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MALEBRANCHE, Nicolas

Traité de la Nature et de la Grâce par l’auteur De la Recherche de la Vérité. Dernière édition, augmentée de plusieurs Éclaircissemens qui n’ont point encore paru

Rotterdam, Reinier Leers, 1684

PRÉCIEUX EXEMPLAIRE DE MALEBRANCHE AVEC DE TRÈS IMPORTANTES ADDITIONS AUTOGRAPHES INTÉGRALEMENT REPRISES DANS LES ÉDITIONS ULTÉRIEURES.

L’UN DES TROIS SEULS EXEMPLAIRES D’AUTEUR AUJOURD’HUI CONNUS PARMI LES ŒUVRES DES TROIS GRANDS PHILOSOPHES FRANÇAIS DU XVIIE SIÈCLE : DESCARTES, PASCAL ET MALEBRANCHE.

ANCIENNES COLLECTIONS DE GABRIEL HANOTAUX ET DU PROFESSEUR JACQUES MILLOT

[suivi de] : MALEBRANCHE, Nicolas. Défense de l’auteur de la Recherche de la vérité contre l’accusation de Mr de La Ville…., Rotterdam, Reinier Leers, 1684

Quatrième édition corrigée et augmentée du Traité de la nature et de la grâce, l’édition originale datant de 1680 ; ÉDITION ORIGINALE de la Défense de l’auteur de la Recherche de la vérité

2 ouvrages de Malebranche en un volume in-12 (153 x 92mm)
COLLATION : (1) : *8 A-O12 P2, A1r-O12v paginés 1-336 ; (2) : A-B12, A2r-B11v paginés 3-46, dernier feuillet blanc
CONTENU : (1) : *1r : titre, *2r : Le Libraire au lecteur, *4v : Avertissement, *6r : Extrait d’une lettre…, A1r : texte, p1r : table ; (2) : A1r : titre, A2r : texte
RELIURE HOLLANDAISE DE L’ÉPOQUE. Vélin ivoire à plats rigides. Étui
PROVENANCE : Nicolas Malebranche (1638-1715), son exemplaire, avec sa signature ex-libris autographe au contreplat du volume : Malebranche prêtre de l’oratoire -- Gabriel Hanotaux (Paris, 14 décembre 1927, n° 415, 9.200 FF, note à l’encre bleue : “précieux exemplaire chargé de notes autographes en vue d’une nouvelle édition”) -- Professeur Jacques Millot (ex-libris ; Paris, 17 et 18 décembre 1975)

ANNOTATIONS AUTOGRAPHES DE MALEBRANCHE, APPOSÉES PAR LE PHILOSOPHE APRÈS LA RELIURE DE L’OUVRAGE ET NON COUPÉES. Toutes sont loin d’être mentionnées ici. Elles sont portées à l’encre brune. On remarque de nombreuses notes en latin, de multiples marques de lecture et soulignements à l’encre :

*2r : “Cet avis n’est point de l’auteur et il faudrait l’ôter”
*4v : “L’extrait de lettre qui suit devrait être avant cet avertissement”
*6v : “il n’y avait point de citation dans la première édition”
*7r : “à la ligne”
*8v : deux lignes rayées
P. 2 : “Ainsi, j’ai pu commencer le Traité de la nature et de la grâce par les paroles suivantes (…) C’est par ces paroles que commence le Traité dans les premières éditions” [Dieu ne pouvant agir que pour sa gloire… ] “On peut lire d’abord les articles sans les additions”
P. 3 : “à la ligne”
P. 6 : “c’est ce que j’ai souvent prouvé ailleurs”

P. 12 : “Très long ajout faisant tout la hauteur et largeur des marges, commençant par tout cela est manifeste par la permission de la chute du 1er homme”… , se terminant par : “et parce qu’ils peuvent rendre à la divinité des honneurs divins” (G. Dreyfus, pp. 17-18)
P. 31 : longue citation latine du De Trinitate de saint Augustin : “Hoc significat”…
P. 33 : lignes rayées, corrections dans les interlignes, ajout dans la marge : “V. Les loix de la communication des mouvements dans la dernière édition de la Recherche de la vérité
P. 39 : ajout : “c’est qu’alors l’ordre immuable de la justice que Dieu”…
P. 69 : réorganisation du texte : “cette addition doit être après l’article 47”
P. 79 : idem : “il faut encore mettre cette addition après l’article 46”
P. 83 : idem

P. 93 : très long ajout similaire de même format que celui de la p. 12, soit autour de la page, commençant par “Ce n’est pas rendre raison d’un effort particulier”… , se terminant par : “justifier la sagesse et ma bonté de Dieu, ce que j’ai eu en vue dans ce traité”

