


Rechercher / Vendre ce livre
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
Pensées sur la religion et sur quelques autres sujets
BEL EXEMPLAIRE DE LECTURE
ÉDITION ORIGINALE à la date du 2 janvier 1670
In-12 (147 x 81mm)
Marque typographique de Guillaume Desprez imprimée sur la page de titre, initiales et culs-de-lampe gravés, bandeaux gravés dont l'un représente la chapelle du collège parisien des Quatre-Nations en construction (aujourd’hui coupole de l’Institut) avec une devise latine (Pendent opera interrupta ; “les travaux interrompus sont en suspens”) tirée de l’Énéide et évoquant la difficulté éditoriale propre aux Pensées
ÉTAT : tous les cartons dénombrés par Jules Le Petit, entre l’édition de 1669 (connue à deux exemplaires : BnF et Troyes) et cette édition de 1670 en 365 pages, sont présents. Avec toutes les remarques citées par Tchemerzine qui distinguent cette édition des contrefaçons ultérieures
COLLATION : a12 e12 i8 o8 u1 A-P12 Q4 R8 S1, le texte des Pensées comprend 365 pages
RELIURE À L’IMITATION des reliures du XVIIe siècle. Maroquin brun, décor doré d’un filet en encadrement, dos à nerfs, tranches dorées
"Pascal set the inability of reason to deal with the ultimate metaphysical problems, and evolved his own theory of intuition". Printing and the Mind of Man, n° 286.
Les Pensées sont l’une des œuvres immortelles du paysage littéraire et philosophique occidental. Elles se présentent comme les fragments d’une apologie de la religion chrétienne entreprise par Pascal dans le dessein de convaincre les incroyants et qu’il n’eut pas la force ou le temps de terminer. Ces seuls lambeaux de phrases éparses ont suscité, depuis leur publication dans cette grande édition de Port-Royal jusqu’aux innombrables exégèses modernes et contemporaines, l’admiration et le respect universels. Car Pascal n’est pas que chrétien. Marquant l’aporie de la raison et des sciences, il touche au mystère de l’homme. La vigueur philosophique du texte, servie par un style remarquable corrigé par Port-Royal, a fasciné nombre d’autres penseurs : Condorcet, Voltaire, Nietzsche, Dostoïevski ou Lacan.
Édition et/ou disparition
Le 3 septembre 1662, Pierre Nicole (1625-1695), l’une des principales figures du jansénisme, écrivait vingt jours après la mort de Blaise Pascal, le 19 août 1662 : “il sera peu connu dans la postérité, ce qui nous reste d’ouvrages de lui n’étant pas capables de faire connaître la vaste étendue de cet esprit” (cf. Jean Mesnard, Œuvres de Pascal, Desclée de Brouwer, IV p. 1541). Le public ne connaissait alors de Pascal que ses écrits scientifiques. Sa participation aux Provinciales était encore ignorée. Rien n’était donc gagné par avance : les Pensées auraient pu ne jamais voir le jour. Et si tel avait été le cas, la littérature, le monde et la pensée elle-même auraient été différents.
L'édition de 1669-1670 a été établie par les jansénistes de Port-Royal. Ils réunirent les feuillets épars laissés à sa mort par le penseur. Florin Périer (1605-1672) parle dans sa préface à l’ouvrage posthume de son beau-frère Blaise Pascal, le Traité de l’équilibre des liqueurs (1663), “d’un amas de pensées détachées pour un grand ouvrage qu’il méditait”. Plus précisément, se constitua après la mort de Pascal, vers 1668, ce que Sainte-Beuve a appelé le “petit comité” qui fut chargé, et se chargea, d’ordonner cet “amas” et de publier les Pensées. Ce comité était formé, entre autres, de grands aristocrates de cour - le comte Henri-Louis de Loménie de Brienne (1635-1698), le duc de Roannez (1627-1696), si proche de Pascal depuis longtemps, le comte Henri de Troisville (1641-1708 ; modèle d’Arsène dans La Bruyère) -, d’Étienne Périer (1642-1690), cheville ouvrière du projet et neveu direct de Pascal par le mariage de sa sœur Gilberte (1620-1687) avec Florin Périer - par testament, elle avait hérité de tous les papiers -, sans oublier les deux Pascalins d’origine poitevine, amis de longue date du duc de Roannez, Nicolas Filleau de La Chaise (1631-1688) et Philippe Goibaut du Bois (1629-1694). Les travaux furent, pour finir, placés sous le contrôle des grandes cautions intellectuelles du mouvement janséniste : Antoine Arnauld (1612-1694) et Pierre Nicole. L’ouvrage présente l’importante préface d'Étienne Périer, neveu de Pascal et origine de cette publication. La difficulté extrême rencontrée par ce comité transparaît en plusieurs lieux dans le “on” de cette préface :
“l’on eut un très grand soin après sa mort de recueillir tous les écrits qu’il avait faits (…) on les trouva tous ensemble enfilés en diverses liasses, mais sans aucun ordre (…) tout cela était si imparfait & si mal écrit qu’on a eu toutes les peines du monde à le déchiffrer (…) enfin on fut obligé de céder à l’impatience & au grand désir que tout le monde témoignait de les voir imprimer (…) et ainsi l’on se résolut de les donner au public” (Préface).
