




Acheter
Estimation d'un livre ou d'un manuscrit
L'Intitulation & recueil de toutes les œuvres que Bernard de Bluet Darberes, comte de Permission Chevalier des Ligues des Treze quantons de Suisse, & ledict comte de Permission vous advertis qu'il ne sçait ny lire ny escrire & n'y a jamas aprins
L’ALTÉRITÉ RADICALE D’UN LIVRE DE FOU À LA RARETÉ PROVERBIALE ET PARTICULIÈREMENT ATTACHANT : “CE PHÉNIX DES LIVRES” (PAUL LACROIX, 1858).
EXEMPLAIRE DE BERNARD MALLE.
ÉDITION ORIGINALE
In-12 (131 x 68mm). Quelques ornements typographiques gravés sur bois (bandeaux et culs-de-lampe)
COLLATION : A4 ; (1) : A-B12 C-D6 ; (2) : Le Second livre d’oraison : [π]2 ; (3) : Le Troisième livre des sentences : [π]2 ; (4) : Le Quatrième livre : [π]2 ; (5) : Le Cinquième livre : [π]2 ; (6) : Le Sixième livre : [π]2 ; (7) : Le Septième livre de prophéties…imprimé… par le comte de Permission, qui a fait la composition, lequel livre comprend douze feuilles : π1 A-B6 ; (8) : Le Huictième livre de l’interprétation : π2 A12 ; (9) : Le Neuvième livre des Rois : π2 A-B8.4 ; (10) : Le Dixième livre : π2 A-B8.4 ; (11) : Le Onzième livre : π2 A-B8.4 (avec le portrait gravé de Bluet d’Arbères) ; (12) : Le Douzième livre : π2 A12 ; (13) : Le Treizième livre : π1 χ2 A6 ; (14) : Le Quatorzième livre : [π]2 ; (15) : Le Quinzième livre : [π]2 ; (16) : Le Seizième livre : π2 A6 ; (17) : Le Dix-septième livre : π2 A6 ; (18) : Le Dix-huitième livre : π2 A6 ; (19) : Le Dix-neuvième livre : π2 A6 ; (20) : Le Vingtième livre : π2 A6 ; (21) : Le xxj livre : π2 A12 ; (22) : Le Vingt-deuxième livre des sentences et visions… : π1 A6 ; (23) : [sans le ou les deux feuillets liminaires] : A6 ; (24) : idem : A6 ; (25) : Le Vingt-cinquième livre : π2 A6 (le f. avec la gravure est au livre 35) ; (26) : Le Vingt-sixième livre : π2 A4 ; (27) : Le Vingt-septième livre : π2 ; (28) : Le Vingt-huitième livre : π2 A6 ; (29) : Le Vingt-neuvième livre : π2 ; (30) : Le Trentième livre : π2 A12 ; (31) : Le Trente-et-unième livre : π2 ; (32) : Le Trente-deuxième livre : π1 A6 (sans doute sans la gravure) ; (33) : Le Trente-troisième livre : π2 A6 ; (34) : Le Trente-quatrième livre : π2 A6 ; (35) : Le Trente-cinquième livre : π2 A6 ; (36) : Le Trente-sixième livre : π2 A6 ; (37) : Le Trente-septième livre : π2 A-B6 (27 février 1603) ; (38) : Le Trente-huitième livre : π1 A6 (12 mars 1603), puis de nouveau Le xxxviij. livre : A6 daté du 27 février 1603 ; (39) : Le Trente-neuvième livre : π2 ; (40) : Le Quarantième livre : π2 A6 ; (41) : Le Quarante-et-unième livre : A6 ; (43) : Le Quarante-troisième livre : A6 ; (44) : Le Quarante-quatrième livre : A6 ; (45) : Le Quarante-cinquième livre : A6 ; (46) : Le Quarante-sixième livre : π2 A6 ; (47) : Le Quarante-septième livre : A6 ; (48) : Le Quarante-huitième livre : A6 ; (49) : Le Quarante-neuvième livre : A6 ; (50) : Le Cinquantième livre : A6 ; (51) : Le Cinquante-et-unième livre : A6 ; (52) : Le Cinquante-deuxième livre : A6 ; (53) : Le Cinquante-troisième livre : A6 ; (54) : Le Cinquante-quatrième : A4 ; (55) : Le Cinquante-cinquième livre : A6 ; (56) : Le Cinquante-sixième livre : A6 ; (57) : Le Cinquante-septième livre : A6 ; (58) : Le Cinquante-huitième livre : A6 ; (59) : Le Cinquante-neuvième livre : A6 ; (60) : Le Soixantième livre : A6 ; (61) : Le Soixante-et-unième livre : A4.2 ; (62) : Le Soixante-deuxième livre : A-B4.2 ; (63) : Le Soixante-troisième livre : A-B4.2 ; (64) : Le Soixante-quatrième livre : A-B4.2 ; (65) : Le Soixante-cinquième livre : A-B4.2 ; (66) : Le Soixante-sixième livre : A-B4.2 ; (67) : Le Soixante-septième livre : A6 ; (68) : Le Soixante-huitième livre : A6 ; (69) : Le Soixante-neuvième livre : A6 ; (70) : Le Soixante-dixième livre : A6 ; (71) : Le Soixante-et-onzième livre : A6 ; (72) : Le Soixante-douzième livre : A6 ; (73) : Le Soixante-treizième livre : A6 ; (74) : Le Soixante-quatorzième livre : A6 ; (75) : Le Soixante-quinzième livre (avec la gravure de la femme aux phallus) : A6 ; (76) : Le Soixante-seizième livre : A6 ; (77) : Le Soixante-dix-septième livre : A6 ; (78) : Le Soixante-dix-huitième livre : A6 ; (79) : Le Soixante-dix-neuvième livre : A6 ; (80) : Le Quatre-vingt-unième livre : A6 ; (81) : Le Quatre-vingt-unième livre : A6 ; (82) : Le Quatre-vingt-deuxième livre : A6 ; (83) : Le quatre-vingt-troisième livre : A6 ; (84) : Le quatre-vingt-quatrième livre : A6 ; (85) : Le Quatre-vingt-cinquième livre : A6 ; (“Les livres 86, 87, 88, 89 et 90 manquent totalement dans tous les exemplaires qui nous sont passés sous la main” (G.-F. De Bure, cf. infra) ; (91) : Le Quatre-vingt-onzième livre : A6 ; (92) : Le Quatre-vingt-douzième livre : A6 ; (93) : Le Quatre-vingt-treizième livre : A6 ; (94) : Le Quatre-vingt-quatorzième livre : A6 ; (95) : Le Quatre-vingt-quinzième livre : A6 ; (96) : Le Quatre-vingt-seizième livre : A6 ; (97) : Le Quatre-vingt-dix-septième livre : A6 ; (98) : Le Quatre-vingt-dix-huitième livre : A6, soit 92 parties en 98 cahiers (sans les cahiers 42, 86, 87, 88, 896, 90)
ILLUSTRATION : au moins 341 gravures sur bois de tous formats, petites ou plus grandes, imprimées dans les marges ou à 2/3 de pages, fréquemment en double page
RELIURE DU XVIIIe SIÈCLE. Maroquin brun, fleurette dorée dans les angles, roulette estampée à froid en encadrement, dos doré à croisillons
PROVENANCE : très probablement l’exemplaire de Louis-Félicité de Brancas (1733-1824), duc de Lauraguais. Cf. le catalogue de sa vente, Catalogue d’une collection de livres choisis provenans du Cabinet de M*** (de Lauraguais), Paris, De Bure, 1770, n° 531 : “M[aroquin] B[leu] (XCVIII Livres)”. Le livre est si rare et si souvent différent qu’il ne peut y avoir qu’un seul exemplaire en 98 parties, celui-ci. En outre, “M. B.” signifiant la couleur bleue (comme l’indique la p. xvj du catalogue Lauraguais), il semble possible que reliure soit devenue brune en se fanant -- éventuellement, et par la suite : François de Los-Rios (1727-1820), Bibliographie instructive ou notice de quelques livres rares & difficiles à trouver, Avignon et Lyon, 1777, p. 103, n° 332, dit en “XCVIII Livres” sans précision de reliure. La provenance de Dominique Martin Méon mentionnée dans le volume est impossible, son exemplaire étant relié en trois volumes de maroquin bleu par Bozerian (Cat., 1803, n° 2866) -- ancienne collection Bernard Malle (cachet)
