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Les Amours
RARE EXEMPLAIRE D’UN CHEF D’ŒUVRE DE LA POÉSIE FRANÇAISE : LES AMOURS ÉROTIQUES D’UN JEUNE HOMME DE VINGT ANS, ÉTOILE DE LA PLÉIADE :
“LORSQUE MA LANGUE A DEMELLER S'AVANCE
LE LABIRINTE OÙ JE SUIS DETENU” (P. 24)
ÉDITION ORIGINALE
In-12 (100 x 161mm). Grande vignette gravée sur bois imprimée au centre de la page de titre, initiales et bandeaux gravés sur bois. Imprimé en caractères italiques. Erreur de pagination : 19 mal chiffré 91
COLLATION : a-f8 g4 : 52 feuillets avec a1v-g4r paginé 2-103
RELIURE SIGNÉE DE HONNELAÎTRE. Maroquin janséniste citron, décor doré, triple filet en encadrement, dos à nerfs orné et doré, tranches dorées. Étui
PROVENANCE : Jean Bourdel (1925-2019 ; Paris, 17 juin 2024, n° 59)
RARETÉ : 8 exemplaires recensés par USTC dans les bibliothèques publiques : deux à la BnF, trois à Munich, un en Écosse, deux à Harvard -- un seul exemplaire, hormis celui-ci, a été présenté sur le marché des ventes aux enchères (Jean Paul Barbier-Mueller, Paris, 23 mars 2021, lot 2, 15.000 € avec les frais) -- le fichier Berès ne mentionne qu’un seul exemplaire, en reliure du XIXe siècle, proposé à la vente en 1979 par un libraire genevois
Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) naquit à Venise d’un père diplomate et d’une mère inconnue, peut-être courtisane. Son père, Lazare de Baïf,
“humaniste brillant, fréquenta davantage les auteurs antiques (Plutarque et les tragiques grecs, qu’il traduisit) que le palais dogal : il fut rappelé en France dès 1534 et devint conseiller au Parlement et maître des requêtes ordinaires de l’Hôtel du Roi. Lazare légitima alors son fils et lui donna les meilleurs professeurs, notamment Charles Estienne pour le latin” (Nicolas Ducimetière).
Le Crétois Ange Vergèce fut son professeur de calligraphie et de grec. Jean-Antoine avait huit ans quand son père partit à nouveau en mission diplomatique, en Allemagne et en Roumanie, accompagné d’un jeune page de seize ans, nommé Pierre de Ronsard. Jean-Antoine poursuivit son apprentissage auprès de Toussain, lecteur royal de grec et ami de Dolet, Budé et Érasme. À son retour, Lazare Baïf confia son fils Jean-Antoine, âgé de douze ans, et Pierre de Ronsard, à l’helléniste Jean Dorat pour parfaire leur éducation. Joachim du Bellay avait auparavant eu Jean Dorat comme maître :
“On ignorera toujours pourquoi l’ancien ambassadeur de Venise jugea à propos de donner à son fils un compagnon d’étude en la personne de Pierre de Ronsard, qui était plus âgé de huit ans et dont l’éducation avait certainement été moins soignée que celle de son condisciple. Sans doute, lors du voyage en Allemagne où le page vendômois l’avait accompagné, avait-il été frappé par son intelligence” (Jean Paul Barbier).
Lazare de Baïf écrivait dans la préface de sa traduction de Hécube, tragédie d’Euripide, adressée à François Ier, en 1544 :
“Me retrouvant en ma petite maison, mes enfants [… ] m’apportoyent chascun jour la lecture qui leur estoit faicte par leur precepteur [… ], me la rendant de mot à mot de Grec en Latin”.
Jean-Antoine était fils unique. Ce pluriel, “Mes enfants”, remarque Jean Paul Barbier, désigne sans aucun doute Jean-Antoine et Ronsard. Les deux futurs poètes de la Pléiade étaient donc devenus presque frères lors de leurs années d’apprentissage.
La poésie de Jean-Antoine de Baïf se singularise par ses tentatives d’adapter à la langue française, les métriques de l’hexamètre grec et latin, notamment par un travail de la syntaxe et des syllabes. Baïf, pour cette entreprise, se fonde sur une prosodie phonique. Il attribue une valeur à chaque son par une orthographe appropriée au mètre. Du Bellay qualifiait le jeune homme de “docte, doctieur, doctime Baïf”.
L’autre particularité de Baïf tient à sa précocité qui l’affilie aux poètes de vingt ans. Ses deux premières publications véritables (quelques poèmes épars avaient auparavant été imprimés) parurent dans sa vingtième année : Le Ravissement d’Europe et Les Amours. Le premier ouvrage réinvente un poème composé au IIe siècle avant Jésus Christ par un poète de Syracuse, Moschos. Le second livre, Les Amours, consiste en un canzoniere inspiré par Pétrarque, Jean Second et des épigrammes antiques :
“Baïf proposait un ensemble de soixante-quatorze poèmes, chansons et sonnets décasyllabiques (un seul emploie l’alexandrin) se succédant dans un joyeux désordre” (Nicolas Ducimetière).
Ces deux livres sont aujourd’hui d’une grande rareté. Par une étrange coïncidence, Ronsard publiait trois mois plus tôt, la même année et chez le même imprimeur, son propre recueil de poèmes portant également pour titre Les Amours.
Les Amours de Baïf, dédiées à une certaine “Meline”, ne peignent pas un amour idéal désincarné. Au contraire, cette muse, bien qu’imaginaire, “se révélait des plus complaisantes. Baïf avait abandonné la mystique de l’amour platonique pour des amours bien plus sensuelles. L’érotisme gai et voluptueux du poète rend fort agréable ce recueil” (Nicolas Ducimetière). Le langage amoureux permet une double lecture du poème. Comprenne qui voudra :
C’est ton ris, c’est ta minéte
sadinéte,
Qui me causent mon ardeur :
Et ta grâce et ta valeur,
En chaleur
Me font transir ainsi bléme,
Lors que je me pame et je meurs,
sans douleur
Etant ravi de moy mesme
USTC 6955 -- J.-C. Brunet, Manuel du libraire Manuel, I, col. 612 -- A. Tchemerzine, Bibliographie d’éditions originales et rares d'auteurs français I, p. 239 : “extrêmement rare” -- USTC 6955 (8 exemplaires recensés : deux à la BnF, trois à Munich, un en Écosse, deux à Harvard) -- Jean Paul Barbier-Mueller, Ma Bibliothèque poétique, III, 54 -- N. Ducimetière, Mignonne, allons voir… , 36 -- manque à la collection Jean A. Bonna