Cette édition originale achevée d’imprimer le 2 janvier 1670 constitue la première édition complète des Pensées. Elle fut suivie la même année de nouvelles éditions et d'au moins trois contrefaçons. Mais il existe une édition dite "préoriginale", une préédition, dont seuls deux exemplaires sont aujourd’hui connus (Médiathèque de Troyes et BnF). Cette préédition a sans doute été achevée d’imprimer en juin ou juillet 1669 par Guillaume Desprez, imprimeur fidèle de Port-Royal qui avait déjà été embastillé par deux fois. Les exemplaires portent la date de 1669. Ils sont incomplets des approbations, du privilège, des errata, de la table des titres et de celle des matières. Cette sorte de banc d’essai, constitué pour les nombreux approbateurs auxquels l’œuvre fut soumise, propose par endroits une version différente du texte. Les approbations furent données entre le 9 août et le 24 novembre 1669 : près de vingt pages subirent des modifications, appelées cartons, que l’on retrouve dans l’édition du 2 janvier 1670. Le bibliographe Jules Le Petit en a donné la liste. C’est dire que cette édition renouvelée fut imprimée, toujours par Desprez, dans le temps très bref d’un peu moins d’un mois. Le 22 décembre 1669, Desprez écrit à Messat, aumônier de l’archevêque, que toute l’édition est chez le relieur (cf. Lafuma, op. cit. infra., p. 244). Cette rapidité d’exécution explique sans aucun doute les “décalques” que Louis Lafuma avait déjà repérés dans l’édition du 2 janvier “en feuilletant à la Bibliothèque nationale” l’exemplaire de Pierre-Daniel Huet : “c’était l’indication que la préparation de l’édition avait été quelque peu précipitée, vraisemblablement pour satisfaire une demande impatiente et nombreuse” (op. cit. infra). On remarque l’un de ces décalques sur le feuillet d’errata du présent exemplaire.
Il n’est pas nécessaire ici de détailler la génétique textuelle infiniment complexe de l’édition originale. Louis Lafuma et Jean Mesnard montrèrent l’un à la suite de l’autre comment une copie originale perdue (C) fut faite à partir des liasses de papiers autographes aujourd’hui conservés à la BnF. De cette copie archétypale descendent alors deux copies également conservées à la BnF : C1 (fonds français 9203) et C2 (fonds français 12449). Le travail de constitution du texte de l’édition de 1669-1670 s’effectua donc selon une double logique : “les amis de Pascal ont publié les fragments retrouvés avec deux types d’intervention : d’une part, par un choix, qui est revenu à éliminer un certain nombre de textes, d’autre part en complétant, réécrivant, développant les pensées retenues. Ce choix a toutes les apparences d’un tri” (J.-R. Armogathe et D. Blot, op.cit. infra). C’est donc à bon droit que l’édition originale de Pascal est dite de Port-Royal. Les amis du penseur créèrent un ordre et un style qui mirent en valeur le texte fragmentaire et “baroque” de Pascal. Ils lui donnèrent une logique formelle qui dura jusqu’aux éditions de Condorcet (1776) et de l’abbé Bossut (1779), qui remania l’ordre. Arnauld et Nicole avaient en 1662 publié leur Logique de Port-Royal. Aussi bien, le groupe janséniste s’efforça d’appliquer aux “Pensées” les préceptes qu’ils souhaitaient pour une langue renouvelée, d’où de nombreuses reprises de style.
“Le travail soigneux et attentif accompli par les réviseurs (qui montre l’importance qu’ils attachaient à la publication de ces textes), avec des remaniements et additions, que l’on ne peut pas tenir pour des mutilations ou des ajouts factices, ont surtout permis au texte de Pascal de connaître le succès auprès des lecteurs.” (J.-R. Armogathe, op. cit.)
J.-C. Brunet, Manuel du libraire, IV 398 -- Printing and the Mind of Man, 286 -- Pascal,le cœur et la raison, sous la dir. de J.-M. Chatelain, Paris, BnF, 2017 -- A. Tchemerzine, Bibliographie des éditions originales et rares d'auteurs français, V, p. 70 -- J. Le Petit, Bibliographie des Éditions orignales d’écrivains français du XVe au XVIIIe siècle, pp. 208-213 -- A. Maire, Bibliographie générale des œuvres de Blaise Pascal, IV, n° 3, pp. 101-103 -- V. de Diesbach, Six siècles de littérature française, XVIIe siècle, II, n° 224 -- J.-R. Armogathe et D. Blot, Blaise Pascal, Pensées sur la religion et sur quelques divers sujets. Étude et édition comparative de l’édition originale avec les copies et les versions modernes, Paris, 2011 -- A. MacKenna, Dictionnaire de Port-Royal, Paris, 2004 -- L. Lafuma, “À propos des premières éditions des Pensées de Pascal”, Le Bouquiniste français, n° 33, 1961, pp. 243-246
WEBOGRAPHIE : remarquable édition électronique des Pensées par l’Université de Clermont-Ferrand : http://www.penseesdepascal.fr/index.phpczxc