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ARTAUD, Antonin.

Lettres de Rodez

Paris, Guy Lévis Mano, 1946

POIGNANT ENVOI AUTOGRAPHE D’ANTONIN ARTAUD À LAURENCE ALBARET.

“UN ENFER DE FIGURES DE MORTES”

ÉDITION ORIGINALE

In-16 (162 x 111mm)
TIRAGE : exemplaire n° 262, l’un des 500 sur vélin blanc

ENVOI autographe signé :

à Laurence Albaret, parce que j’ai écrit ces lettres devant un enfer de figures de mortes où je croyais toujours voir Anie que j’ai retrouvée en vie, mais derrière la mort il y avait le néant et n’est-ce pas du néant total que j’ai vu sortir cette première figure, ici Laurence Albaret, Antonin Artaud

RELIURE VERS 1970. Dos long de box noir, plats de papier gris, tranche de tête dorée, couverture conservée, non rogné

Relié sans le dos de la couverture

Le 11 février 1943, Antonin Artaud fut admis à l’hôpital psychiatrique de Rodez, grâce à Robert Desnos. Il y restera trois ans. Les cinq lettres qui composent ce recueil s’étendent de septembre à novembre 1945. Elles sont toutes adressées au traducteur et éditeur, ami des surréalistes, Henri Parisot (1908-1979). C’est Henri Parisot lui-même qui proposa à Artaud de publier les lettres. Elles paraîtront dès le début de l’année suivante, chez Guy Lévis Mano, malgré l’opposition du médecin chargé de s’occuper du poète, le docteur Gaston Ferdière. Au dernier moment, Artaud avait souhaité, mais trop tard, leur donner le titre de Lettres du temps de la misère.

Laurence Albaret est le pseudonyme de Marthe Jacob, une des amies de Mélanie Besnard. Artaud fit certainement sa connaissance dans l’entourage de cette dernière avant son internement. Sous son pseudonyme, Laurence Albaret publia un recueil de récits, Le Grand Ventre, en 1944. Son titre, très artaldien, témoigne d’une certaine influence du poète de Rodez, à l’instar de celle qu’il exerça, une quinzaine d’années plus tôt, sur la jeune Anie Besnard, ou bien encore sur Colette Thomas. De fait, l’envoi de cet exemplaire mêle curieusement les figures d’Anie et de Laurence. Et c’est bien autour de la “figure” et du surgissement du “néant total” que se concentrent les mots d’Artaud. Laurence Albaret fut, elle aussi, l’une des “filles de cœur” d’Antonin Artaud.

Mélanie Besnard, dite “Anie”, qu’Artaud mentionne dans son envoi, fut l’une de ses plus proches amies. Elle n’avait que quinze ans lorsqu’Artaud fit sa connaissance, en 1930, boulevard du Montparnasse. Il prit la jeune fille sous son aile. D’une relation d’abord paternelle, celle-ci évolua vers un attachement sororal, peut-être au souvenir de Germaine, sœur cadette du poète, morte à sept mois. Enfin, elle deviendra l’une de ses “filles de cœur” et une correspondante régulière. La cohorte des “filles de cœur” représente, dans l’imaginaire artaldien, une famille mythique dont il est le créateur. Elles seront toute une tribu, telles des petites Kali, à incarner la glossolalie et les variations onomastiques du poète, à offrir, corps et âme, un prolongement d’Artaud-le père. Les principales “filles de cœur” furent : Mariette Chilé, dite Neneka, sa grand-mère maternelle ; Catherine, sa grand-mère paternelle ; Anie Besnard, l’ange ; Germaine, la jeune morte ; Cécile Schramme, l’ex-fiancée ; Ana Corbin, actrice ; Yvonne Allendy, épouse du docteur René Allendy ; Colette Thomas, comédienne, fragile double féminin d’Artaud, auteur du Testament de la fille morte.

BIBLIOGRAPHIE : 

A. Artaud, Œuvres, Paris, 2004 -- A. Artaud, Lettres à Anie Besnard, Paris, 1977 -- F. de Mèredieu, C’était Antonin Artaud, Paris, 2006, pp. 896, 986 -- J. Prevel, En compagnie d’Antonin Artaud, Paris, 2015, p. 67 -- C. Bouthors-Paillart, Antonin Artaud : l’énonciation ou l’épreuve de la cruauté, Genève, 1997