 18, 184, 310 -- Ph. Soulez et F. Worms, Bergson, Paris 2007