L'Amour absolu

Après le succès d’Ubu roi, Alfred Jarry (1873-1907) change de style. Alfred Vallette (1858-1935), directeur du Mercure de France, désapprouvait l’évolution du style de Jarry depuis Les Jours et les Nuits. Il refusa donc la publication de L’Amour absolu alors que le texte avait été annoncé dans la revue du Mercure. L’édition du roman, autographiée à peu de frais par Jarry en l’an 26 de l’ère pataphysique, fut un échec complet. L’ouvrage ressemblait à un cahier d’écolier, “ce qui convient parfaitement à ce roman de l’enfance” (P. Besnier). L’auteur en fut pour ses frais. En 1905, une trentaine des exemplaires déposés au Mercure de France étaient encore disponibles.

L’ouvrage fait le récit de la vie d’Emmanuel Dieu, prisonnier condamné à mort en attente de la guillotine. Le texte mêle souvenirs d’enfance de Jarry, visions de rêve et récits fabuleux. Au début du texte, dans une cellule de l'une des ailes du synoptique en forme d'étoile en pierre de la Prison de la Santé. Il passa inaperçu malgré une critique de Rachilde parue en 1901 dans le Mercure de France :

"Dans ce livre, complètement fermé aux humbles mortels, il y a une personne, d'un sexe différent, qui est à la fois la mère, la maîtresse, la Sainte Vierge, la femme du notaire et la sœur du héros et le héros est appelé Monsieur Dieu par la personne en question [… ] heureusement d’un prix inabordable pour les cerveaux faibles [cet ouvrage] détient, comme sous vitrine des bijoux phalliques, des choses d'une précision exquise : Le sexe de la femme est l'œillère d'un masque. Monsieur Dieu y malmène cyniquement les dames avec un luxe de violences qui prouve jusqu'à quel point de démence humaine il est capable de les aimer."

L'écrivain a ajouté de sa main les indications d'éditeur, de lieu et de date sur la première page tenant lieu de titre : Paris, Mercure de France, 1899. Il tenait à remercier le Mercure de l’avoir aidé à publier ce texte :

“J’ai eu la fantaisie - en 1899 par les soins du Mercure - de faire tirer un de mes livres en très petit nombre et en fac-similé autographe. C’est un in-quarto couronne, de cent-quatre pages, couverture non imprimée, tirage limité à cinquante exemplaires hors-commerce. C’était une fantaisie pour pouvoir donner le manuscrit autographe à quelques amis.” (cité in Jean-Jacques Lévêque. De l’Impressionnisme à l’art moderne. Paris, 1991).

Un exemplaire en tout point similaire s’est vendu €17.545 à Drouot le 9 novembre 2016 (https://www.pba-auctions.com/recherche ?query=jarry+l%27amour+absolu)/