P. 157 : “on voit bien que cela doit s’entendre d’une volonté pratique”, “ou qu’il agisse en nous par une volonté particulière”
P. 258 : “comme il arrive dans les récompenses des justes, & dans les supplices des pêcheurs”
P. 270 : annulant un propos sur Descartes et la ligne droite : “car il est évident que la conduite de Dieu doit porter celle de ses attributs puisqu’il n’agit que par sa volonté, que par l’amour qu’il leur porte”

Sur les deux derniers feuillets blancs, 4 pages de notes très denses (environ 28 lignes à chaque fois). Elles concernent un important ajout au § XVII du “Second Discours” du Traité, soit le paragraphe qui traite de la doctrine de prédestination, l’un des points les plus importants de cet ouvrage du P. Malebranche. L’addition manuscrite est capitale, puisqu’elle mentionne Dieu comme “architecte” de l’ordre ;

Cette grande addition commence par :

“page 124, ligne 25. Mettez à la place ce qui suit
Il est certain que J.-C. intercède sans cesse pour nous : il est encore certain que parmi les justes mêmes il y en a de réprouvés. Or la Foi m’apprend que le juste ne peut avoir eu la charité sans le secours de la Grâce, sans l’intercession du Médiateur. Quand donc J.-C., homme et Médiateur, a prié pour le juste, doit-on soutenir que dans ce moment, il pensait actuellement que c’était un réprouvé ; en supposant que la la prédestination à sa gloire est préalable à la prédestination à la grâce, & indépendante de la prévision des mérites, en supposant que Dieu ne veuille pas que tous les hommes soient sauvés, comme le pensent peut-être bien des gens ? Sa prière n’aurait-elle pointé été indiscrète pour ne rien dire de pis ?”
Ce long texte se termine par : “Il me suffit que J.-C puisse agir sagement, sans proportionner sa Grâce à la négligence des justes prévue ou non prévue : il suffit qu’il la proportionne à leurs besoins & à ses desseins dans la construction de son Ouvrage”

Ici, Malebranche s’adresse directement à Antoine Arnauld. Il ajoute une manchette, de nouveau autographe : “J’ai expliqué ceci plus au long dans ma I. Lettre au 2. vol. des Réflexions Philosophiques & Théologiques de Mr Arnauld

Petit manque de papier angulaire en H2 sans atteinte au texte, quelques rousseurs par endroits. Corps d'ouvrage légèrement déboîté de la reliure

Le Traité de la nature et de la grâce ne rencontra qu’opposition dès sa parution en 1680. Antoine Arnauld (1612-1694) avait admiré La Recherche de la vérité et l’auteur de cette œuvre lors des parutions de 1674 et 1675. Une première polémique autour des XVe et XVIe Éclaircissements, dans les années 1678-1679, avait donné lieu à des rencontres informelles chargées d’aboutir à un accommodement. C’est alors que Malebranche composa son Traité de la Nature et de la Grâce. Il est achevé en août 1679 et envoyé en Hollande pour impression.

“Le Traité de la nature et de la grâce obtint un grand succès. Le problème de la grâce, si vivement agité depuis le XVIe siècle, était à l’ordre du jour et l’on se passionna pour la solution nouvelle. On en discutait partout, dans les salons et dans les écoles, chez les philosophes et chez les théologiens. Il se fit quatre éditions en moins de quatre ans. Ce qui ne signifie pas que d’emblée le Traité emportât l’adhésion générale : il connut d’abord plus de critiques que d’éloges.” (G. Dreyfus, op. cit., p. XXII)

Antoine Arnauld, partant pour l’exil, avait quitté la France en juillet 1679. Il parvint, lors d’une visite chez Elzevier en juillet, à s’en procurer une copie faite sur le manuscrit adressé à l’éditeur pour publication. Il sut aussitôt rallier tous les esprits parisiens contre l’oratorien, tant la doctrine janséniste de la prédestination lui paraissait anéantie. Bossuet s’enrôla aux côtés d’Arnauld. “Deux des plus hautes autorités de l’époque” (G. Dreyfus) allaient s’acharner sur Malebranche pendant les années suivantes.

“C’est une confrontation violente et générale entre la doctrine d’une connaissance possible de l’ordre des volontés divines, et la doctrine du “Dieu caché”. Dès qu’Arnauld et ses amis se rendent compte de la décision de résistance que leur oppose Malebranche, de la force de ses pensées et de la vigueur de son style polémique, ils mettent en placent un dispositif pour obtenir du Saint-Siège la condamnation de son œuvre.” (A. Robinet, Malebranche vivant, p. 225).

