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[LACAN, Jacques & Jean LAPLANCHE].

Les Séminaires de Jacques Lacan

22 April 2025

LES SEPT TRÈS PRÉCIEUX CARNETS DE NOTES PRISES PAR JEAN LAPLANCHE.

LIRE LA VOIX DE JACQUES LACAN, ÉCRITE PAR L’UN DES GRANDS DISCIPLES DE SON SÉMINAIRE.

“FAISONS ENTRER LE SIMPLE D’ESPRIT ET DEMANDONS LUI CE QUE VEUT DIRE LACAN” (23 DÉCEMBRE 1959).

LES TITRES ÉCRITS PAR LAPLANCHE SUR LES COUVERTURES ET LES PREMIÈRES PAGES DES “CARNETS”, COMME LES APPELLE LAPLANCHE, SONT BIEN CEUX CONSERVÉS POUR LA PUBLICATION DU SÉMINAIRE DE LACAN

Jacques Lacan, de 1953 à 1963, tient deux fois par mois un séminaire dans un petit amphithéâtre de l’hôpital Sainte-Anne, commentant de façon systématique tous les grands textes du corpus freudien. Une petite centaine de personnes assistent alors à cette première période du séminaire :

“Une nouvelle génération d’internes en psychiatrie vient goûter une saveur intellectuelle insolite : un zeste de radicale nouveauté, un brin d’hermétisme et de préciosité, mais surtout des kilos de freudisme dépoussiéré, arraché à la gangue des pauvres lieux communs et de culture éclectique toujours brillamment convoquée. Il y a là tous ceux, ou presque, qui compteront plus tard dans la psychanalyse française : Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Serge Leclaire, beaucoup d’autres” (Michel Kajman, “Lacan, dira-t-on… ”, in Le Monde, 1er mars 1991, p. 31).

Jean Laplanche écrit, le 9 juin 1991, à Danièle Arnoux, membre de l’Association lacanienne de Paris : “Je possède les carnets des séminaires 55-6 ; 6-7 ; 7-8 ; 8-9 ; 59-60 ; 60-1 ; 61-2” et précise “je n’ai pas voulu me défaire de ces carnets”. Cette lettre est essentielle (nous la retranscrivons en entier, plus loin dans la notice) puisque Laplanche donne les dates des “carnets” des séminaires qu’il possède, certifiant ainsi que l’ensemble est bien complet en tant que tel.

Si Jean Laplanche ne mentionne pas les trois années précédentes - soit, celles à partir de 1953, année du premier séminaire -, c’est qu’il n’en a pas de carnet, et que sa prise de notes d’alors, si elle a existé, usait d’un support différent.

Jacques Lacan et Jean Laplanche

Jean Laplanche commence en 1947 une cure psychanalytique avec Jacques Lacan et entame des études de médecine après celles de philosophie. En 1953, Jacques Lacan et Françoise Dolto quittent la Société psychanalytique de Paris (SPP) après des désaccords avec Marie Bonaparte. Ils rejoignent la Société française de Psychanalyse (SFP) qu’a fondée Daniel Lagache, entraînant à leur suite toute une nouvelle génération d’étudiants et futurs psychanalystes dont font partie Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis :

“pendant dix ans, l’enseignement de Lacan permet à la communauté freudienne française de connaître un essor considérable : “nos plus belles années”, diront les anciens combattants de ce groupe en crise et de ce mouvement en quête de reconnaissance” (E. Roudinesco).

À l’hiver 1963, la SFP connaît une deuxième scission (“excommunication” selon Lacan), suite au refus de l’Association internationale de psychanalyse (IPA) d’autoriser Jacques Lacan et Françoise Dolto à former des didacticiens (on reproche notamment à Lacan la durée courte de ses séances). En 1964, la SFP est donc dissoute :

“Lacan fonde l’École freudienne de Paris (EFP) tandis que la majorité de ses meilleurs élèves se retrouvent aux côtés de Lagache dans l’Association psychanalytique de France (APF) reconnue par l’IPA. Contraint de déplacer son séminaire, Lacan est accueilli, grâce à l’intervention de Louis Althusser, dans une salle de l’École normale supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, où il peut poursuivre son enseignement” (E. Roudinesco).

Jean Laplanche, qui enseigne à la Sorbonne, rompt avec Lacan, ce qui explique que le dernier cahier manuscrit du séminaire date de 1962 :

“J’ai assisté à son séminaire pendant huit ans, sans jamais être un lacanien fanatique. J’ai toujours été critique, mais c’est longtemps passé inaperçu… Cela dit, il a été un formidable moteur des études freudiennes en France” (Entretiens, p. 221).

