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LAPLANCHE, Jean

Vocabulaire de la psychanalyse

[Paris,1960-1967]

PENSER LA PSYCHANALYSE COMME UN VOCABULAIRE, ET NON COMME UN DICTIONNAIRE.

UN DES BEST-SELLER DE LA PENSÉE PSYCHANALYTIQUE.

REMARQUABLE ET PRÉCIEUX MANUSCRIT AUTOGRAPHE DE LA PSYCHANALYSE EN CONDENSÉ, SOUS FORME DE FICHES CARTONNÉES

MANUSCRIT AUTOGRAPHE d’environ 300 fiches classées par ordre alphabétique (125 x 75mm), sur carton bristol quadrillé, écrites à l’encre bleue ou noire. Chaque fiche reprend une notion qui sera développée dans le Vocabulaire de la psychanalyse. La première “entrée” est “abréaction” : “proche d’un working through : confirmation des sentiments amoureux d’Elisabeth von R. pour son beau-frère, dans différents contextes, après une première prise de conscience. Studien I p. 223”. La dernière “entrée” est “Zurückfantasieren”.
BOÎTE MÉTALLIQUE (hauteur 100mm x Longueur 210mm x largeur 138mm)

Chaque note renvoie à des références d’ouvrages. Des citations ou des idées données par Laplanche complètent ces références. Ainsi lit-on, par exemple, à l’entrée de la notion freudienne “Après-coup” :

“- Naissance Psa. Draft L. - Homme aux loups. Fr. p. 405. - Projet. (…) Pourquoi c’est le sexuel qui est refoulé. - Studien I 236. - Homme aux loups et relation avec le Zurückphantasien de Jung. - Pour Jung nous réinterprétons constamment le passé en fonction du projet présent. Et il faut ramener le sujet de cette aliénation à son présent. Proche de Sartre. Pour Freud, c’est beaucoup plus spécifique : - ce qui est repris, c’est la trame, le vécu dans le non sens (tout vécu n’est pas tel) - le nachträglich s’opère à partir de certains moments d’apparition de sens (puberté par ex. ou rêve de l’homme aux loups. C’est une Bearbeitung (XII, p. 65), une Bindung (APP). - C’est étroitement lié à la sexualité et à son caractère différé (Entwurf). - Nachträglichkeit Anf. 247”

Citons quelques autres fragments du “fichier Laplanche” (sans donner ici les renvois aux références) :

“Abstinence” : Ferenczi… il pourchasse l’onanisme d’une hystérique : pendant la séance, puis en dehors d’elle, puis dans ses équivalents larvés. Ceci afin de déloger la libido de ses positions cachées, et de rendre conscients les phantasmes [sic] inconscients qu’il y a attachés”.
“Affect” : “les textes sur la (dé)négation montrent que l’opposition représentation-affect pourrait aussi se formuler en : énoncé-énonciation”.
“Besoin” : “ce n’est peut-être que chez l’animal que les pulsions sexuelles se dédoublent des pulsions d’auto conservation [= la pulsion se détache du besoin]”.
“Conscience” : “se prête mal à des considérations structurales”.
“Épreuve de la réalité” : “c’est la réalité qui est mise à l’épreuve. Et non quelque chose qui est mise à l’épreuve de la réalité. Cette déviation se retrouve encore accentuée dans le terme expérience de réalité”.
“Étayage” : “l’étayage est aussi valable dans les relations sociales. La libido suit la voie indiquée par les intérêts vitaux… L’érotisme est lui-même un étayage sur le fonctionnement “instinctuel” de l’appareil génital”.
“Inceste” : “Sa Prohibition. Conception à la Lévi Strauss”.
“Isolation” : “comme fondement du refoulement. L’inconscient ne veut rien dire d’autre que cette séparation”.
“Jugement” : “pas de jugement dans l’inconscient”.
“Œdipe” : “monde fantasmatique de l’enfant”.
“Retour du refoulé” : “rien ne prouve que ce soit la même chose, en sens inverse, que le refoulement”.
“Rêve” : “y a-t-il des rêves pathologiques ?”

À ces fiches s’ajoutent environ 200 autres fiches de Laplanche donnant les coordonnées (nom, prénom, adresse, parfois téléphone) de ses étudiants. Elles sont classées par années de cours : “Conférences Sorbonne février 62”, “Cours 62-63”, “Séminaire psychoses 63-64”, “Cours 1963-64”, “Cours 1964-65”, “Séminaire psychose 64-65”, “Cours 1965-66”, “Cours 66-67”. Les fiches indiquent l’activité de ces étudiants : beaucoup sont médecins, internes en médecine ou élèves de l’ENS suivant des études de philosophie. Le sujet de recherche ou l’intérêt de ces élèves, quand il est connu de Laplanche, est mentionné. On lit pour certains d’entre eux : “en cours d’analyse actuellement”.