Et cette condamnation viendra le 29 mai 1690. L’édition mise à l’index est précisément celle de cet exemplaire : 1684. Comme pour mieux souligner le puissant retentissement de la polémique, la sympathique Madame de Sévigné, toujours avide de nouveautés intellectuelles, se fait l’écho de ces débats dans une lettre à Madame de Grignan, dont le ton annonce Candide :

“je voudrais bien me plaindre au P. Malebranche des souris qui mangent tout ici : cela est-il dans l’ordre ? Quoi ? De bon sucre, du fruit, des compotes ! Et l’année passée était-il dans l’ordre que de vilaines chenilles dévorassent toutes les feuilles de notre forêt et de nos jardins, et tous les fruits de la terre ?” (Les Rochers, 4 août 1680).

Ou encore :

“si l’ordre n’est autre chose que la volonté de Dieu, quasi tout se fait donc contre sa volonté… Mais n’en déplaise à votre P. Malebranche, ne ferait-il pas de s’en tenir à ce que dit saint Augustin, que Dieu permet toutes ces choses, parce qu’il en tire sa gloire par des voies qui nous sont inconnues” (31 juillet 1680).

Après la condamnation de 1690, Malebranche se tourna vers les mathématiques et la physique. Il entre en correspondance avec Leibniz et devient membre de l’Académie des sciences en 1699. Malebranche est l’un des grands introducteurs en France du nouvellement inventé calcul infinitésimal.

Rareté de cet exemplaire

Parmi les philosophes français du XVIIe siècle, on s’accorde, depuis toujours, à reconnaître trois systèmes majeurs, conçus par trois penseurs incontournables pour le développement de la philosophie occidentale : Descartes, Pascal et Malebranche. Ainsi, De la recherche de la vérité et ses Éclaircissements étaient au programme de l’écrit de l’agrégation de 2007. Et encore récemment, les Entretiens sur la métaphysique, sur la religion et sur la mort figurait au programme de l’oral en 2016.

Les manuscrits autographes ou les exemplaires d’auteur avec annotations autographes de ces trois grands philosophes français du XVIIe siècle sont d’une immense rareté (par exemplaire d’auteur, on entend un texte de l’auteur annoté par l’auteur lui-même). De Descartes, il ne reste rien hormis des copies manuscrites postérieures. Claude Clerselier (1614-1684) rentra de Suède, où Descartes était mort, avec les manuscrits du philosophe. Il se chargea de différentes publications bien connues (comme les trois volumes de Lettres) puis donna le corpus d’archives à l’abbé Legrand. L’ensemble disparut à la mort de l’abbé en 1704. De Pascal, à l’inverse, il subsiste le fameux manuscrit des Pensées conservé à la BnF précisément parce qu’il ne fut pas publié du vivant de son auteur. De Malebranche, il reste bien peu de choses. À l’inverse de la France, les manuscrits de Leibniz et de Newton sont conservés par de grandes institutions et se rencontrent si souvent sur le marché qu’on ne peut les dire rares.

André Robinet (1922-2016), auteur de l’édition critique des Œuvres complètes de Malebranche publiée en vingt volumes chez Vrin, faisait remarquer ainsi dans un article de 1956 paru dans la Revue Internationale de Philosophie : “les manuscrits de Malebranche sont rarissimes. Points de lots semblables à ceux de la main de Leibniz qui reposent à Hanovre. Par-ci par-là quelques feuillets éveillent l’intérêt” (A. Robinet, p. 487). Dans cet article, A. Robinet étudie la composition du fonds Adry de la bibliothèque municipale de Honfleur et recense le seul manuscrit connu de Malebranche conservé ici à l’état de brouillon. Parlant de quelques modestes “manuscrits autographes de Malebranche”, il ajoute :

“l’un d’entre eux est de première importance et de toute beauté : il s’agit de la première ébauche des Réflexions sur la prémotion physique. Ce brouillon de Malebranche est le seul dont nous avons gardé la trace. Il est donc capital pour étudier les procédés de composition de l’Oratorien. De la main du maître, on trouve également des fragments philosophiques, des brouillons de lettres ou des minutes, des lettres recopiées” (p. 492).

Ce manuscrit des Réflexions sur la prémotion physique, long de quarante-cinq feuillets, est le seul manuscrit philosophique de l’oratorien aujourd’hui connu et subsistant.

