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ESSARTS, Emmanuel des

Cœcus amor. Lu dans la séance du 14 mars

Versailles, Imprimerie Cerf, 1861

DE JEUNE POÈTE À JEUNE POÈTE : LES PREMIERS PAS ET LES PREMIERS TEMPS DE LA VOCATION POÉTIQUE DE STÉPHANE MALLARMÉ.

ENVOI D’EMMANUEL DES ESSARTS À STÉPHANE MALLARMÉ.

RARE PLAQUETTE DES ÉDITIONS DITES DES “CONFÉRENCES DU REZ-DE-CHAUSSÉE”

ÉDITION ORIGINALE sous la forme d’un tiré à part des “Conférences du rez-de-chaussée”

In-12 (184 x 117 mm)
COLLATION : 10 pp., (1) f.

ENVOI autographe signé :

à Stéphane
Emmanuel

RELIURE SIGNÉE DE LECA. Cartonnage souple de papier marbré, titre doré sur le plat supérieur, dos pincé à la bradel, plats de la fragile couverture bleue conservés. Étui
PROVENANCE : Bernard Malle

Large et pâle mouillure à tous les feuillets, très petites restaurations au premier plat de couverture

Emmanuel des Essarts (1839-1909), normalien, agrégé de lettres en 1861, connut Stéphane Mallarmé (1842-1898) au lycée de Sens en cette même année 1861. Il venait d’y être nommé professeur de rhétorique alors que Mallarmé venait tout juste d’obtenir son baccalauréat. Si l’on ignore la façon précise dont il se rencontrèrent, des Essarts laissa un bref témoignage : “peu de temps après mon arrivée au lycée de Sens, plusieurs de mes collègues me parlèrent d’un jeune homme qui vivait assez solitairement dans sa famille et faisait des vers.” Une amitié ne tarda pas à les rapprocher.

“Guère plus âgé que Mallarmé, des Essarts s’apprête à supporter tant bien que mal son exil à Sens, avant d’être promu dans des sphères plus hautes. Mallarmé, qui se sait un moins brillant avenir, révèle cependant à ce confident inattendu ses espérances de poètes. Le nom magique de Baudelaire revient dans leurs conversations et devant son interlocuteur ébaubi, des Essarts assure avec simplicité qu’il a déjà conversé avec l’auteur des Fleurs du Mal. Mallarmé qui croit toucher là son rêve, veut faire alors ses preuves pour le premier lecteur vrai que ce jeune professeur représente à ses yeux” (Jean-Luc Steinmetz).

Les vers composés par des Essarts ne purent en effet que captiver le jeune Mallarmé, comme les quelques strophes suivantes (extraites de Cœcus amor) :

“Et voici qu’isolés de la famille humaine,
Comme une caravane aspirant au désert,
Insoucieux du but, ils marchent où les mène
Le caprice sacré qui les guide ou les perd.

[...]

C’est leur mât vagabond que choisit la tourmente ;
La foudre aime à frapper leurs fronts divinisés ;
La misère les suit au galop, dure amante,
Et glace leur poitrine à ses plus froids baisers.

[...]

Et, blessés comme Hamlet, navrés comme Ophélie,
Grands cœurs, vous n’avez pas cessé de vous offrir
Au doute, au désespoir, à la morne folie,
À la nécessité précoce de souffrir”

C’est des Essarts qui introduisit Mallarmé dans les milieux littéraires parisiens, lui conseillant d’envoyer certains de ses poèmes à des revues ou en s’employant lui-même à transmettre les textes, comme il le fit auprès de Catulle Mendès notamment. “Des Essarts ne pouvait qu’admirer la précocité de son ami de fraîche date” (Jean-Luc Steinmetz). Ils s’échangèrent leurs textes et partagèrent nombre de préoccupations littéraires, auxquelles se greffa vite Henri Cazalis (1840-1909), autre condisciple de des Essarts au lycée Henri IV. Et une certaine familiarité s’installa entre eux.

L’envoi sur le présent exemplaire de Cœcus amor – paru seulement quelques mois avant leur rencontre – date donc des tout premiers temps de cette amitié de “poètes enguignonnés” (lettre de Mallarmé à des Essarts du 23 août 1862).

Les “Conférences du rez-de-chaussée” était le nom d’une société intellectuelle parisienne, active au début des années 1860, regroupant de jeunes lettrés intéressés par la poésie, la littérature et l’histoire. Elle était composée majoritairement d’étudiants pensionnaires de la rue d’Ulm. Les séances de la société se tenaient hebdomadairement à Paris, au Cercle des Sociétés savantes, 3 quai Malaquais. Certaines conférences firent l’objet d’une publication dans l’Annuaire de la Conférence, ou d’un tiré à part (comme ici), imprimé à chaque fois par l’imprimerie Cerf à Versailles (qui était alors aussi l’imprimerie de l’Annuaire de l’Association amicale de secours des anciens élèves de l’École normale supérieure).

Mallarmé consacra à des Essarts deux de ses premiers articles publiés, recensions du recueil Poésies parisiennes (Poulet-Malassis, 1862) : “Les Poésies parisiennes” dans Le Papillon (10 janvier 1862) et “Variétés. Les Poésies parisiennes” dans Le Sénonais (22 mars 1862). Des Essarts et Mallarmé restèrent proches, même après que l’un fut envoyé en poste à Avignon et l’autre à Tournon.

BIBLIOGRAPHIE : 

E. des Essarts, “Souvenirs littéraires”, La Revue de France, 15 juillet 1899 -- J.-L. Steinmetz, Mallarmé. L’absolu au jour le jour, Paris, 1998, pp. 50-53, 58 -- S. Mallarmé, Œuvres complètes, Paris, 2003, éd. B. Marchal, t. II, pp. 352-355, 358-360 -- S. Mallarmé, Correspondance. 1854-1898, Paris, 2019, B. Marchal, pp. 27, 44

WEBOGRAPHIE : “1860-1866 : Conférences du Rez-de-Chaussée”, Textes rares. Témoignages sur le monde de l'édition du XVe au XIXe siècle, textes et images / Philosophie française du XIXe siècle / Histoire de l'éducation au XIXe siècle, 25 janvier 2025, en ligne : https://www.textesrares.com/pages/histoire/1860-1866-conferences-du-rez-de-chaussee.html