Jean Laplanche résume dans un autre entretien sa relation avec Jacques Lacan :

“J’ai participé au mouvement lacanien, dont le séminaire n’était qu’une partie. J’ai été patient de Lacan et j’ai participé à la première société qui a rompu avec la Société psychanalytique de Paris, avec Lacan, Lagache, Dolto…

La rupture peut se situer sur le plan intellectuel et sur le plan institutionnel. Sur le plan intellectuel, elle remonte au colloque de Bonneval [automne 1960], où j’étais encore proche de Lacan, mais où je commençais à marquer mes différences par rapport à son structuralisme, notamment à propos de l’idée que l’inconscient est structuré comme langage.

La rupture institutionnelle a été triste ; d’une certaine manière, Lacan n’a rien fait pour l’empêcher. J’ai toujours gardé de bonnes relations avec lui, et j’ai eu le plaisir de savoir que lorsque quelqu’un de l’étranger venait le voir et lui demandait : “que dois-je lire ?”, Lacan répondait : “Lisez Laplanche”. J’ai gardé un grand respect et un grand intérêt pour son œuvre, mais je pense qu’il faut également la faire travailler. Ils sont nombreux, les lacaniens qui la répètent plutôt qu’ils ne la font travailler” (Entretiens, p. 236).

La publication du séminaire

Le fonds Jean Laplanche, conservé à la Bibliothèque nationale de France (cote Réserve NAF 28960), comprend trois boîtes d’archives : deux d’entre elles concernent le Vocabulaire de la psychanalyse et ses différentes éditions. La troisième porte le titre “Autour de Lacan”. Elle contient notamment une chemise intitulée “Publication séminaires Jacques Lacan” qui rassemble des lettres manuscrites, des photocopies de lettres et des articles concernant la publication posthume du séminaire de Jacques Lacan. On découvre à la lecture des courriers échangés entre Jean Laplanche et une Association de lacaniens que les prises de notes de Jean Laplanche, consignées par lui dans des cahiers, jouèrent un rôle essentiel dans l’établissement par écrit du séminaire de Jacques Lacan.

Dans le courant de l’année 1990, plusieurs associations psychanalytiques s’inquiètent de l’absence prolongée de publications du Séminaire. Elles constatent que depuis bientôt dix ans, un seul volume du Séminaire a été publié, alors que cinq le furent avant la mort de Lacan. En outre, pendant la même période, une excellente transcription du séminaire sur le Transfert fut réalisée par l’association Stécriture, en 1985 mais interdite par voie de justice à la demande de l’exécuteur testamentaire.

La polémique de la transcription du séminaire de Jacques Lacan éclate pleinement en mars 1991 quand paraissent simultanément deux séminaires de Jacques Lacan aux éditions du Seuil : Le Transfert. Séminaire 1960-1961 et L’Envers de la psychanalyse. Séminaire 1969-1970. Ces éditions du Seuil ont été réalisées à partir d’enregistrements, et dirigées par les héritiers du droit moral de l’œuvre de Jacques Lacan. Deux clans s’affrontent dès lors directement. Les opposants à ces éditions “officielles” critiquent des retranscriptions jugées fautives et incomplètes. Une lettre de protestation signée par plus de six cent cinquante noms attachés à la psychanalyse est adressée à Jack Lang, ministre de la Culture alors en place. Les signataires rappellent que la difficulté de la transcription du Séminaire de Lacan tient à son oralité. Des articles parurent dans le même temps dans des journaux dont Libération et Le Monde.

Les cahiers de Jean Laplanche constituent la captation sur le vif des séminaires de Lacan, faite par l’un des auditeurs les plus intelligents qui y assista, lequel fut confronté, le premier (quarante ans avant la polémique de 1991), au problème de devoir écrire l’oralité. Ces cahiers de Laplanche offrent une autre voix (ou contre-voix) à la dactylographie officielle publiée, et deviennent ainsi condition de “vérité” (pour reprendre un terme de Laplanche lui-même) du séminaire de Lacan. C’est pourquoi Jean Laplanche tenait tant à ces cahiers - refusant de les prêter mais non pas d’en faire des photocopies - qu’il considérait comme la seule source fiable de l’enseignement de Lacan. L’étude de la correspondance conservée à la Bibliothèque nationale de France offre de suivre l’importance de ces cahiers de Jean Laplanche.

Le 29 mai 1991, Danièle Arnoux, membre de l’Association lacanienne de Paris, adresse une lettre de quatre pages à Jean Laplanche :

“Cher Monsieur,

Elisabeth Roudinesco m’a confié qu’elle a reçu de votre part une lettre qui faisait état d’erreurs diverses que vous aviez trouvées dans la parution au Seuil du séminaire sur le Transfert de Jacques Lacan.
Vous aviez été, me dit-elle, un auditeur assidu de ce séminaire et en avez conservé des notes.
Je tiens en grande estime les notes d’auditeurs. Ce sont en effet les seuls documents grâce auxquels

- Les indications du tableau (formules, exergue), les schémas notamment peuvent être établis,
- Les erreurs et termes fautifs attribués (à Lacan ou à la sténotypiste)
- Les points problématiques mis en évidence,
- Les lacunes comblées,
- Les références précisées,
- Les variantes proposées, etc.