Malebranche passa cinquante-cinq ans de sa vie, à partir de 1660, dans sa cellule de l’Oratoire de la rue Saint-Honoré. Le médecin anglais Martin Lister (1638-1712) lui rendit visite et nous a laissé une description de ces pièces dans lesquelles se pressa la République des lettres et des sciences de 1690 à la mort de Malebranche : “il y étoit très-joliment logé dans un appartement fort bien meublé”. Le philosophe, à sa mort, donna ses livres à son ordre. Le P. Jacques Lelong, ami du P. Malebranche, procéda à un inventaire des 723 titres représentant plus de 1500 volumes. Le document précis a été publié et longuement étudié par A. Robinet (OC, t. XX, Malebranche vivant, Paris, Vrin, 1978, pp. 231-290). On y lit, ligne après ligne, la bibliothèque de l’un des grands philosophes du XVIIe siècle.

“Il nous restait à tenter de retrouver les ouvrages ayant appartenu à Malebranche. Quelques exemplaires connus révélaient que Malebranche ne se gênait pas pour couvrir ses ouvrages de marginalia. Il pouvait être philosophiquement important d’en retrouver le plus grand nombre. Sur ce point, nous n’avons obtenu qu’un résultat très limité (…) Nous nous sommes aperçus également que Malebranche apposait sa signature sur les exemplaires lui appartenant (…) nous avons retrouvé, notamment dans la bibliothèque de Montesquieu, un lot appréciable de volumes portant la signature de notre auteur (…) si Malebranche ne tenait pas aux biens de ce monde, il réservait toute sa coquetterie de collectionneur à ce simple paraphe apposé sur ses livres.” (Pp. 232-233).

Montesquieu, élève des oratoriens du Collège de Juilly, fut, dès son plus jeune âge, un lecteur de Malebranche : “alors même qu’il écrit ses Lettres persanes, il évolue encore dans des cercles marqués par la pensée de Malebranche, auxquels appartiennent de près ou de loin nombre de ses amis” (G. Barrera. Dictionnaire Montesquieu, art. “Malebranche”). A. Robinet a dénombré près dix-sept livres passés par acquisition de la bibliothèque de Malebranche à celle de Montesquieu (op. cit., p. 289). Sous le lot 645 de cet inventaire figure le Traité de la nature et de la grâce avec la mention “12 fois”. Notre exemplaire faisait sans nul doute partie de ce lot.

Après de longues enquêtes, André Robinet n’a pu retrouver que trois exemplaires d’auteur de Malebranche (cf. op. cit., p. 287) :

1. Des Loix de la communication des mouvemens par l’auteur de la Recherche de la vérité (Paris, André Pralard, 1692) conservé à la BnF sous la cote Rés. P-R-551. Les marginalia y datent de 1699. L’exemplaire a été relié au XXe siècle et ses notes sont coupées. Grâce à un manuscrit dicté par Malebranche au P. Lelong, on peut “reconstituer dans leur intégralité les marginalia que Malebranche a tracés sur l’exemplaire précieux qui est conservé à la Nationale, et auquel manquent tous les feuillets volants qui y furent collés lors des corrections qu’il en fit” (p. 492). L'exemplaire possède quatre feuillets portant d’importantes annotations autographes mais qui n’ont rien à voir, par leurs dimensions et leur étendue plus modeste, avec ceux figurant dans notre exemplaire du Traité de la nature et de la grâce. Ces Remarques ont été publiées au tome XVII des Œuvres complètes (pp. 546-548).
2. Notre exemplaire.
3. Les Réponses de l’auteur de la Recherche de la vérité au livre de M. Arnauld Des vrayes et des fauses idées. Rotterdam, R. Leers, 1684. L’exemplaire est “chargé de corrections autographes de Malebranche. La feuille O manque en imprimé et a été remplacée par un cahier qui est entièrement écrit de la main de Malebranche” (p. 288). La localisation de cet exemplaire n’était pas connue en 1978.

André Robinet n’identifiait en 1978 qu’un seul ouvrage d’un autre auteur annoté par Malebranche : l’Analyse des infiniment petits pour l'intelligence des lignes courbes par Guillaume de L’Hospital (Paris, 1696) conservé à la BnF (Manuscrits, FR 25.302). Aujourd’hui s’y ajoute le très exceptionnel exemplaire de l’édition originale des Principia de Newton (Londres, 1687) conservé à la Bibliothèque de Lyon (Rés. 104863) qui figure au n° 219 de l’inventaire du P. Lelong (https://collections.bm-lyon.fr/PER0044ae567d14a94f). Outre le Newton, on connaît aussi son exemplaire très légèrement annoté des Lettres de Descartes (1663-1667) conservé à la Bibliothèque de la Cour de Cassation : “la plupart d’entre elles, très brèves, se contentent de nommer un correspondant, d’identifier un nom propre ou de porter un jugement de valeur sur telle ou telle lettre”. Le Bulletin cartésien recense aussi dix ouvrages portant simplement l’ex-libris manuscrit de Malebranche et qui ont fait l’objet d’une liste (cf. infra).

