Les Jours et les Nuits

Jarry est l’étonnant chaînon entre le symbolisme et le surréalisme, entre Mallarmé et Breton : « Vous avez mis debout, avec une glaise rare et durable aux doigts, un personnage prodigieux », lui écrira tardivement le premier. Jarry restera une des figures tutélaires du surréalisme : “Depuis le début de la guerre [la première], André Breton pratique l’esprit de Jarry avec Les Jours et les Nuits comme d’un moyen de moquer sa misère, de dénier l’emprise du réel… De tous les poètes pour lesquels il s’est enthousiasmé, Jarry est celui qui gardera sa constante estime, avec Lautréamont” (Dictionnaire André Breton). Les jours et les nuits, roman d'un déserteur est un roman sur le dédoublement, sur « la désertion » du réel pour le rêve. Il ne pouvait qu’enthousiasmer les poètes de l’avant-garde de l’époque.

André Fontainas est un de ceux-là. Installé à Paris depuis 1889 comme critique d’art au Mercure de France, le poète symboliste belge soutient Alfred Jarry. Ce dernier est depuis sa jeunesse un auteur assidu de la revue. « Il n’est point de réputation littéraire entre 1890 et la guerre de 1914 qui ne soit issue du Mercure ou qu’il n’ait contribué à former », affirmera en 1928 André Fontainas dans son livre Mes Souvenirs du symbolisme. Lorsqu’Alfred Jarry était élève à Laval, ses professeurs lui intimaient l’ordre de ne pas lire le Mercure. Pour eux, cette revue était “dégénérescente et partaient dans tous les sens”. En effet, le Mercure de France est une création collective, fait primordial car pouvant expliquer la primauté donnée dès le début à l’éclectisme. André Fontainas en était l’un des garants.