Bernard Bluet naît en 1566, à Arbères en Savoie près de Genève. Adolescent, il court l’aventure, exerce divers métiers. Il est fiancé à la fille d’un gouverneur local mais, loin de profiter de l’aubaine, celui qui s’appelle désormais Bluet d’Arbères s’inflige des mortifications pour échapper aux fiançailles. Il se découvre une vocation de prophète et vit quinze ans en ermite, errant, tirant derrière lui une chapelle à roulettes pour prier à l’occasion. Le duc Charles-Emmanuel de Savoie, le découvre, s’en entiche, l’habille en prince, et en fait son fou.
“Il me fit monter sur un arbre, puis me fit faire une grande prédication, & ce pendant il fit couper le dict arbre, & quand je voulois descendre, on me jetait des pierres & cailloux, tellement qu’en fin je fus contrainct de me laisser tomber avec le dict arbre, en me recommandant à Dieu, lequel me sauva.”
Devenu par lui-même “comte de Permission”, Bluet accompagne le duc à la cour de Henri IV, en 1599, et s’installe à Paris. Il passe les sept années suivantes à vivre de l’aumône accordée par les Grands. On le prend pour fou. Il dicte ses ouvrages cherchant à se faire prendre au sérieux. Il dessine lui-même et grave sans doute certains des bois qui ornent ses livrets. Certes, de son côté, l’imprimeur de Bluet se servit aussi de bois datant du début du XVIe siècle encore subsistant. Mais la plus grande partie des illustrations fut gravée spécialement sur les indications de l’auteur.
Cet analphabète a toujours voulu passer pour un lettré. Enfant, il feignait de savoir lire en espérant gagner le respect des paysans. Adulte, il tente de transformer son illettrisme en gage de compétence. Son ignorance garantit selon lui la légitimité de son inspiration divine. Le onzième livre présente un autoportrait gravé de l’auteur.
“Le comte de Permission vous déclare, qu’il ne sçait lire ny escrire, Si n’a jamais apris ny estudié, à cause qu’il est sorty de pauvres gens & de mespris : & ce n’est que par l’inspiration de Dieu, & du sainct Esprit : & toute ma science je l’ay apris à contempler & prier Dieu. Je vous déclare que je ne va point aux prédications, & ne veux apprendre de personne : c’est pour m’asseurer plus avecques Dieu : c’est pour rendre les merveilles de Dieu plus miraculeuses, afin que le monde n’aye point de sujet que j’aye apris d’eux.”
Bluet dictera ainsi plus d’une centaine d’opuscules réunis sous le titre général d’Intitulation. Ce qui, en langage du temps, signifie “titre”. Ses livres broussailleux sont truffés d’innombrables récits de rêves et d’hallucinations. Mais les textes les plus fascinants sont autobiographiques. Ils nous livrent une multitude de détails sur sa vie d’enfant au village, ses tentatives de rébellion contre Charles-Emmanuel, sans oublier la recette pour devenir saint en autodidacte, les tentatives de castration au rasoir, la privation volontaire de sommeil.
