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Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
[Fables d'Ésope, précédées de sa vie, traduites de latin en français par frère Julien, des Augustins de Lyon, avec les fables d'Avian, d'Alfonse et aucunes joyeuses histoires de Poge]
LA DÉCOUVERTE DU TRÈS IMPORTANT FRAGMENT D'UN MONUMENT TYPOGRAPHIQUE OUBLIÉ.
CETTE ÉDITION D'ÉSOPE, MAINTENANT DATÉE, PERMET D'IDENTIFIER UN IMPRIMEUR LYONNAIS JUSQU'ICI INCONNU : JEHAN ROUSSET. ELLE EST LA SOURCE VÉRITABLE DE L'ÉSOPE DE CAXTON IMPRIMÉ EN 1484
VÉRITABLE DEUXIÈME ÉDITION D'ÉSOPE EN FRANCAIS
2 ouvrages en volume in-4 (290 x 200mm)
Traduction par Julien Macho; Rubrication en rouge, initiales peintes alternativement en rouge et bleu
COLLATION : (I) a6 b-l8 m6 n-s8 t6, sans le feuillet de titre a1 ni le dernier feuillet t6 ILLUSTRATION : 52 gravures sur bois
COLLATION [fragment] : (II) 16 feuillets (dont un déchiré sur, sans doute, 32 feuillets) : fragment de la Vie d'Esope ; Fables : e8 [manque e8] f8 g8 [manque g3] h- i8 [manque i8] k-l-m-n8 [manque n3.4] o-p8 [manque p6.7] q-r8 [manque r6.7] : 99 feuillets (sur 108), soit en tout 115 feuillets (sur 140)
CONTENU : [1-16] : fragment de la Vie d'Esope ; e1v Cy finist la vie d'Esope et commence le registre des fables de son premier livre, r8v colophon : Cy finissent les subtiles fables de esope translattées de latin en françois par reverend docteur en théologie frère Julien des augustins de lyon avecques les fables Davien et de Alfonse et aussi aulcunes fables de poge florentin Imprimées a lyon par maistre Jehan Rousset lan mil quatre cens octante et deulx le X Jour de may
FILIGRANE : tête de taureau, identifiée par Martin Davies
ILLUSTRATION : 155 gravures sur bois (sur près de 200) dont Vie d'Esope [fragment] : 13, et Fables : 142
RELIURE DE L'EPOQUE. Seul l'ais supérieur subsiste. Le volume, dérelié, est en mauvais état
Cet exemplaire, quoique lacunaire, représente une énorme découverte pour l'histoire de l'imprimerie à Lyon, pour les éditions du texte d'Ésope et sur les sources lyonnaises du légendaire imprimeur anglais Caxton.
L'analyse de cette édition d'Ésope est impossible sans le recours à l'article de Martin Davies qui a pu étudier un autre exemplaire également très lacunaire de la même édition d'Ésope. Il était sans début ni fin, et donc sans colophon ; M. Davies n'en donnait malheureusement pas la collation. Le présent exemplaire, au colophon si précieux, permet ainsi d'identifier un imprimeur jusque-là inconnu de l'histoire de l'imprimerie : Jehan Rousset.
On n'insistera pas ici sur l'importance considérable du corpus ésopique dans la transmission de la culture humaniste, et ce depuis les temps les plus reculés de l'Antiquité jusqu'à l'Âge classique, pour s'attacher plutôt à l'identification de cette édition jusqu'ici non répertoriée des Fables en français. La première édition illustrée, connue à un seul exemplaire, est celle d'Albrecht Pfister (Bamberg, 1461). Elle fut rapidement épuisée et remplacée par l'édition donnée par Heinrich Steinhöwel et imprimée par Johann Zainer à Ulm en 1476, puis par son frère Günther à Augsbourg en 1478. C'est cette édition de 1476 qui fut, par ses illustrations comme par son texte, la matrice des éditions ultérieures en Europe, à l'exception de l'Italie qui avait sa propre tradition ésopique. Son illustration fut donc largement copiée. Et tout particulièrement à Lyon au tout début des années 1480 où un moine augustinien, Julien Macho, donna la première traduction française chez Nicolas Philippe et Marcus Reinhardt le 26 août 1480 : soit dans le même atelier d'imprimerie que Le Miroir de la vie humaine de 1482 présent dans notre recueil et également traduit par Julien Macho. Cette traduction est connue par un seul exemplaire, très lacunaire (au moins dix feuillets), conservé à la Bibliothèque municipale de Tours, et dont les illustrations sont inversées par rapport à l'édition de Zainer. La grande série lyonnaise des gravures sur bois fut réimprimée trois fois : en 1484 (GW 369), 1487 (GW 370) et par une édition non datée de 1485. De ces trois éditions, on ne conserve qu'un seul exemplaire complet, à la Bibliothèque nationale de Vienne. La plupart des Ésope incunables sont le plus souvent incomplets. Et Martin Davies, analysant les gravures de ces différents Ésope lyonnais, a bien montré que "something happened to the block between 1480 and the Huss edition of 1484" (p. 269).