Le Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis est “à l'évidence l'ouvrage français le plus référencé dans l'ensemble de la littérature psychanalytique internationale”, constate Jean-Louis Brenot. À l’édition originale de 1967 s’ajoutent treize éditions en français. La première traduction anglaise (1973), réalisée “grâce à la collaboration et à l'amitié entre Masud Khan et Pontalis”, propulsa le livre : “la possibilité pour les psychanalystes anglo-saxons d'accéder à l’ouvrage français fut alors considérée comme un exploit” (J.-L. Brenot). Le Vocabulaire de la psychanalyse est aujourd’hui accessible en dix-sept langues différentes. Jean-Bertrand Pontalis et Jean Laplanche associèrent à jamais leurs noms dans cette entreprise, dont la “discussion” formait la dynamique :

“Nous avons constamment travaillé ensemble. Nous avons chacun étudié et préparé certains textes. L’un lisait son travail et l’autre le commentait. Ainsi, le livre a été constamment forgé par la discussion” (Entretiens, p. 263).

Jean Laplanche rappelle que la motivation de ce Vocabulaire était d’offrir un outil établissant le corpus des concepts freudiens dans leurs principales appréhensions. Le Vocabulaire regorge de références qui se confrontent. :

“La rédaction du Vocabulaire de la psychanalyse nous avait permis d’analyser les grands “outils” de Freud, mais aussi de retrouver des concepts ignorés et passés sous silence, tels l’“étayage”. Freud s’est servi de ce concept tout au long de son œuvre, sans jamais le thématiser systématiquement” (Entretiens p. 219).

Une fiche “Étayage” se trouve bien classée à la lettre “E” du manuscrit autographe.

Quant au choix du titre, Vocabulaire de la psychanalyse, Jean Laplanche, qui refuse l’appellation de “Dictionnaire”, rappelle qu’il définit le sens de son travail :

“Ça a été un travail de longue haleine. Quand j’y repense, je m’aperçois que dans beaucoup de langues c’est traduit sous le terme de “dictionnaire” de psychanalyse, ce qui ne rend pas justice à ce travail ; car ce n’est absolument pas un travail encyclopédique, ni à plus forte raison un travail didactique. C’est un travail de parcours à travers l’œuvre psychanalytique, et notamment à travers l’œuvre freudienne, pour essayer de déceler un certain nombre de réseaux conceptuels qui se renvoient les uns aux autres. D’essayer de tracer une trame conceptuelle de la psychanalyse et je crois que le plus important c’est la “mise en problème” des concepts psychanalytiques, et non pas leur définition. C’est véritablement montrer en quoi ils sont, eux-mêmes, ouverts à la problématique, c’est-à-dire à une contradiction interne” (Entretiens, p. 66).

Le Fonds Jean Laplanche, conservé à la Bibliothèque nationale de France (cote Réserve NAF 28960), contient d’autres archives du Vocabulaire de la psychanalyse qui développent les notes et références inscrites sur les fiches bristol. Le manuscrit de la BnF comprend une centaine de pages de format in-4, à l’encre bleue ou noire, souvent raturées. Certains des articles de ce manuscrit courent sur les deux pages recto verso d’un même feuillet. Jean Laplanche a classé ces notes en trois chemises intitulées Notes diverses, Notes d’articles rédigés et Utilisables dans d’autres contextes que le Vocabulaire. Cette archive du Vocabulaire de la psychanalyse comprend également un ensemble des documents liés à l’édition du livre : contrats passés entre Jean Laplanche et les Presses Universitaires de France, corrections pour les réimpressions, correspondances adressées à Jean Laplanche, épreuves d’index, de bibliographie et de préface.

À l’inverse, cette boîte métallique résonne de notices épurées, réduites à leur quintessence. Elle organise, sur des fiches bristol méticuleusement classées, les articles du livre en condensé, et constitue un objet facilement maniable. On imagine que Jean Laplanche, dans l’immensité de sa bibliothèque physique et mentale, voyageant souvent entre Paris et la Bourgogne, avait toujours avec lui, à portée de main, ce manuscrit portatif.

BIBLIOGRAPHIE : 

J.-L. Brenot, “Vocabulaire de la psychanalyse”, in Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse. 2. M-Z, Paris, 2005, pp. 1897-1899 -- Jean Laplanche, Se faufiler entre les astres… Entretiens 1980-1994, Paris, 2024