Le cinquante-huitième livre traite de la paillardise et de la luxure. Au soixante-dixième livre, Bluet commence le passionnant récit de sa vie : “de quoy le sujet du livre traite du commencement de ma vie (…) Dieu m’a fait naître en un lieu de mépris et de basse qualité”. L’une des images les plus connues de Bluet d’Arbères est sans doute celle qui orne le soixante-quinzième livre. Elle est souvent absente ou mutilée : “la 75e qui est la plus obscène, se trouve ordinairement ou en déficit ou mutilée” (R. Duclos, op. cit. infra, 1790). Faisant le triste récit de ses fiançailles ratées, on y voit une femme nue entourée de nombreux phallus ailés. C’est la fameuse fiancée de Bluet d’Arbères que, diabolisée, il a vu en songe :
“je sceus par l’Ange que je voyais que ladicte maitresse ce vint présenter à moy toute nuë, entrelardée par tout son corps de ( :) [signe d’abréviation qui désigne le phallus] & vous advertis que cet y servira d’exemplaire à ceux qui voudront vivre vertueusement en ce monde.”
Au fil des anecdotes et des signes cliniques, on découvre l’éclatement progressif de la personnalité de Bluet. On le raillera à Paris comme le prophète qui prédit le passé. Bluet, fou de Dieu et fou tout court, meurt en 1606 dans des circonstances obscures, sans doute à la suite de privations visant à conjurer une épidémie de peste.
“Je voyois le soleil à ma fenestre, lequel me cria ouvre moy la porte que j’entre en la maison, je veux entrer & tu me fermes tousjours la porte. (…) Je voyois que j’allois à la hauteur de la terre de trois clochies & que j’allois invisible par tout le monde, & j’allois annonçant aux peuples regardez, regardez la grandeur de mon Dieu je passe les rivières sans toucher l’eau, je m’eslevois comme une plume par la grâce que mon Dieu m’avoit faite.”
Il y a de nombreux livres sur les fous ou sur la folie, à commencer par la Nef des fous de Sebastian Brant, das Narrenschiff, publié pour la première fois à Bâle en 1494, en allemand. Dans un article de 1835, Charles Nodier, ardent bibliographe et bibliophilie, créa même une catégorie pour le moins subjective de “fou littéraire”, soit l’auteur d’un livre dit “excentrique”, c’est-à-dire un livre qui sort du sens dit commun par l’auteur. Le premier numéro de sa liste des livres de fou est le Poliphile de Francesco Colonna, puis suivent Guillaume Postel (1510-1581), Simon Morin (mort en 1563) qualifiés par Nodier sans aucune raison de “fous seigneuriaux”. À Bluet d’Arbères, Nodier consacre le second article de sa Bibliographie de fous : “dès L’Intitulation ou recueil de toutes ses œuvres, il vous avertit “qu’il ne sçait ny lire ny écrire, et n’y a jamais apprins”” (cf. PHOTO 13442.2). Il constate aussitôt l’extrême valeur de ces fascicules illustrés qui “se vendent 5 ou 6000 francs, c’est-à-dire deux ou trois fois plus que l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, qui n’est pas un ouvrage plus sensé mais qui prouve plus de talent”. Dans son Histoire littéraire des fous (1860), Octave Delpierre consacre à Bluet une longue étude très informée, contenant des résumés et des extraits des quatre-vingt-dix-huit premiers livrets.
Au XVIIIe siècle, les collectionneurs de livres recherchèrent les “raretés” avec une telle avidité qu’elle fut souvent tournée en ridicule par le moralisme chrétien, dénonçant un mauvais désir. Au siècle précédent, cet appétit déraisonnable avait déjà été condamné sous la forme de ce qu’on appelait alors la “curiosité”. On en retrouve une trace célèbre dans un texte connu de La Bruyère : “la curiosité n’est pas un goût pour ce qui est bon ou ce qui est beau, mais pour ce qui est rare, unique, pour ce qu’on a et ce que les autres n’ont point” (“De la Mode”).
