Vendu
Rechercher / Vendre ce livre
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
LACAN, Jacques

Les Complexes familiaux dans la formation de l'individu

[Paris], Extrait du Tome VII de l’Encyclopédie Française sur la Vie Mentale, mars 1938

REMARQUABLE ENVOI DE JACQUES LACAN À GEORGES BATAILLE, SUR L’UN DE SES PREMIERS TEXTES.

“UN TEXTE PRÉCURSEUR” (JACQUES-ALAIN MILLER)

ÉDITION ORIGINALE

2 cahiers in-4 (295 x 247mm). Texte sur deux colonnes
16 pp. et 8 pp.

ENVOI autographe signé, à l’encre bleue, en tête du premier cahier :

À Georges Bataille.
En amitié.
J. Lacan
27 janv. 39

BROCHÉS. Chacun des cahiers tenu par une agrafe centrale, perforations pour la mise en classeur de l’Encyclopédie, couverture imprimée. Chemise, étui

Bords de la couverture jaunis

Jacques Lacan fréquente les milieux surréalistes dans les années 1920, en même temps qu’il poursuit ses travaux à l’hôpital Sainte-Anne. Il aurait fait la connaissance de Georges Bataille en 1929 dans le cercle décadent de la comtesse Isabel Dato que fréquente Drieu La Rochelle. En 1932, Lacan commence une psychanalyse et publie, à la fin de l’année, sa thèse sur l’histoire d’une femme atteinte d’une paranoïa d’auto-punition. Ce travail sur la folie féminine est accueilli avec enthousiasme par les surréalistes. L’année suivante, Lacan étudiera le cas de deux domestiques criminelles : Jean Genet s’en inspirera pour sa pièce Les Bonnes. Georges Bataille et Jacques Lacan suivent à partir de 1934 les séminaires du grand philosophe russe exilé en France, Alexandre Kojève, qui leur fait découvrir l'œuvre de Hegel dans un enseignement resté magistral. Dans l’assistance se trouvent également André Breton, Raymond Aron, Maurice Merleau-Ponty et Raymond Queneau. Georges Bataille fonde et anime, de novembre 1937 à juillet 1939, les cours du Collège de sociologie auxquels assiste régulièrement Lacan. En 1939, Lacan déménage au 3 rue de Lille et débute une liaison avec la belle actrice Sylvia Bataille, née Macklès, séparée de Georges Bataille depuis 1933.

Lacan écrit Les Complexes familiaux dans la formation de l'individu à la demande de Henri Wallon en 1938. Ce dernier a obtenu la chaire de psychologie et éducation de l’enfance au Collège de France l’année précédente. Il se trouve alors, en tant que fondateur de la psychologie scientifique française, en charge de rédiger le huitième tome de l’Encyclopédie française sur La vie mentale. C’est à cette rédaction gigantesque que le jeune et brillant psychiatre de trente-sept ans, dont le talent lui a été rapporté, a été invité à participer. Jacques Lacan rendit son texte à l’Encyclopédie avec un certain retard étant donné qu’il lui fut demandé de le reprendre en faisant un effort de rédaction. Les responsables de L’Encyclopédie avaient été étonnés par ce langage nouveau créé par Jacques Lacan dans l’expression de la pensée.

Jacques Lacan, marqué d'abord par l'enseignement d'Alexandre Kojève sur Hegel, puis par sa fréquentation de Georges Bataille au Collège de sociologie, entreprend de relire l'œuvre de Freud à la lumière de la philosophie allemande et d'y introduire une conception du sujet inspirée par la phénoménologie. Dans cette perspective, il interroge la notion de famille. Celle-ci, sous les apparences de la plus grande normalité, dit-il en substance, est le creuset naturel des violences psychiques et des turpitudes sociales.

“La famille paraît d’abord comme un groupe naturel d’individus unis par une double relation biologique ; la génération, qui donne les composants du groupe ; les conditions de milieu que postule le développement des jeunes et qui maintiennent le groupe pour autant que les adultes générateurs en assurent la fonction” (Introduction)

Où que l’on cherche dans l’espèce humaine, il n’y a pas de nature qui ne soit remaniée par la culture. La famille est une institution :

“Or, de quoi s’agit-il ? D’abord de relativiser la forme familiale existante. On a même là déjà un aperçu de ce que seront les recherches contemporaines sur l’histoire de la famille. Mais ce qui est appelé ici culturel est en définitive un ersatz du symbolique.” (Jacques-Alain Miller).

Surtout, ce texte d’avant-guerre prépare l’arrivée d’une idée nouvelle, qui n’est pas chez Freud, et que développera Jacques Lacan quelques années plus tard, celle d’un inconscient structuré comme un langage :

“On ne peut aujourd’hui lire ce texte que rétrospectivement. Aucune chance de le lire comme un chapitre d’encyclopédie, en se disant : vivement qu’on arrive à “L’école”. On ne peut plus le lire que d’une seule façon – c’est là justement que la signification a changé – : comme précurseur de l’enseignement de Lacan.” (ibid.)

EXPOSITION : 

cet exemplaire a été retenu pour figurer dans l’exposition Jacques Lacan qui sera présentée au Centre Pompidou-Metz, du 1er janvier 2024 au 27 mai 2024, et intitulée Lacan, l’exposition. Quand l’art rencontre la psychanalyse

BIBLIOGRAPHIE : 

Jacques-Alain Miller, “Lecture critique des “complexes familiaux” de Jacques Lacan”, in La Cause freudienne, vol. 60, n° 2, 2005, pp. 31-51 -- Frédéric de Rivoyre, “Henri Wallon et Jacques Lacan en conférence. Introduction au complexe du sevrage”, in Ceci est une illusion. Pour (ré)introduire le narcissisme, Toulouse, 2014, pp. 73-80 -- Élisabeth Roudinesco, “Bataille entre Freud et Lacan : une expérience cachée”, in Georges Bataille après tout, colloque (1993), Paris, 1995, p. 191 -- Élisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, 1997, p. 591 et suiv. (article “Lacan”)