
Acheter
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
Brouillon de lettre autographe signée à Maurice Toesca
DÉLICIEUX BROUILLON D'UNE LETTRE D'INSULTE DE RENÉ CHAR ADRESSÉE À MAURICE TOESCA À PROPOS DE LA PARUTION DU SOLEIL DES EAUX, BEAU LIVRE DE PEINTRE DÛ AU PINCEAU DE GEORGES BRAQUE
Deux pages, sur un feuillet in-4 (270 x 208mm), à l'encre brune. Ratures
“Correspondance forcée à Monsieur Maurice Toesca
Monsieur
Dans ma carrière de poète déjà longue et fertile en bouquets imprévus, il ne m'avait pas été encore donné de parcourir un écho de la nature de celui que vous consacrez à mon livre Le Soleil des eaux dans un Almanach des Lettres pour 1950, préfacé par le débile mental hebdomadaire du journal Le Monde, Monsieur Émile Henriot, [barré : promu en outre par la sagacité de nos Officiels, Haut-Fourneau des lumières françaises auprès de nos amis étrangers… ].
Malgré l'odeur consécutive à votre digestion difficile (l'ouvrage Le Soleil des eaux, n'est-ce pas, ne vous fut pas offert, en dépit de votre prière ?) et mon peu de goût pour ce genre de mise au point, je me vois obligé de le relever, car il met en cause de façon odieuse, un éditeur [nous : Matarasso] [barré : dont la correction et les services qu'il rend aux Lettres sont connus] et indirectement un illustrateur sur le talent duquel je n'ai pas besoin de m'étendre [nous : Georges Braque]. Ayant donc lu votre petit [barré : truc] machin et en connaissant le motif, j'aurais sans difficulté passé outre, mais à la réflexion, il m'a plu de révéler dans votre personne, un [barré : type] modèle d'individu qui tend aujourd'hui à se généraliser, celui du [barré : profiteur] fainéant qui sous couvert d'information, cueille la fleur qu'il n'a pas sucée, fleur si elle lui résiste, qu'il écrase du talon en clamant son indignation (1).
Vos pieds sont bien crottés, Monsieur, pour cette besogne, et votre personne quoique de silhouette falote, est mal désignée pour défendre les droits de la veuve, de l'orphelin et des bibliophiles ! Tous les humoristes le savent, ainsi que les carottes des passages à tabac que vous avez cessé de fréquenter [nous : allusion à l'ancienne position de Maurice Toesca à la Préfecture de Police] pour les antichambres des Lettres. N'étant pas le familier de ces dernières, j'ai mis un certain temps, je l'avoue, à vous distinguer. Voilà qui est fait à présent. René Char
(1) Exemple typique du double jeu. In Gazette des Lettres du 10-12-49, vous vantez l'ouvrage "… un peu moins élevés de prix mais non de moindre valeur, Le Soleil des Eaux, de René Char, Le Piéton de Paris, de Fargue… " Dans L'Almanach des Lettres paru 15 jours après, vous vous insurgez contre le prix prohibitif du même ouvrage (quatre eaux-fortes de Braque, malgré leur valeur, 16000 frs le livre, une duperie…) Habile commerçant, va !
Matarasso avait publié, en 1949, Le Soleil des eaux illustré de quatre eaux-fortes de Georges Braque. Le peintre reprenait, et illustrait, un texte de Char déjà publié en 1946. Char règle ici ses comptes avec Maurice Toesca qui s'apprête à “descendre” le livre édité par Matarasso, et rappelle au passage le passé peu glorieux de ce journaliste.