Bien des années plus tard, par un retournement du fou au fou, Isaac Disraeli (1766-1848), père du Premier ministre du même nom et auteur des Curiosities of literature (1798), prend Bluet d’Arbères comme le meilleur exemple de la folie et de l’inanité de la bibliophilie. Après avoir souligné l’irrationalité des propos de Bluet, il écrit : “there are men who display a rich fund of Erudition only by studying catalogues and feel themselves as much enchanted by the rarity of an execrable book”. L’ouvrage de Bluet d’Arbères, livre de fou, avait déclenché la passion d’amateurs eux-mêmes regardés comme d’autres fous. Signe de reconnaissance bibliophilique précoce, Jean-Marc Chatelain a évoqué l’attention portée par le collectionneur Jean-Pierre Imbert Châtre de Cangé (1680-1746) sur son exemplaire maintenant conservé à la BnF :
“il a eu soin non seulement de noter en tête que l’auteur était ce que Charles Nodier appellera plus tard un “fou littéraire” (“L’auteur de ces rêveries estoit un fol qui alloit par les rues quelquefois nud en chemise portant une grand croix de bois et de jour en jour il faisoit imprimer ses visions”), mais il a aussi relevé avec soin la présence de la gravure représentant une femme nue dont le corps est traversé d’une multitude de sexes masculins : “figure, écrit-il, [qui] est bien remarquable et se trouve dans peu de recueils”. (Une collection pour mémoire… , cf. infra)Les plus savants bibliographes sont depuis longtemps repéré qu’il n’existe pour ce livre aucun exemplaire absolument complet de toutes les pièces connues, aucun ideal copy. Paul Lacroix, dans un numéro du Bulletin du Bibliophile de 1858, déclarait que :
“suivant sa conviction bien fondée, il est et sera absolument impossible de faire un exemplaire complet ou presque complet de ce singulier monument de la folie humaine, les exemplaires les plus complets ne sont pas les plus précieux, et les plus rares sont ceux qui se reconnaissent par leur bon état de conservation”.
Jacques-Charles Brunet écrivait aussi : “Non-seulement on ne trouve jamais cette suite bien complète, mais encore les exemplaires qu’on en rencontre diffèrent entre eux dans le contenu de plusieurs des pièces qui les composent”. L’abbé Duclos écrivait déjà en 1790 dans son Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares : “ouvrage extravagant & bizarre dont on ne connaît aucun exemplaire absolument complet.
De ce recueil, nous ne connaissons aujourd’hui que bien peu d’exemplaires :
1. Celui de l’ancienne collection de Dominique Courvoisier, sans provenance ancienne, mais très bien relié, avec 78 fascicules (Paris, 14 février 2018, n° 22, € 61.407)
2. Celui des anciennes collections du libraire Joseph Techener, du baron Double (Cat., 1863, n° 223), d’Ambroise Firmin-Didot, d’Édouard Moura (1923, n° 917), d’Édouard Rahir (Ve partie, n° 1249), puis H. P. Kraus (cat. 125, $2.800). Il présentait 70 parties en 98 cahiers. Il a figuré sans prix à un catalogue de Gérard Oberlé en 1979 (n° 2), puis à la librairie Valette en 1997 (150.000 FF)
3. L’exemplaire de Paul Girardot de Préfond acquis par le marquis de Paulmy et maintenant à la bibliothèque de l’Arsenal (qui possède aussi un second exemplaire très incomplet)
4. Celui des anciennes collections Hibbert et Hanrott que nous n’avons pu retracer
5. L’exemplaire de Gaignat (1769, n° 2423, 193 livres), puis du duc de La Vallière (Cat., Première partie, t. II, 1783, n° 4379, 150 livres) relié en trois volumes de maroquin bleu “qui passe pour être le plus complet” (Duclos, 1790). Il est aujourd’hui conservé à Vienne à l'Österreischiche Nationalbibliothek (http://digital.onb.ac.at/OnbViewer/viewer.faces ?doc=ABO_%2BZ183454500)
6. Celui de Châtre de Cangé, depuis 1733 à la Bibliothèque nationale de France (la BnF possédant aussi un second exemplaire très incomplet).
