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DIDEROT, Denis

Pensées philosophiques

La Haye, Aux dépens de la Compagnie, 1746

EXEMPLAIRE DE FRANÇOIS-LOUIS JAMET.

TRÈS RARE EXEMPLAIRE ANNOTÉ DES PENSÉS PHILOSOPHIQUES

ÉDITION ORIGINALE. État intermédiaire entre le premier et le second état

In-12 (147 x 83mm)
Fleuron à la tête répété quatre fois imprimée sur la page de titre, bandeau à la tête gravé sur bois.
ÉTAT : état intermédiaire, mêlant les remarques de premier état (avant l’adjonction d’un frontispice, Adam PD1) et de second état (avec les corrections dans le texte, signalées par Adams PD2 : les deux cartons aux pp. 3 et 92 et l’ajout de douze pages de table). L’état suivant (Adams PD3) n’est en fait pas un “état” mais une véritable deuxième édition, à l’imposition différente
COLLATION : p2 A-M8.4 N2, A1v-L8v paginés 2-136, suivi des 6 ff. de Table des matières

ANNOTATIONS AUTOGRAPHES MARGINALES DE FRANÇOIS-LOUIS JAMET, à l’encre brune :

- p. 13 : “Bayle, article Spinoza et Ruggery prouvre bien le contraire. M. l’abbé d’Olivet est du sentiment de Bayle. V[oir] sa traduction de la nature des dieux, p. 114”
- p. 61 : “Voltaire ; Lett[res] philos[ophiques]”
- p. 85 : “mourut en 604”
- f. M6v (table) : “11 xbre 1746” [suivi de :] “attribué à M. Moredid, de Langres, âgé de 26 à 27 ans (1er juin 1747)”
- des marques de lectures (astérisques) sont également portées dans les marges des pages 19, 45, 49, 55, 62, 64, 65, 90, 94, 113, 122, 123 et le feuillet de table M1v

PIÈCE JOINTE INSÉRÉE DANS SON EXEMPLAIRE PAR FRANÇOIS-LOUIS JAMET : placard dépliant de condamnation du livre formé de deux feuillets in-4 montés sur onglet (250 x 162mm) : Arrest de la Cour de Parlement qui condamne deux Livres intitulez : l’un Histoire naturelle de l’Ame [La Mettrie]  ; l’autre Pensées Philosophiques à être lacerez & brûlez par l’Exécuteur de Haute-Justice, comme scandaleux, contraires à la Religion & aux bonnes mœurs. Du 7 juillet 1746, Paris, Pierre-Guillaume Simon, 1746. Au bas de la dernière page, François-Louis Jamet a porté la date à laquelle il a reçu l’arrêt : “9 juillet 1746”
RELIURE DE L’ÉPOQUE. Basane racinée, dos long orné et doré, tranches rouges
PROVENANCE : François-Louis Jamet (signature sur la page titre caviardée mais encore lisible) -- L. G. La Rue (ex-libris)

Traces d'usure

C’est à travers les nombreuses annotations inscrites en marge de ses exemplaires que l’on connaît le mieux François-Louis Jamet (1710-1778) dont la vie, après son retour à Paris en 1740 jusqu’à sa mort, est peu documentée. On sait que Jamet, libre penseur autant porté vers l’athéisme qu’ami d’hommes d’église, lisait et fréquentait les plus grands auteurs de son siècle. En marge de cet exemplaire on lit par exemple l’inscription de sa main “Voltaire” en vis-à-vis de la phrase imprimée “un des premiers génies de notre siècle”. Charles Nodier, qui redécouvrit Jamet, le qualifiait abusivement de voltairien enragé alors que Jamet, grand lecteur de Montaigne, était un homme beaucoup plus nuancé.

Les relations de Denis Diderot et de François-Louis Jamet ont été nourries par une correspondance dont seule une lettre nous est aujourd’hui connue, datée du 2 mai 1773. Jamet s’y présente à Diderot comme “son ancien voisin et son zélé admirateur”. Il informe Diderot de quelques corrections qu’il pourrait faire à l’un de ses articles, en lui conseillant la lecture d’un volume de référence : “Il se trouve au bas des pages de ce volume en note, quelques corrections à faire dans l’Encyclopédie, qui pourront faire plaisir à Monsieur Diderot”.

Cet exemplaire annoté des Pensées philosophiques de Diderot apporte un nouveau témoignage de l’intérêt que portait Jamet au philosophe. La date du “1er juin 1747” inscrite à la fin de l’exemplaire indique certainement celle de la lecture de l’ouvrage par Jamet. Elle est donc strictement contemporaine de sa parution, et indique bien que Jamet fut pendant trente ans un lecteur de Diderot.

Les traces de lecture inscrites sur cet exemplaire constituent la meilleure provenance souhaitable : celle d’une reconnaissance de l’esprit par l’esprit, ou de la compréhension d’un des auteurs majeurs du siècle des Lumières par l’un de ses contemporains parmi les plus érudits de son temps. L’arrêt condamnant l’ouvrage a été inséré dans son exemplaire par François-Louis Jamet lui-même, comme l’indique la datation qu’il y a inscrite de sa main. L’insertion de cet arrêt par Jamet dans son exemplaire participe également de cette communion d’esprit entre un lecteur et le livre qu’il a en main : le libre penseur s’approprie, par un geste qu’il signe de sa plume, les propos (jusqu’à leur condamnation) du livre qu’il lit.

BIBLIOGRAPHIE : 

D. Adams, Bibliographie des œuvres de Denis Diderot 1739-1800, t. II, Ferney-Voltaire, 2000, p. 272, PD1 et PD2 -- A. Tchemerzine, Bibliographie des éditions originales et rares d'auteurs français, II, p. 919, a) -- Claude Lebédel, Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, n° 4, juin 1988, p. 148 et suiv. -- “François-Louis Jamet dit Jamet le jeune : un érudit à la fois célèbre et méconnu”, in Mélanges de la Bibliothèque de la Sorbonne, n° 13, 1995, p. 15 et suiv.

WEBOGRAPHIE : 

article de Lebédel et Moureau : https://www.persee.fr/doc/rde_0769-0886_1988_num_4_1_955