Ginette Dreyfus, lors de la préparation de son édition du Traité, en 1958, ne put avoir accès à notre exemplaire. Selon le catalogue de vente Hanotaux, qu’elle cite, cet exemplaire d’auteur du Traité de la nature et de la grâce est :

“chargé de notes autographes de Malebranche en vue d’une nouvelle édition. Ces corrections se rapportent au texte où l’auteur ajoute des phrases entières, des citations, les sources de ses citations, lorsqu’elles n’étaient pas indiquées en manchette. Il recommande notamment d’enlever l’avis du libraire au lecteur pour cette raison : Cet avis n’est point de l’auteur et il faudrait l’ôter, de changer la disposition des pièces liminaires ; de modifier la typographie de certains titre courants. Des paragraphes entiers sont ajoutés”… (Cat. Gabriel Hanotaux)

Toutes les nombreuses corrections autographes ne peuvent être ici mentionnées. Certaines sont de simples soulignements. Ce qui frappe, c’est l’extrême soin apporté par Malebranche à la typographie elle-même. On dirait aujourd’hui à la maquette. Il recommande que le mot “ADDITION”, qui apparaît si souvent pour indiquer ce que l’auteur a ajouté au texte d’origine, soit écrit en “plus petit caractère”. Il demande en de multiples lieux d’aller “à la ligne”.

Dès qu’une correction manuscrite de sens apparaît, c’est-à-dire philosophique ou métaphysique, son emplacement, voire les emplacements de ses diverses articulations avec le texte déjà imprimé, sont clairement indiqués par un jeu d’astérisques et de renvois manuscrits. On peut ainsi dire que l’exemplaire corrigé devient l’exemplaire d’épreuves de l’édition suivante, montrant à quel point la pensée de Malebranche obéit ainsi à une logique de tuilage, logique qui épouse aussi les polémiques déclenchées par les éditions antérieures. L’ajout devient ainsi le nouveau manuscrit comme on le voit en un certain nombre de lieux (pp. 12, 94, et surtout pour les quatre dernières pages de notes autographes, très denses, sur la prédestination). Toutes les modifications apportées par Malebranche au texte de 1684 se retrouveront dans la cinquième édition du Traité en 1701 (Rotterdam, Reinier Leers). On voit ainsi que la notion d’édition originale, pour Malebranche, n’a aucun sens : chaque édition recomposant la précédente.

La première édition donne la pensée d’origine, et il convient de la lire sans tenir compte des Additions et Éclarcissements. Mais la pensée en mouvement de l’oratorien se lit au cours de la composition des différentes éditions jusqu’à la dernière. Selon la formule de Henri Gouhier (1898-1994), la première édition du Traité offre l’aspect que Malebranche “a voulu lui donner”, la dernière “celui que le temps lui a imposé” (La Philosophie de Malebranche et son expérience religieuse, Paris, 1948, p. 164). Sainte-Beuve avait déjà compris cette logique de tuilage : “c’est comme un architecte qui, entre chaque ornement d’un temple bâti par lui et chaque colonne, serait obligé par ses critiques à intercaler des supports de bois sur lesquels seraient affichées les objections géométriques qui y ont donné lieu” (Port-Royal, VI, ch. 5). On ne peut donc mieux signifier combien ce précieux exemplaire d’auteur annoté rend manifeste et visible à l’œil nu les chemins empruntés par la pensée, ici concrète, de l’un des plus grands philosophes du XVIIe siècle.

BIBLIOGRAPHIE : 

Ginette Dreyfus : IV, p. IV de sa préface in Malebranche. Tome V. Traité de la nature et de la grâce. Paris, 1958 -- J. C. Brunet, Manuel du libraire, III, col. 1335 -- DSB IX, 48f. -- André Robinet, “Informations historiques et documents. Les manuscrits de Malebranche (Le fonds Adry)”, Revue Internationale de Philosophie, 1956, n° 38, pp. 487-495

WEBOGRAPHIE : 

WEBOGRAPHIE : https://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML :BML_06PRV01000Rs104863958 -- http://www.google.fr/books/edition/Malebranche_vivant_biographie_bibliograp/AJYNAQAAIAAJ ?hl=fr&gbpv=1&dq=Malebranche.+Trait%C3%A9+de+la+Nature+et+de+la+Gr%C3%A2ce+autographe&pg=PA287&printsec=frontcover​​