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Légitime défense
ENVOI D’ANDRÉ BRETON À RAYMOND ROUSSEL
ÉDITION ORIGINALE
In-12 (174 x 113 mm)
COLLATION : (1) f., 26 pp., (2) ff.
ENVOI autographe signé :
A Raymond Roussel
hommage d’admiration
André Breton
RELIURE DE L'ÉPOQUE. Dos à nerfs de chagrin vert, plats de papier marbré vert, couverture conservée
PROVENANCE : Raymond Roussel (envoi) -- Hubert Heilbronn (ex-libris ; Sotheby’s Paris, 11 mai 2021, n° 218)
Légitime défense est un court essai-manifeste qui “prend à partie les thèses d’un marxisme intégriste”, mais dans lequel André Breton ne remet pas pour autant en cause le “matérialisme historique” :
“Du dehors au-dedans, du dedans au dehors, surréalistes, nous continuons à ne pouvoir témoigner que de cette sommation totale et pour nous sans exemple en vertu de laquelle nous sommes désignés pour donner et pour recevoir ce qu’aucuns des hommes qui nous ont précédés n’ont donné ni reçu, pour présider à une sorte d’échanger vertigineux, faute duquel nous nous désintéresserions du sens de notre vie, ne serait-ce que par paresse, par rage et pour laisser libre cours à notre débilité. Cette débilité existe : elle nous empêche de nous compter chaque fois qu’il y a lieu, même devant les idées que nous sommes sûrs de ne pas partager avec les autres et dont nous savons assez qu’à un degré d’expression près – l’action – elles nous mettent hors la loi.”
Deux ans avant, dans l’Introduction au discours sur le peu de réalité, Breton constatait que les mots “sont sujets à se grouper selon des affinités particulières, lesquelles ont généralement pour effet de leur faire recréer à chaque instant le monde sur un même modèle”. La tâche du poète est donc de renverser les “lois qui président à [ces] assemblages”, de “brouiller l’ordre des mots” et “d’attenter de cette manière à l'existence toute apparente des choses”. C’est en effet ce que Breton découvrit chez Raymond Roussel : “une sorte d'espoir obscur de remettre en marche la pensée en compromettant systématiquement le langage à partir d’un minimum d’ambiguïté qui réside dans ses sons” (La Clé des champs).
À l’instar d’autres jeunes surréalistes, Breton ne cacha pas son admiration pour Roussel, “avec Lautréamont, le plus grand magnétiseur des temps modernes”. On se souviendra aussi que Breton avait assisté à une représentation de Locus Solus, adapté au théâtre par Pierre Frondaie, le 8 décembre 1922. Le lendemain, il lui adressait un exemplaire des Champs magnétiques avec l’envoi suivant : “À Raymond Roussel pour Locus Solus, le seul spectacle auquel il m’ait été donné d’assister”. Il lui réserva plus tard une bonne place dans son Anthologie de l’humour noir.
J. Decottignies, “L’œuvre surréaliste et l’idéologie”, Littérature, n° 1, 1971, pp. 30-47 -- F. Caradec, Raymond Roussel, Paris, 1997, pp. 171-175 -- A. Breton, Œuvres complètes, II, Paris,