M. Davies explique alors comment la découverte par la librairie Bernard Quaritch d'un fragment d'Ésope lyonnais, auquel manquait le début à la fin, lui a permis de résoudre le problème. Or il ne fait aucun doute que l'édition qu'il décrit dans son article correspond point pour point à la nôtre, tant par ses illustrations que par ses caractères typographiques qu'il rapproche avec succès d'un atelier jusqu'ici anonyme de Lyon connu pour ses éditions non datées et appelé "The Printer of l'Abusé en cour" (BMC, VIII, p. 273). On consultera pour ce faire le feuillet d2v de notre exemplaire et celui étudié par Davies en le rapprochant de l'illustration des caractères typographiques imprimés dans Les Quatre fils Aymon reproduits dans le BMC, VIII, pl. xlii (cf. art. cit., p. 274, fig. 9). Cet atelier au nom inconnu imprima huit livres entre 1484 et 1487. Le colophon du présent exemplaire permet de lui donner enfin un nom après plusieurs siècles d'anonymat : Jehan Rousset.
"As I indicated, it is not so uncommon to come across incunables previously unknown to the bibliographers. But is exceedingly uncommon to come across a new printer, pretty well all fifteenth-century types having long been distinguished" (p. 272)
Il est donc encore plus "uncommon" de pouvoir donner un nom à un imprimeur inconnu de l'édition lyonnaise pourtant si travaillée depuis Claudin. Preuve supplémentaire, le filigrane du papier de notre exemplaire est le même que celui étudié par Davis (p. 276).
Cette édition de Jehan Rousset maintenant identifiée s'impose alors comme le missing link permettant d'expliquer l'influence de cet Ésope lyonnais sur William Caxton. On sait qu'il acheva son Book of the subtyl historyes and Fables of Esope dans les trois premiers mois de 1484, soit avant ce qui était jusqu'ici considéré comme la deuxième édition française connue à un seul exemplaire, par ailleurs incomplet comme la quasi totalité des premiers Ésope français (Lyon, Husz et Schabeler, 15 mai 1484, BnF Rés. Yb-98). Car on sait que Caxton traduisit Ésope "out of Frensshe" et Martin Davies démontre qu'il le fit, texte comme image, à partir de l'édition de 1482 maintenant donnée clairement à Jehan Rousset :
"The truth is that Caxton used the text of the fragment [nous : de l'éditon Rousset] and not a manuscript or the Lyons edition of 1480 or any other hypothetical lost book. This can be verified in hundreds of places where Caxtons follows a variant reading that is in the fragment but no in the other editions, from which indeed it varies a good deal." (P. 277)
Les gravures de l'édition lyonnaise de 1480 étant dans la même direction que celle de Caxton, celle-ci fut à l'évidence réalisée sur une édition intermédiaire qui est notre édition de 1482 imprimée par Jehan Rousset (cf. Davies, pp. 278-280).
La découverte de cet exemplaire permet ainsi d'éclairer l'histoire de l'imprimerie à Lyon dans les années 1480 en identifiant Jehan Rousset, imprimeur jusqu'ici inconnu. Elle fait découvrir l'existence d'un jalon important dans la séquence des illustrations du texte ésopique. Et surtout, elle éclaire d'un jour nouveau l'origine de la production typographique de l'un des plus grands imprimeurs du XVe siècle : William Caxton copia et traduisit l'Ésope de Jehan Rousset.
Martin Davies, "A Tale of two Aesops", The Library : The Transactions of the Bibliographical Society, vol. 7, n° 3, sept. 2006, pp. 257-288