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Chère Dame, voici un mot qui vient de Valvins
LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE DE STÉPHANE MALLARMÉ ADRESSÉE À BERTHE MORISOT
[4 pp. in-8, encre noire :]
“Chère dame, voici un mot qui vient de Valvins, où nous ont suivi[s] les roses, remplaçant sur la cheminée l’automne manqué du dehors. Il pleut, non des feuilles, mais de l’eau aux vitres, qu’on laisserait autrement ouvertes : car c’est une température de fin d’été malgré le paysage déjà d’hiver. On est donc un peu à Nice, avec vos fleurs.
Mais comme les journaux parlent d’un nouveau mode de locomotion, qui transporterait à Marseille en deux heures, je crois que je ne m’en tiendrai pas au temps de serre attardé ici, et vous visiterai cet hiver ; et même par le commun railway, allez ! si je trouve un point, mes chers amis.
Avez-vous fait bon voyage ? j’ai beaucoup pensé à vous tous le soir de votre départ : le malaise de ma pupille n’a pas persisté ? et voilà que je vous sais seulement par Madame Suzanne “hors de la ville”, mais ignore votre adresse, et cette lettre repassera par la rue Villejust. Un jeudi, ce soir de Toussaint.
Je travaille beaucoup, aux Lectures toujours dont quatre sont pour l’an prochain : n’allez pas émigrer chaque hiver, à moins que vous ne rapportiez de là-bas bien des merveilles. Le petit album tient toujours ?
Vu Blanche (Jacques, sans sa bonne) à la sortie de concert de Dimanche. Il m’a raconté Renoir dans l’angoisse et découragé, d’après une lettre ; et que Whistler absent de Londres se fixera peut-être un jour à Paris. Voilà tout ce qui me reste à l’oreille, en ce silence du voisinage de forêt et avant le premier coup de cloche un soir de Toussaint. Amitiés à Manet, que je vois installé et dispos : on embrasse Mademoiselle Bibi et Geneviève se joint à sa maman pour célébrer les roses, merci.
Votre tout dévoué
Stéphane Mallarmé”
Correspondance Stéphane Mallarmé, éd. B. Marchal, 2019, 1040. p. 747