Encore faut-il, pour s’y intéresser s’en tenir à une méthode critique. J’en ai fait la tentative, voici quelques années ayant participé à la réalisation de la transcription dite “stécriture” de ce séminaire – condamnée pour contrefaçon et strictement retirées de la circulation en 1985.
Du fait de ce travail, j’ai rapidement mesuré la gravité du problème que pose la publication du Seuil [… ]
Nous organisons le prochain colloque de l’école lacanienne de psychanalyse sur la transcription critique du séminaire de Lacan [… ] Si vous voulez bien joindre aux nôtres vos remarques et les corrections que vous proposez, nous en tiendrons le plus grand compte dans la publication à venir”.

Le 9 juin 1991, Jean Laplanche répond à Danièle Arnoux :

“Chère Madame,

J’ai essayé de me remettre à cette comparaison [entre volumes publiés du Séminaire et cahiers], mais le travail serait trop minutieux, et je n’en ai pas le loisir. J’ai donc préféré vous faire une photocopie. Celle-ci est sombre parce que j’écrivais à l’encre claire, et j’ai dû forcer. Néanmoins, c’est lisible. Si vous avez des problèmes de lecture, je suis à votre disposition mais je n’ai pas voulu me défaire de ces carnets.
Certaines pages sont d’une autre écriture car, étant absent, j’avais confié le carnet à Pontalis.
Les fautes sont innombrables, encore plus nombreuses que celles relevées par vous. Sur la feuille ci-joint, je note les plus ridicules, mais il y en a souvent plusieurs par page. Je vous félicite de faire ce travail et salue chaleureusement ceux qui s’y intéressent.
Transmettez, je vous prie, ce salut aux participants de votre colloque (absent de France, je ne pourrai y intervenir).
L’œuvre de Lacan est très inspirante et son séminaire sur le transfert est inspiré. Je souhaite qu’elle soit restituée à sa vérité [… ]

Je possède les carnets des séminaires 55-6 ; 6-7 ; 7-8 ; 8-9 ; 59-60 ; 60-1 ; 61-2”.

Les photocopies qu’a envoyées Jean Laplanche à Danièle Arnoux sont celles du carnet 1960-1961 avec le titre sur la couverture : Transfer. La toute fin de la lettre précise quels sont ces carnets que possède Jean Laplanche, et dont il ne veut pas « se défaire », certainement parce qu’il connaît leur valeur, en regard d’un séminaire qui n’a d’existence que par la prise de notes qu’on en a faite. Aussi, ce nombre de sept carnets, dont il donne les dates, sonne comme un aveu de l’auteur certifiant que l’ensemble est bien complet en tant que tel.

Le 20 juillet 1991, Danièle Arnoux remercie Jean Laplanche pour l’envoi de ses photocopies :

“J’essaie de montrer comment les fautes types dont est pourrie l’édition du Seuil auraient pu être évitées avec la mise en œuvre d’une méthode critique. D’autres analystes semblent prêts à s’y mettre. L’interdiction de publier n’empêche pas le travail.

Par la transcription critique des séminaires, les notes d’auditeurs permettent d’établir les conjectures les plus fiables. Pour que cette possibilité existe, il faut que les bibliothèques de psychanalyse répertorient comme telles les versions de notes, qu’elles leur donnent l’autorité de versions « autorisées », pouvant être citées pour étayer le choix de telle ou telle variante.

Jusqu’à présent, ces documents sont rares, à usage privé.

Le carnet complet [1960-1961] dont vous m’avez envoyé la photocopie m’enthousiasme. Votre écriture est très lisible. Je vous demande l’autorisation d’en déposer une copie à la bibliothèque de l’école lacanienne. Je l’ai déjà consulté à plusieurs reprises pour confirmer ou discuter des choix qui avaient été faits par “stécriture”. Le dossier d’errata qui a été entrepris est déjà bien avancé. Il sera publié avec les textes du colloque [… ] Pour ce qui concerne les six autres années de séminaire pour lesquelles vous me dîtes avoir des carnets – vous semble-t-il possible que copie en soit faite et dépôt à la bibliothèque de l’elp ?”

Le 22 octobre 1991, Jean Laplanche répond à Danièle Arnoux :

« J’ai été parmi les premiers à protester contre cette édition et à en signaler des erreurs monstrueuses. Quoi qu’il en soit, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous déposiez la copie que je vous ai faite à la Bibliothèque de votre Association. Si une copie peut être faite de mes autres carnets, et déposée dans différentes bibliothèques, je n’y vois aucun inconvénient mais je ne puis m’en occuper moi-même ».

WEBOGRAPHIE : 

séminaires : https://ecole-lacanienne.net/bibliolacan/stenotypies-version-j-l-et-non-j-l/

BIBLIOGRAPHIE : Élisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, 1997 -- Jean Laplanche, Se faufiler entre les astres… Entretiens 1980-1994, Paris, 2024