7. L’exemplaire de Sir Hans Sloane (1660-1753) à la British Library
8. L’exemplaire MacCarthy (Cat. 1815, n° 3730, en 4 volumes reliés par Derôme)
9. BM de Besançon
10. Bibliothèque Sainte-Geneviève en 98 livres
11. BM de Rouen dans le fonds Leber
12. BM de Toulouse
13-14. Deux exemplaires très incomplets à Harvard : GEN *FC6.B6258.B604i (A) et GEN *FC6.B6258.B604i (B)
Au XXe siècle, Michel Foucault a renouvelé notre regard sur la folie. Il a su donner leur véritable dimension à ceux que l’on considérait autrefois comme de simples “fous littéraires”. On ne doit plus regarder leurs livres comme un objet de dilection triviale pour collectionneur, mais bien comme une ouverture vers une altérité radicale. Pour Foucault, Bluet d’Arbères sera bien l’un des grands représentants, révélateurs de cette “inquiétude, montée soudain à l’horizon de la culture européenne, vers la fin du Moyen Âge. La folie et le fou deviennent personnages majeurs, dans leur ambiguïté : menace et dérision, vertigineuse déraison du monde et mince ridicule des hommes” (Histoire de la folie à l’âge classique, 1972, p. 24). Évoquant Bluet et son analphabétisme dès les premières pages de son magnus opus, Michel Foucault rappelle qu’il se dit animé “par l’inspiration de Dieu et des anges” (p. 54). Dans une interview donnée à France Culture le 31 mai 1961, Foucault dessine pour Bluet d’Arbères l’horizon d’attente propre à ces premières années du XVIIe siècle :
“À ce moment-là, la folie était un phénomène tellement institutionnel et reconnu que certains fous, et l'un d'entre eux en particulier qui s'appelait Bluet d'Arbères, ont publié leurs œuvres, ou plutôt des gens ont publié pour eux des textes tout à fait extraordinaires, absolument illisibles d'ailleurs, et qui servaient de distractions. C'étaient des poèmes, c'étaient des histoires, c'étaient des romans et au fond jusqu'à un certain point, le Don Quichotte de Cervantès peut s'inscrire dans toute cette grande tradition de la littérature de la folie ou de la littérature sur la folie.”
J.-C. Brunet, Manuel du libraire, I, col. 979-980 -- J. Gay, Bibliographie des ouvrages relatifs à l’amour, 1873, t. VI, pp. 5-6 -- Octave Delepierre, Histoire littéraire des fous, avec des écrits sur ce thème par Charles Nodier, Louis Greil, Jules Andrieu, Gabriel Hécart, etc., 1860, rééd. Bassac, 2015 -- P. L. Jacob, Dissertations bibliographiques, Paris, 1864, p. 166 ssq. qui republie l’article du Bulletin cité supra -- R. Duclos et A.-C. Cailleau, Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares, 1790, p. 142 -- Isaac Disraeli, Curiosities of Literature, 1798, pp. 259-262 -- Guillaume-François De Bure, Bibliographie instructive ou traité des livres singuliers, 1765, t. II, pp. 229-237, n° 3990 et n° 2423 du Catalogue Gaignat, cf. aussi Catalogue Girardot de Préfond, 1767, n° 1011
WEBOGRAPHIE : sur Charles Nodier et Bluet d’Arbères, cf. https://www.persee.fr/doc/rhren_1771-1347_2014_num_78_1_3368 -- article de Charles Nodier dans le Bulletin du Bibliophile sur les fous littéraires : https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k62544p/f190.item -- P. Lacroix, “Note bibliographique sur les Œuvres du comte de Permission”, Bull. du Bibliophile, 1858 : https://archive.org/details/bulletindubibli82frangoog/page/1080/mode/2up ?q=bluet -- pour l’interview donnée par Foucault à France Culture : http://www.inter-zone.org/foucault.html -- on peut aussi consulter la fiche bibliographique de Michel Foucault : https://eman-archives.org/Foucault-fiches/items/show/12838